Se sentant trahis par un Premier ministre autrefois compréhensif, des membres du conseil des colons de Cisjordanie et de Gaza se préparent à la lutte à venir, et décrivent leurs visions d’un monde sans Islam.


Se sentant trahis par un Premier ministre autrefois comprehensif, des
membres du conseil de Yesha (colons de Cisjordanie et de Gaza) se preparent
a la lutte a venir, et decrivent leurs visions d’un monde sans Islam.

Les colons dans les territoires en ont assez d’etre regulierement confrontes
a un nouveau plan de paix. Ils en ont assez de la tension et de l’angoisse
generees par les allusions aux concessions douloureuses qui doivent etre
faites au nom de la paix. Ils n’ont ni l’interet ni l’energie necessaires
pour s’engager dans un nouveau round. Ils sont convaincus qu’ils pourront
tuer le nouveau plan, comme ils l’ont fait pour les autres, quand ils ont
envoye des dizaines de milliers de gens dans la rue. Aujourd’hui, ils ont le
couperet sous la gorge, en forme de « feuille de route » americaine, et celui
qui actionne le couperet n’est autre que celui qui est considere comme
l’architecte en chef de l’entreprise de colonisation. Les colons sont
abasourdis de voir qu’Ariel Sharon a donne son accord au plan americain.

Des dizaines de membres du conseil de Yesha se sont reunis lundi dernier
pour preparer le combat qui sera engage des la presentation de la feuille de
route. La reunion etait fermee a la presse, et l’atmosphere y etait lourde.
« Nous voulions discuter entre nous. La situation est tres mauvaise », dit
Benzi Lieberman, president du conseil de Yesha.

Lieberman et ses camarades sont uses. Cela fait bientot trois ans qu’ils ont
declare une guerre sans merci contre le plan de paix presente par le Premier
ministre de l’epoque, Ehoud Barak, a Camp David.

« Apres le choc de Camp David, il faudra un enorme desastre pour reellement
inquieter les gens », admet l’un des leaders des colons. « Barak a mis sur la
table des negociations 100 colonies a demanteler. Heureusement, rien n’en
est sorti, pas a cause de Barak, mais parce que les Arabes sont stupides et
n’ont pas accepte le cadeau qui leur etait offert sur un plateau. C’est leur
stupidite qui nous a sauves. »

Cette fois, les colons sont prevenus, et se sont reunis tres longuement afin
de chercher les moyens de repousser la derniere offensive de paix. Par
crainte d’etre percus comme des refuseurs de paix chroniques, ils ont
recherche des alternatives qui refleteraient leur etat d’esprit.

« Les gens nous demandent toujours ce que nous avons a poposer », dit Yehiel
Hazan, nouveau depute du Likoud resident d’Ariel, en Cisjordanie. « J’ai dit
(au cours de cette reunion d’urgence) que nous devions presenter nos propres
propositions, pour pouvoir dire au public ‘oui’ et pas seulement ‘non’. »

Les colons parlent-ils d’un veritable plan de paix, ou s’agit-il d’un bluff?
Cela depend de la personne a qui l’on pose la question. La plupart des
participants conviennent qu’il s’agit d’un bluff, mais aucun n’accepte de le
dire publiquement. « Notre veritable objectif est de bloquer la feuille de
route », dit franchement Yehoshua Mor Yosef, porte-parole du conseil de
Yesha. « Mais nous savons que les Israeliens ne sont pas tres enthousiastes a
l’idee de dominer des Arabes, et nous leur disons donc que nous aussi avons
un plan. »

Shaul Goldstein, chef du conseil regional du Goush Etzion, explique que plan
du conseil de Yesha contient des propositions tres genereuses envers les
Palestiniens. : « Nous sommes en train de creer un plan alternatif, mais sans
cartes. C’est un plan qui ne prevoit pas d’Etat palestinien, mais qui offre
aux Palestiniens des possibilites d’exercer leurs droits civiques. »

« Plus dangereux qu’Oslo »

Apres avoir etudie tres attentivement la feuille de route, les membres du
conseil de Yesha sont arrives a la conclusion claire qu’elle entrainait la
condamnation a mort de l’entreprise de colonisation. « C’est vraiment un
tremblement de terre », affirme le professeur Arieh Eldad, nouveau depute de
l’Union Nationale. « Si je ne me trompe, c’est la premiere fois qu’un
president des Etats-Unis et un Premier ministre israelien sont d’accord pour
creer un Etat palestinien. »

