Après tant de faits unilatéralement accomplis en Cisjordanie à coups de bétonnières, Benjamin Netanyahu prend prétexte de la motion “unilatérale” de l’Autorité palestinienne aux Nations unies pour mettre en doute une fois de plus la volonté des Palestiniens de parvenir à une solution négociée.

Il annonce aussitôt “en représailles” d’autres mesures unilatérales, dont la moindre n’est pas de boucher aux Palestiniens l’accès à Jérusalem par de nouvelles constructions. Que restera-t-il alors à négocier ? Aussi Yossi Sarid réagit-il ainsi à la campagne électorale de B. Netanyahu, jouant sur les peurs israéliennes : « Le Premier ministre a raison. Nous avons vraiment peur. Mais moins de nos ennemis que de lui. »

Et de s’insurger – c’est la fondation même de l’État d’Israël à la fin des années quarante, c’est l’histoire de la construction sioniste qui se voient insultées par le mépris opposé au récent vote de l’Assemblée générale des Nations unies.

Il n’y a pas de logique à la folie, c’est clair. Après tout, le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui-même a compris à un moment donné que mieux valait se refréner, et éviter les réactions hâtives auxquelles il avait cédé dans le cas des tunnels mis à jour aux abords du mur occidental [1]. Mais ses pulsions ont triomphé, et Bibi se comporte, dans sa folie, comme le roi Jéhu, fils de Josaphat [2] ; ou comme Kim Jong-Un qui s’entête maintenant à lancer un missile balistique au nom de la sécurité de son pays. Et ni les biblistes ni les experts de la Corée du Nord ne savent de quel côté pencher : s’agit-il de préserver le régime et le gouvernement, ou de troubles de la personnalité affectant leur chef aimé ?

Comment comprendre ce qui se passe ? Essayons pourtant. De toutes parts, nous viennent les échos d’accès d’hystérie : selon le calcul de la fin des temps dans le calendrier maya, le jugement dernier serait pour le 21 décembre, et l’affolement gagne. La psychose n’a pas épargné Jérusalem.

Une autre explication s’offre à cette frénésie : après tout, Bibi est infantile, toujours en quête de satisfaction immédiate. Venu en invité à la Maison Blanche, il prétend faire l’éducation de son hôte. Au beau milieu du Bureau ovale, entre tous lieux, il s’oublie. […] Le président encaisse, mais se souvient. Au début, nous éprouvons une sensation de chaleur, de plaisir – face aux nations, notre Premier ministre se tient debout, sans protection. Mais elle fraichit ensuite, se mue en écœurement.

Netanyahu a raison une fois de plus – nous avons vraiment peur. Moins de nos ennemis que de lui. Nous nous sentons menacés, en danger de mort. L’attaque ici n’est que légitime défense, et ce qui s’écrit là doit se lire comme un plaidoyer.

Netanyahu a son bon droit pour lui sur un autre point, essentiel : l’usage était d’éviter toute mesure unilatérale, du moins jusqu’à ce que les Palestiniens se dressent et violent les procédures habituelles ; la règle était qu’aucune des deux parties ne soit confrontée à des faits accomplis – avant toute construction d’une nouvelle colonie, comme chacun sait, nous consultons le président de l’Autorité palestinienne Mah’moud Abbas et son administration, et leur demandons leur avis. Cette fois, et par mesure de rétorsion, nulle consultation préliminaire n’aura lieu concernant la construction de 3 000 unités de logement et le gel de la recette des taxes palestiniennes.

