Les théories de fédération ou de confédération pour résoudre le conflit se révélant irréalistes, voire impraticables, reste l’idée depuis toujours défendue par Shalom Akhshav/LPM, jugée dès 1947 par la commission de partage des Nations Unies comme la seule solution face à des revendications et aspirations nationales aussi valides qu’inconciliables des Arabes et des Juifs de Palestine : 2 États/2 Peuples.


Traduction : Jacqueline London pour LPM

Révision & chapô, Tal Aronzon pour LPM

Caricature d’Eran Wolkowski, « Pendant ce temps près de Gaza » ©Ha’Aretz DR

Shaul Arieli, Ha’aretz, 8 février, 2019 – https://www.haaretz.co.il/1.6915025


Nous avons assisté ces dernières années à la mise en exergue de diverses idées de règlement du conflit israélo-palestinien ne reposant pas sur la solution à deux États mais sur la fédération ou la confédération. Celles-ci se fondent sur deux hypothèses :

a/ La première est que le mélange des populations entre Jourdain et Méditerranée sape la possibilité de mettre en place une solution à deux États ; en dernier ressort, on l’a abandonnée en raison de la décision israélienne de poursuivre la colonisation en Cisjordanie et de l’incapacité israélienne à évacuer les 30 000 familles vivant dans les colonies isolées et à les intégrer en Israël.

b/ la solution à 2 États ne peut mener à la fin du conflit car chacune des deux parties revendique l’ensemble du territoire, ce qui implique le besoin et le droit de se déplacer et s’installer n’importe où sur l’intégralité de celui-ci.

Dans les précédents articles que j’ai publiés ici, j’ai réfuté cette première hypothèse par l’exposé systématique de la faisabilité physique et spatiale de la solution à 2 États, dans un scénario impliquant 4% d’échanges territoriaux. Pareil accord permettrait à 80% des Israéliens vivant au-delà de la ligne verte de rester sous souveraineté israélienne, avec des dommages limités et acceptables dans trois domaines : la contiguïté et l’ossature de la vie des collectivités palestiniennes qui vont perdre une partie de leurs terres ; l’ossature de la vie des implantations israéliennes dont les terres seront transférées à la Palestine en contrepartie ; et la trame de la vie des colons non inclus dans le cadre de l’échange de territoires et devront être réintégrés en Israël.

Faire face à l’évacuation et l’absorption de 30 000 familles nécessite une préparation nationale, selon le rapport de la commission d’enquête de l’État sur le désengagement (2010), présidée par le juge Eliahu Mazza.

La recommandation essentielle de la commission au Premier ministre est de programmer immédiatement un éventuel plan national d’évacuation concernant 100 000 personnes installées en Cisjordanie afin de réduire les traumatismes personnels, collectifs et nationaux ; de limiter les coûts ; d’absorber les gens de manière responsable et appropriée, comme cela s’est fait par le passé pour intégrer un million d’immigrants.

Dans ce contexte, Israël doit se préparer pratiquement à relever deux défis : emplois et logements. Dans un tel scénario, durant la phase d’évacuation, le pays devra générer environ 20 000 emplois nouveaux sur cinq ans (rappelons que 60% de la main-d’œuvre israélienne installée en Judée-Samarie travaillent en Israël) ; il s’agit là d’un défi marginal, car Israël crée actuellement plus de 80 000 emplois par an.

Quatre études approfondies menées ces dernières années pour localiser des logements potentiels en Israël ont montré qu’il existe un potentiel disponible afin de construire à l’intention des Israéliens évacués de Cisjordanie 100 000 logements en trois ans dans des zones appropriées.

Soulignons qu’aucune solution politique n’est en vue pour la mise en œuvre de tels accords, tant à cause du schisme politique palestinien que du fait de la position de principe du gouvernement israélien, telle que décrite en novembre 2017 à Dubaï par John Kerry, ancien secrétaire d’État américain : « La plupart des membres du cabinet de l’actuel gouvernement israélien ont déclaré qu’ils ne seraient jamais favorables à un État palestinien. »

Cependant, l’invalidité politique d’une solution à 2 États ne suffit pas à rendre viables les idées de fédération ou de confédération. Mettre en pratique ces solutions serait comme tenter d’éteindre un feu avec un baril d’essence.

Les différences entre les diverses propositions émises ne peuvent être exposées car aucun des initiateurs des concepts de fédération et de confédération n’a pris la peine de fournir un plan détaillé base d’une évaluation selon des normes scientifiques – seuls des principes généraux ont été publiés jusqu’à présent.

Nous pouvons examiner chacune des théories de fédération et confédération sur plusieurs plans : sécuritaire, politique, historique, religieux, social, etc. L’espace étant compté, je me concentrerai sur le plan socio-économique, afin de voir s’il est ou non possible d’éviter une division politique complète entre les deux sociétés et une frontière sous forme d’une barrière physique.

En premier, nous utiliserons l’index socio-économique des localités en Israël, publié récemment par le Bureau central des statistiques, en supposant que la frontière entre les deux entités politique va suivre les lignes de 1967, à l’exclusion des quartiers juifs de Jérusalem-Est. En ce qui concerne “l’État juif”, nous y trouvons le sinistre cliché actuel : le tiers inférieur (groupes 1-3) comprend 9% des 170 localités juives, où vivent 16% des citoyens juifs.

A l’opposé, 82% des 85 administrations arabes figurent dans ce même tiers inférieur et comprennent rien moins que 89% des citoyens arabes. Autrement dit, le pays est polarisé au niveau de l’affiliation nationale. Dans “l’État arabe”, la situation est inverse au point de vue démographique, mais similaire en termes de polarisation et de disparité en faveur des Juifs.

