Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


L’Etat d’Israël et tous ceux qui le soutiennent traversent une très mauvaise passe. Alors qu’Israël s’évertue à préserver son statut international, une campagne de déligitimation sans précédent est menée contre l’Etat, avec une extraordinaire efficacité. Qui plus est, ce sont les porte-parole mêmes de la droite israélienne qui la mènent, du Premier ministre jusqu’au dernier des colons.

Cette campagne repose sur un principe : Yesha [[acronyme pour la Judée +
Samarie + Gaza, ndt]] est ici. Ou, comme l’a dit le Premier ministre, « il n’y a aucune différence entre Netzarim [[colonie isolée de Gaza, ndt]], Negba, Yad Mordekhai [[localités du sud d’Israel, à l’intérieur de la Ligne verte, ndt]] ou Tel-Aviv ». Selon cette logique, si l’on accepte pas l’occupation de la bande de Gaza, on doit rejeter celle de Tel-Aviv ; ceux qui ne reconnaissent pas la légitimité d’Ariel [[colonie de Cisjordanie, ndt]] doivent rejeter de même celle de Haïfa ; ceux qui s’opposent à l’occupation par Israël des territoires conquis en 1967 doivent contester l’existence même de l’Etat. Les pires ennemis d’Israël n’oseraient pas adopter une ligne aussi anti-israélienne.

La force de l’argument developpé par droite réside dans sa simplicité. Il s’infiltre dans la conscience de nos ennemis de par le monde, et contredit la nette distinction que la gauche israélienne a essayé de poser entre l’Israël d’avant 1967, qui s’est acquis la reconnaissance de l’ensemble du monde, et l’Israël d’après 1967. Les ennemis d’Israël n’ont plus besoin de reprendre les propos des post-sionistes ou ceux des porte-parole palestiniens.

Il leur suffit de citer Emouna Elon, l’une des leaders des colons et la femme de l’ex-ministre du tourisme Benny Elon, partisan du transfert, qui écrit dans Yediot Aharonot : « Nous avons atteint ce pays épuisés, et nous nous y sommes accrochés comme un homme qui se noie à une planche… mais si vraiment cette planche appartient à un autre peuple, aucune tragédie, aucun risque de noyade ne peut justifier ce vol. Si nous avons vraiment établi notre pays sur la terre d’un autre peuple, il ne peut y avoir pour nous de rédemption. »

Elle veut évidemment dire que la terre n’appartient à nul autre que nous, le peuple élu, qu’elle est notre terre promise. Mais ceux qui ne croient pas en la Torah d’Israël, ni dans le concept de peuple élu, peuvent voir dans son article un puissant encouragement au refus par les Palestiniens d’un compromis historique avec Israël. « Si nous avons envahi leur foyer national, dit Elon, pourquoi accepteraient-ils un ‘compromis’ selon lequel nous continuerions à habiter leur maison tout en leur offrant genereusement de leur ‘rendre’ la véranda ? »

La droite israélienne soutient que la terre nous appartient et que nous devons en chasser l’autre peuple qui y vit. Le crime est donc inhérent, et ce depuis 1948, et irréversible. A l’appui de ses arguments, la droite est passée d’une négation auto-justificatrice des dommages causés aux Palestiniens en 1948 à l’alignement enthousiaste sur les thèses palestiniennes : il y a eu crime, dit la droite, il y a résolument eu crime, et le crime va se perpétuer.

« Je ne crois pas que ces professeurs pacifistes se sentent mal à l’aise à la Bayt Hayarok de l’université de Tel-Aviv, qui fut en d’autres temps la mosquée de Sheikh Mounès (…) et ce qui est vrai de Sheikh Mounès peut l’être ailleurs », dit le ministre Effie Eitam, mettant ainsi sur le même plan Tel-Aviv, Gaza et Hebron.

Le lecteur étranger pourrait supposer que l’université de Tel-Aviv se trouve au coeur des territoires occupés et profane un lieu sacré, et en conclure qu’aucune coopération avec elle ne se justifie. Ceux qui appellent à un boycott de l’université de Tel-Aviv n’auraient pu rêver meilleure aide. La droite dit qu’il n’y a aucune différence entre ces deux sortes de crime. Aucune différence entre ceux qui causent un dommage en fuyant ceux qui tentent de les balayer et ceux qui veulent
étendre leurs frontieres. Le monde écoute, et se persuade que le tort originel réside dans la fondation même de l’Etat d’Israël.

Quand Benny Elon, député, mari d’Emouna, contemple des gens expulsés de
leurs maisons, joue avec l’idée du transfert, regrette qu’Hitler n’ait pas transféré les Juifs, et déclare que le spectacle de familles jetées à la rue est « réjouissant », les expulsés usent en retour des mêmes arguments : « Nous aussi avons des maisons a Talbieh, Katamon et ailleurs a Jérusalem-Ouest. Si Benny Elon veut nos maisons, d’accord, mais alors, il doit nous rendre celles que nous possédons dans la partie ouest de la ville ». Si Sheikh Jarrah et Talbieh sont la même chose, l’argument est assez logique.

Ainsi, sans le moindre souci de leur responsabilité nationale et au lieu de renforcer Jérusalem et l’Etat d’Israël, les Elon et leurs amis colons tirent à vue sur Jérusalem-Ouest et sur l’Etat tout entier, les rendant illégitimes aux yeux des ennemis d’Israël comme à ceux de ses partisans – ceux qui ont reconnu Jérusalem-Ouest pour capitale d’Israel apres une lutte acharnée. L’assaut de la droite contre l’Etat d’Israël repose sur une philosophie viciée à la base, qui dit que si un crime a été commis en 1948, tout crime ultérieur en est devenu aussi nécessaire et non moins justifié.

La gauche sioniste doit voler au secours de l’Etat d’Israël, en distinguant clairement entre ce qui était permis quand nous devions échapper a la mort, et ce qui est maintenant interdit. Nous devons poser une distinction entre les actes d’une nation luttant pour sa survie et ceux d’un Etat souverain. Nous devons savoir qu’il y a une différence entre la reconnaissance que le monde nous a accordée dans les frontières de 1967, et celle que nous n’aurons jamais en faisant de tous les territoires la terre d’Israël. Il faut que cela soit fait maintenant, avant que nous
ne puissions plus arrêter la droite.