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Ha’aretz, 5 avril 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Pour présenter le plan de « convergence » [[« convergence » traduit assez mal le mot hébreu « hitkansout », qui signifie plutôt le fait de se réunir (entre soi). Derrière ce mot, il y a l’idée d’évacuer les colons qui se trouvent au-delà du Mur de séparation et de les installer dans les gros blocs de colonies (Maale Adoumim, Ariel, Goush Etzion) qui seraient annexés dans le cadre de la fixation unilatérale par Israël de ses « frontières définitives ». Le mot de « convergence » étant utilisé par toute la presse, nous l’emploierons donc, malgré nos réticences (ndt).]] à l’opinion occidentale comme une énorme concession digne de louanges, il faut exagérer le soutien des Juifs israéliens au « Grand Israël ». Or, si le Grand Israël avait vraiment été la principale priorité des citoyens juifs israéliens, il y aurait eu bien plus que les 10.000 colons dans la Vallée du Jourdain, des dizaines de milliers de gens se seraient précipités pour agrandir Maale Ephraïm et les colonies agricoles, et les lumières à l’Est du Grand Israël brilleraient et scintilleraient autant que celles de l’Ouest de la Jordanie.

Durant les années Oslo, comme ces dernières années, Israël s’est assuré que cette zone immense soit bloquée pour tout développement palestinien, et largement ouverte au développement israélien. Et les conditions de vie relativement difficiles (chaleur, éloignement par rapport au centre du pays) n’aurait pas dissuadé les masses israéliennes. Si chaque pouce de terre du Grand Israël avait vraiment suscité une attraction et une émotion chez les citoyens juifs d’Israël, ceux-ci n’auraient pas eu besoin des avantages qui leur ont été proposés pour vivre dans les territoires conquis en 1967. Ils seraient partis coloniser les lointaines collines, et ils ne se seraient pas contentés des colonies « à 5 minutes de Kfar Saba ». Ils n’auraient pas eu besoin de ces publicités qui vantaient ces jolies villas de plain-pied. Au contraire, ils auraient encouragé l’Etat et les entrepreneurs à construire des immeubles d’appartements. Il n’y aurait pas aujourd’hui 420.000 colons (en comptant ceux de Jérusalem Est occupée), mais deux millions.

Ce qui a attiré les Juifs israéliens (et qui en a fait des délinquants vis-à-vis du droit international), ce n’est pas chaque pouce de la terre sainte, mais la promesse d’une vie confortable garantie par la suprématie militaire d’Israël, de logements spacieux à bon marché et d’excellentes infrastructures. Toutes choses qui étaient indisponibles à l’intérieur de l’Etat d’Israël. Cette convergence, donc, ce sont des frontières tracées par les aspirations au confort de l’Israélien moyen.

Ces aspirations seraient d’ailleurs toutes naturelles si elles n’étaient pas aux dépens des Palestiniens, en tant que personnes et en tant que peuple. Mais les Israéliens moyens, y compris ceux qui ne sont pas des colons, ne se soucient pas de choses triviales comme le droit international, les valeurs morales fondamentales ou le bien-être des Palestiniens. Et ce sont précisément les « blocs de colonies » et la zone tampon entre la ligne Verte et la barrière de séparation qui coupent la Cisjordanie en tronçons, accapare les ressources en eau et le terres fertiles, séparent les communautés palestiniennes les unes des autres et font obstacle à toute continuité, géographique et démographique. Le contrôle par Israël de ces zones, qu’il s’agisse de 28% de la Cisjordanie ou de « seulement » 13,5%, a causé et causera encore des dommages irréversibles à la société palestinienne. Mais cela n’inquiète pas outre mesure les Israéliens moyens et leurs élus, qu’ils soient de Kadima, du Parti travailliste ou des retraités. Tous ces faits échappent à leur conscience et sont enterrés, comme les centaines de villages palestiniens qui ne sont pas mentionnés sur les panneaux de signalisation des autoroutes réservées aux colons.

La sécurité est un élément constitutif d’une vie agréable. Et ceux qui aiment la prospérité aux dépens d’autres croient probablement que la « convergence » leur apportera la sécurité. Il est raisonnable de penser que les habitants des blocs de colonies continueront à se sentir à l’aise et en sécurité derrière les différentes sortes de fils barbelés, de murs de béton et de portails fermés, et à ignorer le rôle qu’ils jouent dans ce vol. Mais les Palestiniens, pour invisibles qu’ils soient, voient et ressentent les choses. En Israël, on compte sur la résignation des Palestiniens face au vol et à la discrimination, résignation née de l’habitude, de l’isolement sur le plan international et de la force militaire israélienne.

Mais il est illusoire de croire (comme à l’époque d’Oslo) que les Palestiniens accepteront de voir les colonies se développer, d’être expulsés de leurs terres et de se voir imposer des limitations draconiennes dans leur liberté de déplacement. L’explosion qui s’est produite fin septembre 2000 a été provoquée par la contradiction entre les promesses de paix et la réalité de l’occupation et de la colonisation. Le plan de convergence, qui cristallise la violence de l’occupation dans des zones à forte population palestinienne, provoquera et augmentera encore chez les Palestiniens trois sortes de rage : une rage nationale, due au sabotage du projet d’indépendance et de développement de l’Etat palestinien ; la rage économique de centaines de milliers de Palestiniens qui ont perdu leurs terres, leurs biens et leurs moyens d’existence au profit des Juifs qui prospèrent de l’autre côté des fils barbelés ; et la rage religieuse de ceux qui se tournent vers le Coran et Allah qui leur expliquent que c’est la nature des Juifs.

Les partisans et les concepteurs du plan de convergence se trompent s’ils pensent que toutes ces formes de rage n’exploseront pas, ou qu’il sera toujours possible de les réprimer. Il est bien sûr difficile de prédire quand et comment cette rage explosera, mais tôt ou tard, elle reviendra, et réduira à néant le rêve d’un confort qui s’obtiendrait aux dépens d’une autre nation.


Shalom Akhshav (La Paix Maintenant) a saisi ce jour (5 avril 2006) la Haute cour de justice et lui demande d’ordonner l’évacuation de 6 colonies sauvages : Ramat Gilad, Givat Assaf, Ma’aleh Rehavam, Mitzpeh Lakhish, Givat Haro’eh, and Mitzpeh Itzhar. En réalité, Shalom Akhshav demande à la cour de confirmer une décision précédente qui concernait la colonie sauvage d’Amona. La Haute cour avait ordonné son évacuation, et l’application de cette décision par la police avait entraîné de violentes émeutes.

Cf. (entre autres) :

 « La Haute cour donne son feu vert à l’évacuation d’Amona » [->https://www.lapaixmaintenant.org/article1219]

 « Première action en justice de Shalom Akhshav contre un avant-poste en Cisjordanie » [->https://www.lapaixmaintenant.org/article1094]

 « Amona er le ‘Hamas juif’ : [->https://www.lapaixmaintenant.org/article1221]