« La création d’un nouveau quartier au-delà des frontières de 1967 rend vide de sens l’engagement de Nétanyahou à négocier sur toutes les questions clef, dont celle relative à la souveraineté à Jérusalem-Est », pouvait-on lire hier 18 octobre dans l’éditorial de la rédaction de Ha’aretz, qui faisait le lien avec l’échange de prisonniers qui a présidé à la libération de Guilad Shalit, renforçant le ‘Hamas aux dépens de Ma’hmoud Abbas dans la rue palestinienne.

Lire également sur ce site la tribune de David Chemla (publiée dans Libération et le Nouvel Observateur), « Guilad Shalit, une libération riche en enseignements » : [->https://www.lapaixmaintenant.org/Guilad-Shalit-une-liberation-riche]


À l’heure où l’échange concernant Guilad Shalit fait monter la cote du ‘Hamas aux yeux des Palestiniens dans les Territoires, le gouvernement Nétanyahou tente de nous présenter le Fata’h, qui s’attache à conclure avec Israël un accord négocié, comme insignifiant. Il ne se passe pas de semaine sans informations sur un nouveau projet immobilier dans les Territoires ou à Jérusalem-Est. Quelques jours après l’annonce par le Premier ministre de la désignation imminente d’une commission chargée de chercher comment légaliser les implantations et les avant-postes construits sur des terres palestiniennes privées [1], Ha’aretz a rendu compte de l’avancement d’un programme visant à la création d’un nouveau quartier hiérosélymite de l’autre côté de la Ligne verte [2], sur des terres régies par l’Administration foncière israélienne [3].

Quatorze ans après que sa décision de fonder le quartier de Har ’Homa eût conduit à une crise dans les relations avec les Palestiniens, Benjamin Nétanyahou a donné sa bénédiction à la construction de 2 610 maisons à Guivat HaMatos, un quartier de Jérusalem-Sud. Un tiers des logements construits constitueront une extension du quartier palestinien de Beith Safafa, mais la création du nouveau quartier juif amoindrira les chances d’aboutir à Jérusalem à un accord qui préserve la continuité territoriale des agglomérations palestiniennes. Guivat HaMatos fait la jonction entre les plans d’extension de Guilo et Har ’Homa, fermant ainsi l’anneau qui coupera totalement Jérusalem-Est de la Cisjordanie du Sud.

La décision de presser l’avancement du programme de construction du nouveau quartier fut prise au plus fort des efforts du Quartette sur le Proche-Orient pour faire redémarrer les négociations israélo-palestiniennes. La nouvelle proposition du Quartette, qui fut « saluée » par le gouvernement, souligne que les deux parties doivent s’abstenir l’une et l’autre de toute mesure susceptible de préjuger de l’arrangement final. La communauté internationale, et en particulier l’administration Obama, le secrétaire-général des Nations unies Ban Ki-moon et la chef de la diplomatie de l’Union européenne Catherine Ashton ont fait chorus aux critiques adressées à Israël par la direction palestinienne.

La création d’un nouveau quartier au-delà des frontières israéliennes antérieures au 4 juin 1967 vide de tout sens l’engagement de Nétanyahou à négocier sur toutes les questions clef, dont celle relative à la souveraineté à Jérusalem-Est. Le Premier ministre doit donner sans plus attendre instruction aux ministères concernés de bloquer le programme immobilier de Guivat HaMatos et se garder de toute mesure qui porterait atteinte au statut de notre partenaire palestinien et à celui d’Israël sur la scène internationale.


NOTES

[1] Terres appartenant à des particuliers : la destruction de trois des maisons de Migron (Cisjordanie), consécutive à une décision de la Cour suprême statuant que les 47 maisons de cette “colonie sauvage“ devraient être détruites d’ici mars 2012 (décision suspendue depuis sur ordre du ministère public), se fondait sur le fait qu’elles se trouvaient, comme la requête de Shalom Akhshav (La Paix Maintenant) l’établissait, sur des terres appartenant à des particuliers, palestiniens de surcroît, en violation et du droit foncier israélien et du droit international.

[2] La “Ligne verte” est l’expression consacrée en Israël pour désigner la frontière orientale d’Israël jusqu’au 4 juin 1967, telle que définie par les accords d’armistice signés entre Israël et la Jordanie en 1948.

[3] L’administration foncière israélienne est responsable de l’attribution et de la location par bail emphithéotique des terres publiques (à savoir 93% des terres en Israël même), suivant des règles héritées de la période ottomane et une politique mise en place par le Keren Kayemeth LeIsrael afin de favoriser l’intégration de l’immigration juive. La question se complique bien évidemment dès lors qu’il s’agit de Jérusalem-Est.