Introduction :

Tous les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur l’éventuelle succession
du leader palestinien. Si celle-ci est bien évidemment déterminante pour
l’avenir de la région, l’attitude de Sharon face à la situation politique
intérieure d’Israël d’une part, et au changement de direction de
l’Autorité Palestinienne d’autre part, pourrait l’être encore davantage.
C’est en tout cas l’avis d’Orit Shochat qui voit dans la conjonction
actuelle des événements, une occasion unique pour Sharon de prendre « pour
une fois » la bonne initiative: démissionner Netanyahu et Livnat ainsi que
les ministres du parti national religieux, et former un gouvernement
centriste avec le soutien de toutes les forces de gauche, ce qui
redonnerait de l’espoir aux palestiniens et permettrait peut être enfin
d’aboutir à un accord de paix négocié.

Rappelons que Benjamin Netanyahu et Limor Livnat, respectivement ministres
de l’économie et de l’éducation se sont dans un premier temps opposés au
plan de retrait initié par Sharon. Ils ont cependant voté en sa faveur la
semaine dernière tout en posant un ultimatum a Sharon. Celui-ci est sommé
d’annoncer dans les deux semaines à venir, la tenue d’un référendum
concernant le plan de retrait, faute de quoi ils démissionneraient et
voteraient contre le gouvernement lors du prochain scrutin de la Knesset.

Selon Aluf Benn de haaretz, Limor Livnat aurait annonce ce matin meme
qu’elle revenait sur sa decision et ne demissionnerait donc pas, meme si
Sharon n’annonçait pas de referendum. Netanyahu quant a lui, reste sur ses
positions. Rappelons egalement que Sharon avait annonce jeudi dernier
qu’il ne retarderait pas la lise en oeuvre du plan de retrait , et ce,
malgre la maladie d’Arafat. Il a egalement exclu l’hypothese du
referendum.


Haaretz, le 29 octobre 2004

[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/494978.html]


Il se pourrait bien que dans les semaines à venir la succession d’Arafat
ne devienne une question secondaire en regard de celle du remplacement du
ministre des finances Benjamin Netanyahu, du ministre de l’éducation Limor
Livnat et des ministres du parti national religieux.

Aujourd’hui plus que jamais, c’est Israël qui avec l’appui inconditionnel
de l’administration américaine, règne sur les Palestiniens. Dans ce
contexte, on peut dire sans exagération que le destin des peuples
israélien et palestinien dépend bien plus de l’attitude future de Sharon,
que du nom du successeur d’Arafat.

Si Sharon décide de s’allier avec la gauche et s’assure le soutien des
partis qui défendent le démantèlement des colonies et la recherche d’un
accord de paix, cela incitera les palestiniens a adopter une attitude
modérée.

Il peut aussi choisir de surfer sur la vague des rabbins et des activistes
du comité central du Likoud, essayer de trouver des compromis avec eux,
et accueillir le changement au sein de l’Autorité Palestinienne en
envoyant des tanks et en prophétisant le pire. Dans cette hypothèse, c’est
l’armée qui comblera le vide créé au sein du leadership palestinien par
ses plans d’urgence pour « le jour après Arafat » . Le vote majoritaire de
la Knesset en faveur du désengagement et du démantèlement des colonies
tombera alors a l’eau.

Il est très rare que l’histoire offre une convergence d’événements
comparable a celle que nous vivons aujourd’hui. Le revirement de Sharon ;
les regrets qu’il a exprimes concernant la campagne d’incitation a la
violence menée contre feu Yitzhak Rabin ; ses déclarations a la tribune
de la Knesset exprimant sa volonté de ne pas gouverner les palestiniens ;
le message qu’il a adresse aux Arabes, en affirmant refuser que l’Etat
d’Israël soit bâti sur leur destruction ; la détermination qu’il a montrée
à démanteler des colonies au risque de perdre le pouvoir ; l’opiniâtreté
dont il a fait preuve face aux rebelles du Likoud ; les regards désespérés
de ses opposants ; le mépris que leur attitude a généré y compris dans
leurs rangs ; l’ultimatum de Netanyaou et Livnat qui arrive à point nommé
pour permettre à Sharon de se séparer d’eux et de la voie de l’extrémisme
qu’ils représentent ; la peur grandissante de la violence de l’extrême
droite qui a un retentissement d’autant plus grand du fait de la
commémoration de l’assassinat de Rabin ; et enfin l’opportunité de voir
advenir un changement au sein de l’Autorité Palestinienne – tout cela
pourrait permettre à Sharon de gérer pour la première fois la situation
avec pragmatisme et retenue, à la condition qu’il soit soutenu par une
nouvelle force politique d’ou les extrémistes seraient absents.

Arafat va-t il quitter la scène politique ? Ses successeurs seront ils
issus du groupe des tunisiens exiles ou du leadership de l’Intifada ? Ces
questions sont avant tout l’affaire des palestiniens. Israël ne peut pas
intervenir et faire émerger une nouvelle génération d’interlocuteurs
potentiels qui n’auraient pas le soutien de leur peuple. Il doit aussi se
garder d’exprimer exagérément sa joie face à la situation d’Arafat et
garder en permanence à l’esprit la terrible détresse du peuple
palestinien.

En cette période de crise, Israël peut donner aux palestiniens l’espoir
qu’un changement radical dans la nature de leur relation avec les
israéliens est encore possible et que le retournement politique de Sharon
(et la recomposition de la carte politique israélienne qui en découle)
peut leur être bénéfique.

Il nous faut espérer que les Palestiniens ne se laisseront pas égarer par
un nouvel Arafat, et que, de la même façon, les colons ne trouveront pas
un nouvel Ariel Sharon pour gravir avec eux les collines de Cisjordanie.
Les deux camps se retrouvent aujourd’hui face à un tournant décisif et
leurs destins sont plus que jamais entremêlés. La faiblesse du camp
palestinien fait aujourd’hui porter l’essentiel du poids de la
responsabilité au gouvernement israélien.

La question de savoir si le monde des affaires sera déçu par le départ de
Netanyahu et si la reforme bancaire sera votée dans le cas ou un autre
ministre des finances est nommé, est totalement secondaire. L’important
est de savoir si Sharon va réussir à former un gouvernement homogène et
déterminé, un gouvernement qui parviendra enfin à prendre des décisions
difficiles et à les appliquer sans être l’objet d’un chantage politique et
affectif de la part du bloc messianique, bloc aujourd’hui mené par les
ministres de l’ultimatum, Netanyahu et Livnat, qui perdra l’essentiel de
son pouvoir avec leur départ du gouvernement.