Nous vous communiquons avec un peu de retard cet editorial paru dans
Haaretz le 9 fevrier dernier parce que nous estimons qu’il est toujours
d’actualite pour expliquer les debats, existant aujourd’hui en Israel au
sein de Shalom Akhshav, suite au projet de retrait de Gaza annonce par Arik
Sharon.
Vu d’ici, meme si nous devons pour l’instant rester circonspects quant a
cette declaration, nous ne pourrons pas ignorer, si ce retrait devenait
effectif prochainement, qu’il constituerait une revolution dans la
politique israelienne menee depuis 1967.
Par contre, nous devons affirmer avec lucidite un certain nombre de
principes, que l’histoire recente et notre connaissance de ce dossier nous
ont enseignes, pour que cette decision si elle etait appliquee, puisse
marquer un reel changement dans les relations entre les deux peuples.

1. Ce retrait doit etre realise dans le cadre d’un accord qui donnerait a
l’Autorite palestinienne le controle des territoires restitues. Si la
situation sur place est trop chaotique, il faudrait malgre les reticences
actuelles israeliennes, envisager la possibilite d’une presence
internationale (y compris americaine) pour assurer une phase de
transition.
Meme si nous pouvons comprendre que pour les Palestiniens, ce retrait
puisse etre mis au credit de leur lutte armee et politique, seul un tel
accord pourrait permettre de ne pas encourager les extremistes qui, sinon,
en sortiraient renforces.

2. Il ne faudrait pas que les colonies abandonnees soient detruites comme
l’avaient ete celles du Sinai rendues a l’Egypte, mais qu’elles soient
restituees a l’Autorite Palestinienne afin d’y installer une partie des
refugies vivant a Gaza. Cette decision devrait etre prise par Israel, a la
fois pour des raisons symboliques et marquer ainsi un changement de la
relation vis a vis des Palestiniens, que pour des raisons economiques; le
cout de ces infrastructures pouvant etre mis au credit des Israeliens dans
le cadre des futures compensations qu’ils seraient amenes a verser pour
participer a la resolution definitive de la question des refugies.

3. S’il est normal que le gouvernement israelien dedommage les colons pour
qu’ils puissent se reinstaller ailleurs, il ne devrait pas les encourager
a le faire en Cisjordanie.

En attendant, constatons malgre les vents contraires que de telles declarations vont dans le bon sens.

Les Amis de Shalom Akhshav


Editorial de la redaction de Haaretz, 9/02/04


Le programme du chef du gouvernement, consistant a evacuer les colonies de
la Bande de Gaza, a ete accueilli par des reactions de scepticisme. Il y
a en effet plusieurs bonnes raisons de douter du serieux de Sharon, quant
a son intention de mettre en oeuvre un tel projet, dans un delai
raisonnable. Les doutes se fondent tant sur le changement que constituent
ses declarations en regard de ses idees bien connues depuis des dizaines
d’annees, que sur le fait que nombre de ses declarations comme chef de
gouvernement sont restees lettre morte. Meme quand se dessine la tendance
a supposer qu’il s’agit cette fois d’une decision ferme et d’un programme
concret, ceux qui aspirent a la paix ne se felicitent pas tous du projet
de retrait unilateral. Des membres du camp de la paix ont exprime leurs
reticences, qui decoulent de leurs soupcons selon lesquels Sharon a
l’intention de tendre un piege aux Palestiniens, et meme au monde
entier. Certes, il evacuera la Bande de Gaza, et peut-etre meme quelques
colonies isolees en Cisjordanie. Mais en contrepartie, il s’efforcera de
consolider l’assise d’Israel dans de larges secteurs de Cisjordanie, avec
les nombreuses colonies qui s’y trouvent.
La conception politique de Sharon, aux yeux de ces critiques, est restee
la meme. L’evacuation de Gaza -a premiere vue un moyen de compromis et de
reconciliation entre les deux peuples-, est en realite destinee, selon
eux, a renforcer le reseau principal des colonies de Judee-Samarie, et a
faire barrage aux Palestiniens dans leur marche vers une independance
viable.
Les dubitatifs craignent que le retrait unilateral de Gaza, sans accord ou
arrangement avec l’Autorite palestinienne, n’entraine le chaos sur le
terrain, ou le Hamas l’emporterait sur l’Autorite palestinienne. Tout
cela en plus de la consideration suivante, non negligeable : un retrait
israelien pourrait etre interprete et presente par les organisations
terroristes comme une retraite et une fuite face au terrorisme, et
encouragerait la poursuite de l’intifada violente plutot que la resorber.
Face aux intentions de Sharon, les doutes sont comprehensibles et les
craintes ne sont pas denuees de fondement, si ces projets devaient etre
mis a execution. Mais ils ne doivent pas occulter le reel potentiel que
renferme cette demarche. A l’evidence, il n’y a pas de raison pour les
partisans de la paix en Israel et dans le monde de s’opposer au retrait
unilateral envisage, malgre son cote partiel et ses inconvenients
manifestes.
Le depart de civils et de soldats israeliens, d’une bande de Gaza
surpeuplee et hostile, aura pour avantage bienvenu une economie en vies
humaines et en ressources nationales. La mise en oeuvre de ce projet
prouvera, contrairement aux prophetes annonciateurs de la fin du
sionisme, que l’espoir de reparer cette erreur historique n’est pas
encore perdu, erreur qui menace Israel dans sa vitalite. En se retirant
de la Bande de Gaza, Israel prouvera qu’il a la force et le courage
necessaires a l’evacuation des colonies.
Voyons l’avenir : il est possible que le chef du gouvernement ait
l’intention de leurrer ceux qui aspirent a la fin du conflit, et que les
extremistes palestiniens chercheront a intensifier leurs efforts pour
infliger une defaite a Israel, a l’occasion de son retrait. Mais ni lui
ni eux ne sont les maitres de l’avenir. La vie et le desir de paix et de
prosperite, qui sont communs aux deux peuples, se reveleront plus forts
que toute illusion ou dessein dont l’objectif serait d’empecher la vision
de deux Etats vivant en paix l’un avec l’autre.