Après tout, l’occupation elle-même est une forme reconnue de réciprocité : ils acceptent la situation de fait, vouée à prendre fin – un jour ou l’autre mais pas de nos jours – lorsque nous accéderons faute de choix à leurs demandes. Et voilà qu’ils se tournent tout à coup vers les Nations unies, et de leur propre chef. Ce n’est pas comme cela que se comportent de vieux associés, après 45 années de fructueuse collaboration. Il est temps de leur donner une leçon, et de faire sortir un mur d’acier du béton. Et l’opération portera un nom, craché par l’ordinateur militaire de l’Administration civile [des Territoires] : « Tapez-vous la tête contre le Mur. »

Maintenant, une fois le fait accompli, on nous explique que la décision de l’Assemblée générale des Nations unies n’a pas la moindre importance, comme celles qui l’ont précédée elle suivra les chemin de tous les papiers. En ce cas, pourquoi en avons-nous fait tout un plat, pourquoi avons-nous harcelé toutes les chancelleries, pourquoi avons-nous une fois de plus plongé le président Obama dans l’embarras, le contraignant à un vote qui affaiblit l’Amérique ?

J’avais sept ans quand l’Assemblée générale des Nations unies vota la résolution de partition du pays, dont il est permis de douter que David Ben Gourion aurait pu, sans elle, déclarer six mois plus tard la fondation de l’État. Combien mon père s’était réjoui à la fin du décompte des voix, quand le monde était encore à nos côtés, embrassant ma mère, mes sœurs et moi, et comme nous avions dansé dans les rues de la moshava [l’agglomération]. Et maintenant, ils nous disent que semblable décision n’a pas d’importance “sur le terrain”. Nous étions fous de bonheur sans raison, nous y avions cru par pure candeur.

L’Autorité palestinienne a déclaré ne pas avoir, pour le moment, l’intention de poursuivre Israël devant la Cour pénale internationale. Mais il m’incombe de trouver une cour qui soit prête à convoquer Netanyahu et le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman afin qu’ils s’expliquent : « En quoi avons-nous mérité ça ? Pourquoi, oui pourquoi ont-ils cassé notre rêve, le rêve de Jérusalem ? »


NOTES

[1] Le 24 septembre 1996, Benjamin Netanyahou depuis peu au pouvoir a ordonné l’ouverture d’un tunnel archéologique souterrain courant tout le long des fondations du Mur occidental (dit Mur des Lamentations). Ouverture qui fut interprétée comme une tentative de sabotage souterrain du Mont du Temple et des mosquées qu’il supporte, suscitant des manifestations dont la répression fit soixante et un morts parmi les Palestiniens.

Pour en savoir plus : [->http://www.ism-france.org/analyses/La-politique-de-la-Verticalite-9-Jerusalem-article-371]

[2] Allusion probable à 2-rois 9:14-29, dont nous donnons ici un extrait dans la traduction de Louis Segond :

« 9.14 : Ainsi Jéhu, fils de Josaphat, fils de Nimschi, forma une conspiration contre Joram. Or Joram et tout Israël défendaient Ramoth en Galaad contre Hazaël, roi de Syrie ; 9.15 : mais le roi Joram s’en était retourné pour se faire guérir à Jizreel des blessures que les Syriens lui avaient faites, lorsqu’il se battait contre Hazaël, roi de Syrie. […] 9.16 : Et Jéhu monta sur son char et partit pour Jizreel, car Joram y était alité, et Achazia, roi de Juda, était descendu pour le visiter. 9.17 : La sentinelle placée sur la tour de Jizreel vit venir la troupe de Jéhu […] Joram dit : Prends un cavalier, et envoie-le au-devant d’eux pour demander si c’est la paix. 9.18 : Le cavalier alla au-devant de Jéhu, et dit: Ainsi parle le roi : Est-ce la paix ? Et Jéhu répondit : Que t’importe la paix ? Passe derrière moi. La sentinelle en donna avis, et dit : Le messager est allé jusqu’à eux, et il ne revient pas. 9.19 : Joram envoya un second cavalier […] Et Jéhu répondit : Que t’importe la paix ? Passe derrière moi. 9.20 : La sentinelle en donna avis, et dit : Il est allé jusqu’à eux, et il ne revient pas. Et le train est comme celui de Jéhu, fils de Nimschi, car il conduit d’une manière insensée. »

[->http://www.info-bible.org/lsg/12.2Rois.html#14]
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