Il n’y a pas eu debat sur le fait qu’il fallait entreprendre un combat sans
merci contre Ariel Sharon. « Je dois reconnaitre que je ne croyais pas que
Sharon pourrait etre pire que Barak », soupire Shaul Goldstein. « mais Sharon
est mille fois plus dangereux que tous ses predecesseurs. C’est la premiere
fois qu’un premier ministre israelien accepte les trois points suivants :
geler la construction dans les colonies, evacuer les avant-postes et
travailler a la creation d’un Etat palestinien. »

C’est comme si les colons avaient ete trahis par un parent proche. Plus ils
examinent la personnalite de Sharon, et moins ils sont capables d’expliquer
le gene de paix apparu soudain chez lui. « Je ne le comprends pas », dit
Goldstein avec colere, « ce type est a contre-courant de l’Histoire.
Justement aujourd’hui, alors que tout le monde saisit le danger du
terrorisme islamiste, il leur etablit un Etat. »

Goldstein pense que la feuille de route n’aura pas la majorite au sein du
Comite central du Likoud, et qu’il est peu probable que Sharon puisse la
faire passer dans le groupe parlementaire du Likoud. « Le conseil de Yesha le
combattra de toutes ses forces, comme il a combattu Rabin et Barak. J’ai
connu trois premiers ministres, mais Sharon est l’adversaire le plus dur,
parce qu’il fait partie de la famille. »

Les colons se font du souci pour le jour ou ils donneront l’ordre a leurs
troupes de descendre dans la rue. Ils savent que les colons sont epuises
apres deux ans et demi d’intifada. Il est peu probable qu’ils trouvent la
force necessaire pour bloquer Sharon. « Il est difficile de faire manifester
les gens aujourd’hui », admet Israel Rosenberg, president du conseil local de
Beit El. « Notre public est fatigue et veut retrouver une vie normale. Mais
s’ils doivent y aller, ils le feront. »

Les colons se sont toujours mefies des veritables intentions de Sharon, a
cause de deux evenements auxquels il a ete mele, et qui pour les colons ont
constitue des traumatismes. Ils n’oublieront jamais le demantelement de
Yamit en 1982, colonie du Nord Sinai, apres le traite de paix avec l’Egypte.
Et ils n’oublieront pas non plus le soutien politique et moral que Sharon a
apporte au Premier ministre Netanyahou en 1998 avant l’accord de Wye.
Initialement, 8% du territoire devait revenir aux Palestiniens, mais avec le
soutien de Sharon, Netanyahou accepta d’en rendre 13%.

« Nous n’oublierons jamais Yamit », affirme Lieberman, et Goldstein ajoute
« nous n’oublierons jamais ces deux evenements. Mais aujourd’hui, il s’agit
de quelque chose de bien plus serieux. La feuille de route est beaucoup plus
dangereuse qu’Oslo. »

Le « syndrome des peres fondateurs »

Dans quelques jours, le ministre du Tourisme Benny Elon (Union Nationale,
extreme-droite) rendra public un plan concu par lui et qui pretend resoudre
une bonne fois pour toutes la question palestinienne. Il est peu probable
que Sharon l’adopte. C’est vrai, il propose un modele a deux Etats, mais
l’Etat palestinien serait etabli en Jordanie et, evidemment, maintiendrait
des relations amicales et pacifiques avec Israel. Le roi Abdallah n’aurait
pas a abdiquer, et il ne serait pas necessaire de provoquer la chute du
regime hachemite. Abdallah pourrait s’inserer dans le nouveau regime.

Elon n’a pas juge necessaire de participer a la reunion d’urgence des
colons. Il a son propre plan pour torpiller les tentatives des premiers
ministres. Dans un premier temps, il compte organiser une tournee de la
Bible Belt (litteralement, « Ceinture de la Bible », ndt) aux Etats-Unis, ou
il rencontrera des hommes politiques, des personnalites, les lobbyistes et
des centaines d’evangelistes dont l’ame est pleine d’amour pour Sion. La
Bible Belt est la nouvelle arene ou agit la droite israelienne. Pour qui
veut faire obstacle a une mesure politique impliquant Israel et les
Palestiniens, ou organiser une petition contre le president des Etats-Unis,
pour qui croit que la Terre d’Israel appartient en totalite et pour toujours
au peuple juif, une visite a cette communaute s’impose.

