Sur le site d’Ha’aretz


Compte tenu de l’efficacite que montraient les bulldozers jeudi matin, on aurait pu penser que les soldats avaient recu un ordre clair de la part de leurs superieurs, et savaient exactement ce qu’ils faisaient : la destruction de la station de pompage de deux puits, qui fournissent en eau douce pres de 50% des menages de Rafah, dans la Bande de Gaza.

Les raids contre les maisons de Rafah, en particulier dans les camps de refugies, et les habitants blesses par les tirs de Tsahal, sont devenus une telle routine, qu’habituellement, ils ne parviennent pas aux medias israeliens qui, cependant, rendent compte du nombre de Palestiniens tues dans de telles operations.

Toute l’affaire a debute mercredi dernier, quand les bulldozers de l’armee
creuserent plusieurs heures dans les dunes qui separent le quartier de refugies de Tel al Sultan des colonies situees au sud de la zone de Munassi. Naturellement, personne n’a pris la peine d’avertir les habitants palestiniens de ce qui etait prevu de faire de leurs terres : peut-etre un avant-poste militaire, ou peut-etre une cloture supplementaire pour proteger la colonie, peut-etre encore un agrandissemnt de la colonie.

Des enfants se grouperent, a bonne distance des bulldozers et des vehicules
blindes, et se mirent a jeter des pierres. A Rafah en particulier, ou les
cameras se sont fatiguees et n’enregistrent plus ce genre de scenes, devenues
banales, quand les forces blindees se trouvent sous les jets de pierres,
elles repliquent a balles reelles, comme s’il n’y a rien de plus naturel que
de tirer sur des enfants qui jettent des pierres, a 200 metres de la. Selon
un responsable de terrain du Centre palestinien des Droits de l’Homme, apres
que les soldats ont ouvert le feu sur les enfants, quelques jeunes armes
sont arrives et se sont mis a tirer sur les soldats. Ce feu symbolique fait
desormais partie d’un rituel de mort : personne ne s’attend a ce que les
jeunes de Gaza, armes de seuls fusils et d’explosifs artisanaux, puissent
reellement atteindre les forces a l’interieur des vehicules blindes, mais
quelqu’un doit protester contre les tirs sur les enfants;

Les echanges de tirs ont dure plusieurs heures, disent les habitants. Les
tirs palestiniens etaient sporadiques et peu professionels. Les tirs israeliens etaient plus lourds et tous azimluts. Selon certains temoignages, trois groupes de soldats venus d’avant-postes environnants se sont joints aux troupes qui avaient entrepris de creuser les dunes.

18 personnes furent blessees : huit enfants, de 10 a 17 ans (un adolescent
de 15 ans gravement blesse a l’estomac, un enfant de 10 ans blesse au
genou). Quatre blesses ont plus de 30 ans (35, 38, 42 et 50 ans) et six
autres dans les vingt ans. Pas moins de dix maisons furent endommagees par
les tirs. La plupart des blesses ont ete atteints chez eux ou dans les rues,
loin des bulldozers.

Jeudi matin, des blindes lourds surgirent et raserent la zone. Intentionnellement ou non, les bulldozers endommagerent 20 maisons, dont certaines etaient utilisees par des gens qui etaient devenus refugies apres la destruction de leurs maisons par l’armee, pres de la frontiere. Sept voitures fuent ecrasees, et la cloture d’une ecole detruite. Les bulldozers mirent en pieces les deux puits d’eau, structures et machines.

L’un de ces puits avait ete construit par l’administration civile israelienne en 1990, et le second l’avait ete en 2001 par l’Autorite palestinienne, avec l’aide du gouvernement canadien. Selon le maire de Rafah, une carte localisant les deux puits avait ete fournie aux autorites israeliennes. Ensemble, les deux puits fournissaient quelque 6000 metres cubes d’eau potable (contrairement a l’eau salee et huileuse provenant de quatre autres puits plus anciens), sur les 13000 metres cubes produites quotidiennement pour les habitants de Rafah. Ceux-ci avaient pour habitude de se rendre a ces puits et d’y remplir des bidons d’eau douce, propre et bonne a boire, bien meilleure que celle qui coule des robinets de Rafah, un melange trouble d’eau douce et salee.

Aujourd’hui, les 130.000 habitants de Rafah sont soumis a un strict rationnement en eau, qui ne coule que quelques heures par jour, et quelques jours par semaine. Les gens passent un temps precieux a remplir des bidons a partir des puits qui fonctionnent, ou a partir de puits agricoles qui fournissent une eau impropre a la consommation humaine. Le rationnement continuera jusqu’a ce qu’on trouve un financement pour un nouvel equipement de pompage et pour son installation.

Une source militaire a declare a Haaretz qu’il n’y avait eu aucune intention de
« s’en prendre aux structures des puits. Un examen de l’incident a revele que
les soldats ne disposaient pas de renseignements appropries, et que les forces sur place ignoraient l’existence des puits dans la zone. » Selon cette source, « apres une incursion terroriste a Shalev (une des colonies de la zone), il y a une quinzaine de jours, le commandant de region a pris la decision de reamenager les dunes, afin d’eliminer les chemins d’infiltrations possibles. Mercredi, le travail avait ete entrepris des deux cotes de la ligne de separation entre Tel al Sultan et la zone sous controle israelien;  »

Toujours selon cette source, un echange de tirs s’est produit avec des
Palestiniens armes, et un officier de blindes a ete blesse quand une balle a
touche son casque. La source a egalement dit que des militants du Jihad
islamique ont pris part au combat, suite a quoi quelques batiments ont ete
detruits. Le commandant, dit la source, « a ordonne de detruire les murs de
certaines maisons d’ou les tirs etaient partis. » Au lendemain de l’operation, il s’est avere « que deux puits se trouvaient egalement dans la zone, mais il n’y avait aucune intention de les detruire. »