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Ha’aretz, 1er juillet 2005

Trad : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Grâce à l’attention des médias, il vous est aujourd’hui possible de voir, chez vous, sur votre écran de télévision, la violence des colons. Pendant des années, cette violence était cachée, dans les Territoires, visible uniquement pendant ces brefs moments où l’armée et la police essayaient d’évacuer les avant-postes.

Aujourd’hui, on peut voir la « jeunesse des collines », des jeunes gens des collines Sud de Hebron, et les kahanistes qui habitent Hebron ; ceux qui battent et tirent sur les Palestiniens, sans jamais être arrêtés parce qu’ils se fondent dans leurs communautés ; ceux qui déracinent les oliviers et intimident des villages entiers. Ils ne sont pas en petit nombre. Ce ne sont pas des brebis galeuses. Ils sont la chair de la chair du sionisme religieux, les deuxième et troisième générations des colonies.

Les gens qui respectent la loi, ceux qui sont représentés au gouvernement et à la Knesset, ne doivent avoir ni pitié ni empathie pour ces nouvelles organisations rebelles qui n’acceptent pas l’autorité de l’Etat. Bloquer les routes principales, même sans y répandre d’essence ou de clous, ce n’est pas de la désobéissance civile mais de la violence pure et simple. Ce ne sont pas des manifestations spontanées, mais un plan soigneusement pensé destiné à occuper la police sur les routes de sorte qu’elle ne puisse pas mener à bien la tâche qui lui a été assignée.

Les colons n’essaient pas de gagner la sympathie du public, mais d’imposer à la majorité, par la force, leur opinion minoritaire. Ils essaient d’épuiser l’armée et la police en les inondant de pseudo incidents. Ce ne sont pas des manifestations, mais un plan de sabotage de l’Etat, et ce pour préserver les bénéfices d’un secteur particulier : le leur.

Les colons usent aussi de la force en refusant de coopérer avec l’administration chargée du désengagement, et en faisant pression sur ceux qui sont prêts à être évacués volontairement. Les habitants du Goush Katif n’inscrivent pas leurs enfants dans de nouvelles écoles. Ils ne mettent pas leurs effets personnels dans des cartons. Ils ne laissent pas partir ceux qui le veulent. Ils envoient leurs jeunes enfants au danger, en les encourageant à affronter les soldats et la police, et à être mis en prison.

Face à cette rébellion, les politiciens se conduisent comme des lâches. Ils ont peur d’affronter le puissant lobby du sionisme religieux de peur de perdre son soutien. Même ceux qui se présentent comme une alternative, Ehoud Barak, Matan Vilnaï ou Benjamin Ben-Eliezer, ne s’expriment pas clairement contre cette rébellion.

Les quelques rabbins qui disent aux soldats de ne pas refuser d’évacuer des colonies encouragent leurs disciples à lutter de toutes leurs forces, jusqu’au dernier moment. Mais il se trouve que le dernier moment où il était possible de modifier démocratiquement la décision du désengagement est passé. Le désengagement a commencé. A partir de maintenant, quiconque ne coopère pas est hors-la-loi.

La tentative de lynchage d’un adolescent palestinien à Mouassi se serait soldée par sa mort si des journalistes ne s’étaient pas trouvés sur les lieux et ne s’étaient pas portés à son secours. Un infirmier du Goush Katif, qui voulait le soigner, a été écarté brutalement par les insurgés. Les lyncheurs n’ont pas compris, ni même pensé, que leurs photos s’étaleraient à la une des journaux. Et ces insurgés ne sont pas des brebis galeuses, mais des colons ordinaires.

Si les propos très durs prononcés par le procureur de l’Etat, Menahem Mazouz, lors de sa rencontre hier avec les leaders du Conseil des colons (Yesha), indiquent un changement d’approche, cela est le bienvenu. Car, si après cela, rien ne change, l’Etat va glisser dans l’anarchie.