Les chretiens fondamentalistes se sont allies aux Juifs et cree un
formidable front messianiste. Les evenements du 11 septembre 2001 ont encore
renforce cette alliance judeo-chretienne, qui concerne quelque 40 millions
d’Americains. « Je me sens tout a fait chez moi parmi les Chretiens qui
soutiennent Israel », declare fierement Benny Elon. « Ce sont des gens qui ont
la passion d’Israel et croient en l’annexion de la Judee et de la Samarie,
et meme au transfert des Palestiniens depuis la Terre d’Israel. A cote
d’eux, je suis une colombe. »

Ces croyants n’agissent pas seulement au nom du ciel. Alors que beaucoup
d’entre eux sont pousses par l’imperatif divin de la Bible, duquel ils
concluent qu’ils doivent aimer les Juifs, d’autres sont animes d’une ferveur
messianique. Une guerre de Gog et Magog, croient-ils, annoncera la seconde
venue de Jesus, et les Juifs devront se convertir au christianisme, ceux qui
refuseront devant etre mis a mort.

Cette etape devra etre surmontee en son temps. Mais en attendant que ces
temps arriivent, disent-ils, le monde doit s’attendre a des evenements
positifs. L’Islam disparaitra, ou subira une transformation radicale.

« Il est clair que l’Islam est en voie de disparition », affirme Benny Elon
avec assurance. « Ce que nous observons dans le monde musulman n’est pas une
resurgence de la foi, mais les derniers feux d’un monde qui meurt. Comment
disparaitra-t-il? C’est tres simple. Dans quelques annees, le monde chretien
lancera une croisade contre l’Islam, et ce sera l’evenement majeur de ce
millenaire. Evidemment, nous aurons un grave probleme quand seules resteront
les deux grandes religions, le judaisme et le christianisme, mais nous en
sommes encore loin. »

Pour l’instant, Benny Elon a la feuille de route en travers de la gorge.
Comme ses camarades colons, lui aussi se mefiait depuis le debut des
intentions de Sharon. Son apprehension n’a fait qu’augmenter apres
l’interview de Sharon a Haaretz le mois dernier, ou il cedait Beit El, Shilo
et Bethleem. Elon, resident de Beit El, etait horrifie. « J’ai ressenti une
douleur terrible, j’ai meme pleure », raconte-t-il, « j’ai dit aux autres que
nous combattrions Sharon de toutes nos forces. Il doit savoir que nous nous
couperons de lui bien avant qu’il coupe Israel de Beit El. »

La relation entre Benny Elon et Sharon est complexe. Sharon, dit-il, souffre
du « syndrome des peres fondateurs ». Il parle des hommes qui ont fonde l’Etat
d’Israel et se sont battus pour lui, mais qui sont atteints de faiblesse
l’age venant. Elon est convaincu que l’ambition de Sharon est de laisser
derriere lui un traite de paix apres sa mort. « Il a ete celui qui a bati les
colonies et les avant-postes, et aujourd’hui il ressent le besoin de clore
le cercle et de les evacuer. Nous ne le laisserons pas faire… Comme
Ashkelon fut Majdal avant d’etre Ashkelon, Ramallah cessera un jour d’etre
Ramallah, et deviendra Ramat El (« Colline de Dieu »). Je n’ai aucun doute que
dans quelques annees, les camps de refugies ne seront plus la. La totalite
du peuple d’Israel retournera sur la Terre d’Israel. »

…/

Au milieu de la matinee, la sirene retentit pour marquer le le jour du
souvenir de la shoah. Beit El s’est arrete de travailler. Les filles de
l’ecole religieuse ont fixe au mur un grand morceau de tissu jaune en forme
d’etoile de David, avec au milieu le mot « Jude » (« Juif » en allemand). Le
passe juif joue un role tres important dans les colonies, et y rythme le
temps. Peut-etre est-ce la le secret de leur force.