La population arabe tout entière en Cisjordanie et Gaza (5 millions), vivant dans près de 1 000 localités, correspond aux données inférieures du groupe 1, où seuls 120 000 Juifs sont répertoriés (à Modi’in Illit et Beitar Illit), ce qui ne constitue que 29% de la population juive de Judée et Samarie.

Deuxièmement, nous aborderons les données des deux économies (en 2016). Le PIB par habitant en Israël est de 38 000 dollars, alors que dans les Territoires il est de 3 000 dollars seulement. La consommation par tête d’habitant en Israël est d’environ 32 000 shekels et moins de 4 000 dans les Territoires. En Israël, il n’y a presque pas de chômage (uniquement 4%), alors qu’il approche les 30% dans les Territoires. Le salaire journalier moyen en Israël est de 470 shekels, alors qu’il n’est que de 110 shekels dans les Territoires.

Troisièmement, nous examinerons les infrastructures nationales : dans l’État juif se trouvent tous les ports aériens et maritimes (sauf le port de pêche de Gaza), toutes les centrales électriques, toutes les installations de désalinisation, la compagnie de transport national, toutes les voies de chemin de fer, toutes les autoroutes (sauf les routes 60 et 443), tous les réacteurs nucléaires, toutes les grandes zones industrielles et tous les centres de commerce international. En d’autres termes, les partisans des idées de fédération et de confédération imaginent dans leur vision une société arabe de millions de pauvres qui jouissent de la liberté de circulation dans tout le pays bien qu’avec certaines restrictions, et vivent en paix et sans frictions avec une société juive dix fois plus riche.

L’impact d’une telle réalité sur la technologie et l’industrialisation de l’économie israélienne sera dévastateur. La police israélienne n’aurait aucune chance de faire face au nombre prévisible d’infractions — atteinte aux biens et circulation de drogue — même si elle triplait ses effectifs, et nous assisterons à l’instauration de ghettos clôturés et gardés par des entreprises privées de sécurité. Les affrontements entre gangs extrémistes des deux bords deviendront habituels, on verra apparaître des patrouilles de “gardiens de la pureté raciale” et ainsi de suite, ce qui fera dégénérer la situation en guerre civile.

Un État arabe établi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec pour capitale Jérusalem-Est, ou la partie d’une confédération avec la Jordanie bénéficiant du soutien arabe et international, aurait plus de chances de créer son économie et de maintenir un État stable aux côtés d’Israël qu’un pays dont les résidents arabes serviraient de force de travail à l’État juif.

Et si cela ne suffisait pas, les façons d’intégrer les réfugiés proposées par ceux qui plaident pour une fédération ou une confédération, sont très problématiques.

D’aucuns envisagent de ne les absorber que dans l’État arabe, mais d’autres pensent qu’il serait juste d’intégrer un certain nombre de réfugiés [palestiniens] en Israël en contrepartie du nombre d’Israéliens décidant de vivre dans l’État arabe. Dans cet esprit, et selon les données actuelles, si tous les Juifs de Judée et Samarie choisissent de vivre dans l’État arabe, Israël devra intégrer environ 400 000 réfugiés sur son territoire. En d’autres termes, ceux qui sont opposés à l’idée d’absorber 100 000 Israéliens dont le quotidien reste connecté à Israël seront obligés d’absorber quatre fois plus de réfugiés palestiniens vivant au Liban et en Syrie. Si, comme prévu, la plupart des Juifs (en particulier les ultra-orthodoxes et les libéraux, qui constituent 70% de la population juive des territoires) préfèrent emménager dans l’État juif, mettant en application les idées de fédération ou de confédération, cela mènera à l’apogée du délire en Israël, en raison de l’effondrement du principal bénéfice espéré d’une confédération en s’abstenant d’évacuer un nombre important de colons.

Des dirigeants sans le pouvoir nécessaire pour réinstaller sur la terre d’Israël moins de 1,5% de la population juive israélienne – y compris par le recours à la force si nécessaire – et assurer ainsi l’avenir de l’État d’Israël en tant que démocratie à majorité juive dans des frontières sûres et dans le concert des nations, ne seront pas capables de faire face aux défis bien plus grands entraînés par la réalisation d’une fédération ou d’une confédération, qui finira par conduire à un État arabe.

La mise en œuvre de la solution à deux États, incluant nécessairement quelques éléments de confédération, par exemple concernant le cœur historique de Jérusalem, ne sera pas facile et exigera l’engagement des deux parties, de même que celui des pays arabes et de la communauté internationale. Mais il n’existe pas d’alternative viable aux conclusions de la commission de partage [de la Palestine] en 1947 — dont seules sont à actualiser les données démographiques : «L’hypothèse de base derrière la proposition de partition est que les revendications sur la Palestine, tant des Arabes que des Juifs, sont dans les deux cas valides et ne peuvent être conciliées. De toutes les propositions faites, la partition est la plus pratique […] et permettra de satisfaire quelques-unes des revendications nationales et des aspirations des deux parties [ ] Il y a actuellement environ 650 000 Juifs en Palestine (à présent 6,5 millions) et 1,2 million d’Arabes (à présent 7 millions) différents les uns des autres par leurs modes de vie et leurs intérêts politiques. C’est seulement par la partition que ces deux aspirations nationales contradictoires parviendront à s’exprimer réellement et laisseront les deux peuples prendre leur place en tant que nations indépendantes dans la communauté internationale et aux Nations Unies. »