Auteur : peacenow.org.il, 2 janvier 2024

Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

https://peacenow.org.il/en/injunction-investigation-of-settler-leadears

Photo : le projet du “Shahar Hatzeira” (bâtiments gris à gauche) sur l’implantation de Shvut Rachel (officiellement partie de Shilo), 12 Janvier 2018

*Un décret nisi ou une règle nisi est une ordonnance du tribunal qui entrera en vigueur à une date ultérieure à moins qu’une condition particulière ne soit remplie. En ce cas, la décision devient un décret absolu et contraignant.

Mis en ligne le 11 janvier 2024


Le 28/12/23, la Cour Suprême a émis un Décret Nisi dans le cadre de la requête de La Paix Maintenant qui réclamait l’ouverture d’une enquête sur les crimes que constitue la construction illégale dans les colonies. L’injonction demandait au procureur général et à la police d’expliquer dans les 60 jours les raisons pour lesquelles elle refusait d’ouvrir une enquête sur les soupçons liés à la construction dans les avant-postes illégaux de Haroeh, Alonei Shilo, et Ramat Gilad ainsi que dans la colonie de Shvut Rachel. Cette injonction intervient après des années pendant lesquelles l’État a tenté d’éviter d’enquêter sur la participation des autorités dans la construction illégale de logements dans les colonies et les avant-postes. L’émission d’un décret Nisi signifie que la Haute Cour de justice accepte, en principe, les revendications des pétitionnaires, et que le fardeau de la preuve soit transféré à l’État, dans l’attente d’une décision de justice finale.

Bien que toute construction de colonies dans les territoires occupés soit illégale en vertu du droit international, Israël a autorisé la construction de colonies en suivant les processus légaux de planification reconnus par l’État d’Israël. Cependant, de nombreuses colonies et avant-postes en Cisjordanie sont considérés illégaux, aux yeux même de la loi israélienne. Une grande partie de ces constructions illégales sont réalisées avec l’aide des autorités et financées par des fonds publics versés par l’intermédiaire des autorités locales. Cependant, la police et le procureur de l’État évitent d’enquêter sur ces crimes. L’injonction a été donnée à l’issue de trois pétitions soumises par l’avocat de La Paix maintenant, Michael Sfard. Cette requête concerne les constructions illégales dans lesquelles il y aurait eu une implication de personnalités publiques qui auraient utilisé des fonds publics à des fins illégales :

Quartier de Shahar Hatzeira (HCJ 1053/18) — En novembre 2016, La Paix Maintenant a écrit au procureur de l’État et à la police pour demander l’ouverture d’une enquête contre le Conseil régional de Binyamin, « Amana », et l’entreprise de construction qui a été impliquée dans la construction de dizaines de logements illégaux dans la colonie de Shvut Rachel. Pendant plus d’un an, le procureur général et la police se sont abstenus d’ouvrir une enquête et n’ont pas fourni de réponse sur le fond de l’affaire. En janvier 2018, La Paix Maintenant a déposé une requête auprès de la Haute Cour de Justice pour demander l’ouverture de l’enquête en question. Le tribunal a émis une injonction interdisant la poursuite de la construction. Néanmoins, dans le laps de temps qui s’est écoulé entre la plainte de La Paix maintenant et le dépôt de la requête, la construction de la quasi-totalité des maisons a été achevé.

Alonei Shilo et Ramat Gilad (HCJ 1244/20) — En février 2019, La Paix Maintenant a écrit au procureur de l’État pour lui demander d’ouvrir une enquête sur l’implication du conseil local de Karnei Shomron et de son chef dans trois projets de construction illégale dans les avant-postes d’Alonei Shilo et de Ramat Gilad. Le chef du conseil n’a pas caché son implication dans la construction illégale. La brochure des projets publiée par le conseil comprenait des projets de construction illégale au sein de colonies ainsi que sur la page Facebook du chef du conseil. Il s’y vantait d’ailleurs d’avoir oeuvré à la mise en place de faits accomplis sans attendre de permis. Dans ce cas également, pendant un an environ, les autorités chargées de l’application de la loi se sont abstenues d’ouvrir une enquête. En février 2020, La Paix maintenant a donc déposé une requête auprès du tribunal.

Avant-poste de Haroeh (HCJ 2936/21) — En novembre 2016, La Paix maintenant a écrit au procureur de l’État pour réclamer de sa part une enquête sur l’implication du Conseil régional de Binyamin dans la construction illégale de la colonie de Haroeh. La Paix Maintenant a notamment présenté des preuves que le Conseil régional a approuvé un budget pour financer les travaux illégaux. Le bureau du procureur et la police se sont mutuellement transféré la responsabilité de traiter l’appel de La Paix maintenant, et pendant près de cinq ans, ils ont écrit que la question était toujours en cours d’examen. En avril 2021, la pétition a été déposée.

Dans les trois requêtes, l’État a affirmé que, pour enquêter sur des crimes de ce type, un organe d’enquête unique devait être créé au sein de l’administration civile. Pendant des années, l’État a demandé à la Cour des prolongations et l’a informée de l’état d’avancement de la création de cet organe : réunions tenues, décisions prises, budgets alloués, etc. La Cour a accepté d’attendre patiemment la mise en place de l’unité spéciale qui enquêterait enfin sur les soupçons.

Cependant, immédiatement après la mise en place du gouvernement actuel et la nomination du ministre Smotritch en tant que « ministre des colonies » au sein du ministère de la Défense, l’État a informé la Cour que la mise en place de l’unité d’enquête était gelée dans le but de réexaminer les structures de l’échelon politique. En juillet 2023, l’État a annoncé qu’il avait décidé de ne pas créer pour l’instant d’unité d’enquête sur les crimes concernant la construction illégale dans les territoires. À la lumière de cette décision, et après que l’État ait échoué à donner une réponse satisfaisante quant aux raisons pour lesquelles une enquête ne serait pas ouverte, la Haute Cour de justice a émis le décret Nisi demandant à l’État de fournir une explication valable dans les 60 jours.

La Paix Maintenant : « Aujourd’hui, le tribunal envoie un signal clair aux autorités chargées de l’application de la loi : il n’est plus question de tolérer les années d’immunité accordées par l’État aux dirigeants du mouvement de colonisation. Ils ont agi contre la loi et utilisé des fonds publics pour déterminer des faits sur le terrain, affectant l’avenir d’Israël dans son ensemble. Nous espérons que ce message sera entendu et qu’il permettra de mettre fin à l’illégalité dans les colonies et les avant-postes. »

Pour plus d’informations sur le caractère illégal de la construction des avant-postes et des colonies, cliquez ici : https://peacenow.org.il/en/unraveling-mechanism-behind-illegal-outposts