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The Forward, 11 octobre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Un certain nombre d’anciens représentants américains, ainsi que des groupes juifs de
gauche, des militants et des philanthropes comme George Soros, allient leurs efforts pour faire pression sur l’administration Bush afin que celle-ci s’implique davantage dans la promotion des négociations israélo-palestiniennes.

Cette semaine, un groupe (Démocrates et Républicains) d’anciens diplomates, dont Dennis Ross et Thomas Pickering, a publié une déclaration qui appelle à davantage d’implication américaine dans la région, à un moment où la politique unilatérale choisie par Israël semble avoir échoué, au Liban comme à Gaza. Ce groupe, réuni sous l’égide du groupe israélien colombe Israeli Policy Forum (IPF), a pressé l’administration Bush à jouer le rôle de médiateur pour obtenir un cessez-le-feu israélo-palestinien, à tenir compte davantage des actes du gouvernement palestinien que des déclarations des dirigeants du Hamas, à soutenir l’initiative de paix saoudienne et à renforcer le gouvernement libanais.

Cette information intervient quelques semaines après que des représentants de l’IPF ont participé à une réunion avec un collaborateur de Soros, des représentants d’autres groupes juifs de gauche et d’anciens officiels américains et israéliens. Selon la Jewish Telegraphic Agency (JTA), cette réunion était un premier pas vers la création d’une alternative à l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), le puissant lobby pro-israélien [[Deux précisions : le mot « lobby » aux Etats-Unis n’a pas la connotation négative qu’il a en France. Le lobbying y est public, légal et réglementé. D’autre part, l’AIPAC s’est toujours distingué par ses positions très à droite, proches de celles du Likoud.]]
Les participants nient que leur initiative ait été une tentative par Soros de prendre le contrôle du lobby pro-israélien établi, mais confirment que la réunion a eu essentiellement pour objet d’étudier les moyens de faire pression sur le Congrès et l’administration Bush pour qu’ils soutiennent une plus grande implication dans la résolution du conflit israélo-palestinien, position qui résulterait inévitablement en un clash avec l’AIPAC.

Un deuxième réunion est prévue à New York le 26 octobre, consacrée à la levée de fonds. Les partisans de cette mobilisation à gauche pourraient avoir à mener un combat difficile, si l’on en juge par une information récente publiée par le quotidien israélien Yediot Aharonot, selon laquelle Bush a indiqué à Israël que les Etats-Unis ne verraient pas d’un bon oeil une reprise des pourparlers avec le régime syrien. (…)

Shibley Telhami, professeur pour la paix et le développement à l’université du Maryland, conteste que cette administration fasse obstruction aux efforts de paix : « Je pense qu’il n’y a pas de décision politique pour empêcher les efforts de paix, en particulier avec la Syrie. La vérité, c’est que cette administration est divisée sur ce sujet, tout comme le sont les Israéliens. »

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On n’a pas beaucoup entendu les Démocrates manifester leurs critiques à l’égard de la position de l’administration Bush sur la question palestinienne, mais le sénateur Joseph Biden, l’un de leurs experts les plus en vue, membre de la commission des Affaires étrangères et possible candidat à l’investiture démocrate aux présidentielles, s’est récemment exprimé : « Il n’y a jamais eu de progrès au Moyen-Orient sans une action des Etats-Unis en tant que catalyseur. Il nous faudrait une personnalité importante sur le terrain, disponible 24h sur 24, tous les jours (…). »

Les soucis de l’administration Bush concernant l’Irak et l’Iran, et la tension croissante dans les territoires palestiniens, ont poussé certains représentants européens à faire pression sur cette administration pour montrer davantage de souplesse dans l’interprétation des trois conditions posées par la communauté internationale pour financer et traiter avec un gouvernement palestinien d’union nationale, et reprendre l’assistance financière. Ces trois conditions sont : reconnaissance d’Israël; acceptation des accords passés, et renonciation à la violence.

De leur côté, les alliés arabes de Washington, inquiets de l’issue de la guerre au Liban et de la détérioration de la situation à Gaza, accélèrent leurs efforts de médiation. La Ligue arabe a demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies de prendre l’initiative d’un règlement global. L’Egypte négocie la libération de Gilad Shalit, le soldat israélien enlevé par une milice palestinienne à Gaza. Et le Qatar tente de réduire les différends entre le Fatah et le Hamas.

