L’Union for Reform Judaism (URJ) refuse le don du KKL/JNF au motif que celui-ci l’a trompée en achetant en cachette des terres en Cisjordanie.

Traduction : Bernard Bohbot pour LPM
Auteur : Aiden Pink pour The Forward, 31 octobre 2019
Article publié le 13 novembre 2019

Le Fonds national juif (Keren Kayemet LeYisrael-Jewish National Fund*) est probablement connu aux États-Unis surtout par sa célèbre boîte bleue de la tzedakah (pour recueillir les dons pour l’achat de terre et le reboisement -NDLR) et pour avoir planté des arbres en Terre Sainte. Cette organisation quasi-gouvernementale est également un important propriétaire et acheteur de terres dans tout Israël, et l’Union du Judaïsme Réformé l’appuie depuis longtemps.

Pourtant, le 28 octobre, le président de l’UJR, Rick Jacobs, a publié une série de tweets accusant l’organisme de bienfaisance de « tromper le conseil d’administration et les plus hauts dirigeants de l’organisation« .

Le mouvement réformiste, le plus politiquement et théologiquement libéral des principales organisations juives américaines, a longtemps tenté de trouver un équilibre entre son soutien à la sécurité d’Israël et la critique politique, y compris en matière de liberté religieuse et de colonisation en Cisjordanie. Environ 35% des Juifs américains s’identifient en tant que réformés, selon l’enquête Pew Survey of American Judaism de 2013.

Le mouvement réformiste a déjà critiqué le KKL-JNF, et les activités de ce dernier dans les zones revendiquées par les Palestiniens ne sont pas un secret. Mais ce que l’UJR a jugé être une malhonnêteté  de la part du KKL-JNF rend cet épisode différent, et la rupture publique est une nouvelle étape dans la volonté du mouvement de prendre ses distances d’avec le gouvernement israélien.

L’Union pour le Judaïsme Réformé nous a fait savoir que  son président, le rabbin  Rick Jacobs, n’était pas disponible  pour un interview. Le KKL-JNF n’a pas répondu à une demande de commentaires, mais a affirmé au journaliste israélien qui le premier a fait un reportage sur cette affaire que son organisation respectait toutes les réglementations.

Des représentants réformistes – qui siègent depuis des décennies au conseil d’administration du KKL-JNF et participent à la nomination de nouveaux PDG – ont affirmé avoir découvert qu’une filiale du KKL-JNF avait acheté pour plus de 50 millions de shekels (14 millions de dollars) de terres dans des régions politiquement sensibles de Cisjordanie comme Jéricho et Hébron. C’est ce qu’a rapporté plus tôt cette semaine le journaliste israélien Raviv Drucker. De plus, le mouvement prétend que ces achats ont été cachés aux représentants réformistes par le conseil d’administration du KKL.

« Ces achats ont été effectués par le KKL contre les principes de transparence et de bonne gestion, trompant le conseil d’administration et la plupart des dirigeants de l’organisation« , a écrit Jacobs. Il a réclamé une enquête indépendante, annoncé l’annulation d’un accord avec le KKL pour parrainer la convention de décembre du mouvement, et déclaré : « Nous réviserons nos relations jusqu’à ce que ces questions soient complètement réglées et que nous soyons certains que cela ne se reproduira plus « .

L’expansion des colonies existantes et (plus rarement) l’achat de terres en Cisjordanie dus au KKL-JNF sont connus et font l’objet de rapports depuis des décennies.

En effet, Drucker a écrit que les dirigeants réformistes s’étaient « longtemps caché la tête dans le sable » au sujet des activités en Cisjordanie qu’ils désapprouvaient.

La rabbine Jill Jacobs (sans liens avec Rick), directrice de T’ruah, l’appel rabbinique pour les droits de l’homme, a confié au Forward que « quiconque surveille de près les activités de KKL en Israël sait qu’elles sont étroitement impliquées dans l’expansion de la colonisation’’.

Dans une affaire récente, le KKL a mené une bataille judiciaire de 30 ans pour expulser une famille palestinienne d’une maison de Jérusalem-Est que l’organisation avait revendiquée en vertu de la loi israélienne sur la propriété des absents, bataille qui a finalement abouti le mois dernier.

Peace Now, le groupe anti-occupation israélien, a publié le mois dernier une déclaration qualifiant le KKL de « fonds des colons ». Contactée par le Forward, Americans for Peace Now, son organisation sœur aux États-Unis, a approuvé les critiques du mouvement réformiste à l’égard du KKL, tout comme l’a fait Jill Jacobs. « C’est une bonne chose que les Juifs américains disent que nous allons utiliser le pouvoir dont nous disposons pour exiger qu’un grand propriétaire terrien en Israël ne puisse faire obstacle à la voie de la paix « , a-t-elle dit.

La conférence biennale de l’Union pour le judaïsme réformé doit se tenir en décembre 2019 à Chicago. Drucker a rapporté que le soutien financier du KKL était de 200 000 $.

La convention de 2017, dont le président du KKL, Danny Atar, était l’orateur invité, a réuni environ 6000 participants. Cette année-là, avant la convention, plus de 100 rabbins réformistes avaient écrit une lettre ouverte à Atar pour critiquer les activités de colonisation du KKL.

*Le KKL-JNF (Keren Kayemet LeYisrael-Jewish National Fund) est une entité distincte d’une organisation caritative américaine dérivée qui s’appelle aussi le Jewish National Fund. Le JNF américain ne donne qu’environ 1% de ses subventions au KKL-JNF, d’après les révélations du Forward  en 2015.

Aiden Pink est rédacteur en chef adjoint du Forward.