En outre, l’Arabie saoudite prend de nouveau une initiative diplomatique pour faire repartir son plan de paix de 2002, qui offrait une normalisation des relations israélo-arabes en échange d’une solution à deux Etats avec pour base les frontières d’avant 1967. Riyad a déjà indiqué qu’elle était prêt à discuter avec Israël des questions les plus délicates de son plan, à savoir les frontières et les réfugiés.

En Israël, on semble être sensible aux efforts saoudiens : des informations ont filtré selon lesquelles le premier ministre Ehud Olmert aurait rencontré un haut responsable saoudien en Jordanie le mois dernier. Mais l’administration Bush est demeurée silencieuse.

Certains dirigeants politiques israéliens, comme le ministre de la défense Amir Peretz et le ministre de la sécurité intérieure Avi Dichter, ont défendu l’idée de répondre aux ouvertures de paix répétées du président syrien Bacher Assad plutôt que de les repousser sans même les examiner.

Depuis la fin de la guerre au Liban, Assad a fait plusieurs déclarations qui suggèrent son désir de reprendre les pourparlers de paix avec Israël qui avaient échoué en 2000, tout en menaçant de faire la guerre si Damas ne reprend pas le contrôle du Golan. Au cours d’une interview à la BBC diffusée lundi dernier, le président syrien a émis des doutes sur la capacité d’Israël à engager des négociations de paix avec son pays : « Nous ne savons pas si ce gouvernement est suffisamment fort pour aller vers la paix », a dit Assad, faisant apparemment allusion à la chute de popularité d’Olmert.

Olmert a repoussé toute idée de reprise des négociations avec les Syriens pour le moment, qui irait contre la politique de l’administration Bush consistant à isoler un régime syrien affaibli par son retrait forcé du Liban l’an dernier après l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri.

« Contrairement aux Américains, les Israéliens ont un vrai débat sur la question de savoir s’il faut oui ou non parler à la Syrie », dit Joshua Landis, co-directeur du Center of Peace Studies à l’université de l’Oklahoma, et auteur du blog « SyriaComment ». « Il paraît clair que le président Bush s’en tient toujours à l’idée qu’il va gagner la guerre de la réforme d’un Grand Moyen-Orient, entamée avec la guerre en Irak. A un moment donné, un certain nombre de ses plus proches conseillers a cru que cela comprendrait un changement de régime à Damas. Je pense que la résistance de Bush à l’ouverture de la porte aux négociations avec la Syrie (et l’Iran) provient de l’espoir borné chez les conseillers de Bush de voir un retournement de situation au Moyen-Orient, et qu’il n’est pas trop tard pour qu’il y ait un changement de régime en Syrie. »

Les Etats-Unis ne sont pas le seul pays clé occidental à adopter une position dure à l’égard de la Syrie. Le président français Jacques Chirac a plusieurs fois déclaré qu’il ne fallait pas avoir de rapports avec le régime Assad, position que la plupart des commentateurs attribuent à l’idée de Chirac selon laquelle c’est la Syrie qui a assassiné son ami proche Rafic Hariri.

Après que le Yediot Aharonot eut publié son information sur l’opposition de Bush à la reprise par Israël des négociations avec la Syrie, les Américains pour La Paix Maintenant (Americans for Peace Now, APN) ont exigé de l’administration Bush qu’elle clarifie sa position et exprime son soutien plein et entier à cette ouverture. Debra DeLee, présidente d’APN, a participé à la réunion en septembre des « colombes », mentionnée plus haut. (…)

Il y a des différences d’appréciation au sein de cette nouvelle structure sur la manière d’affronter l’AIPAC. George Soros doit participer à la réunion de cette nouvelle initiative, ainsi que d’autres Juifs américains de gauche de premier plan, dont Peter Lewis, qui comme Soros, est l’un des principaux contributeurs de MoveOn.org, un groupe de collecte de fonds de gauche fonctionnant à partir d’un site web, Edgar et Charles Bronfman, anciens magnats de l’alcool, grands donateurs aux causes israéliennes et juives, et Mel Levine, ancien membre du Congrès démocrate et avocat influent de la Côte Ouest.