Ha’aretz, 3 octobre 2008

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant

Si Tzipi Livni devient le prochain Premier ministre d’Israël, elle apportera à cette fonction la conscience qu’il est urgent de parvenir à une solution globale avec les Palestiniens sur la base de deux Etats. Cela, en soi, la distingue de ses deux principaux rivaux. Benjamin Netanyahou, le leader du Likoud, ne veut pas entendre parler de deux Etats viables et indépendants. Le travailliste Ehoud Barak semble tout faire pour ne pas y arriver.

Tzipi Livni va hériter du processus de paix d’Annapolis, et là commencent ses problèmes. Annapolis repose sur un édifice logique vicié et brisé. Mais il est possible que Livni, parce qu’elle s’est beaucoup investie dans ces derniers pourparlers, ne puisse pas reconnaître ces défauts et qu’elle incline à poursuivre dans cette voie.

Il est également peu probable qu’elle considère favorablement les autres options à sa disposition : le maintien du statu quo ou le retour à l’unilatéralisme. Les raisons de rejeter le statu quo sont évidentes : la continuation de l’occupation menace les intérêts et l’avenir d’Israël, et elle est intenable. La question de l’unilatéralisme (rassurez-vous, elle reviendra à l’ordre du jour) est plus complexe. Il est devenu très impopulaire, difficile à vendre à l’opinion, et cela pour de bonnes raisons. Mais réfléchissez au scénario suivant : les discussions avec les Palestiniens sont bloquées ou dérapent, la menace plane d’un appel palestinien unifié en faveur d’un Etat binational, Israël doit agir et souhaite le faire dans des termes que lui seul dictera. Et revoilà l’unilatéralisme.

Il est même possible que la panique qui se répand à l’heure actuelle sur les dangers d’une campagne en faveur d’un Etat binational soit conçue pour préparer le terrain à un retour à l’unilatéralisme. L’institut Re’out a été jusqu’à faire circuler un plan où Israël tente d’imposer un Etat palestinien aux frontières provisoires dans une partie de la Cisjordanie. Instinctivement, Livni est opposée à cet unilatéralisme, et ces plans sont réellement une très mauvaise idée. L’opposition des Palestiniens est quasi garantie, les perspectives de sa pérennité seraient très faibles, le soutien de la communauté internationale serait fort peu probable, et les auteurs du plan de Re’out reconnaissent eux-mêmes, faisant preuve d’honnêteté intellectuelle, que leur plan reviendrait en gros à créer des bantoustans à la sud-africaine, de sinistre mémoire.

Cela signifie-t-il que le processus d’Annapolis soit la seule option dont dispose Livni ? Elle, ses négociateurs et leurs homologues palestiniens sont des gens sérieux, ils discutent de vraies questions, ils font même des progrès, mais ils ne réussiront pas, car l’approche est viciée à la base.

Aujourd’hui, l’interlocuteur palestinien manque de la légitimité intérieure nécessaire pour conclure et « vendre » un accord. Quand Israël parle de renforcer le partenaire, cela ne fait que le faire paraître plus faible, en particulier devant la réalité de l’expansion des colonies, des restrictions à la liberté de circulation, ainsi que la perception qu’a la population que l’Autorité palestinienne commence à ressembler à un sous-traitant de la sécurité d’Israël. Des officiels israéliens ont déclaré ouvertement que tout accord conclu ne serait en aucun cas appliqué sans conditions préalables, conditions parfaitement inapplicables. Nombreux sont ceux qui, au Fatah, sans même parler du Hamas, se révoltent contre ce paradigme.

Alors, une Livni Premier ministre est-elle condamnée à la paralysie ? Pas nécessairement. Il y a une alternative, appelons-la « l’initiative Livni ».

On peut considérer qu’une réponse d’Israël à l’initiative de paix de la Ligue arabe constituerait en elle-même un nouveau défi. A l’initiative de Livni, Israël annoncerait qu’il est disposé à se retirer sur les lignes de 1967, y compris à Jérusalem, à évacuer les colonies en conséquence, et à mettre fin définitivement à l’occupation. Cette initiative irait bien plus loin que le langage vague qui parle de « concessions douloureuses » et de « deux Etats ». Elle serait explicite, y compris à travers un engagement à mettre en œuvre réellement une « dé-occupation » selon un calendrier prédéfini. Israël réclamerait des modifications mineures et réciproques, sur la base d’1 km2 contre 1 km2, aux frontières de 67 (pour y englober une majorité de colons), des arrangements particuliers concernant la Vieille Ville de Jérusalem, et des modalités de sécurité raisonnables (sans qu’elles soient une liste d’exigences qui videraient le futur Etat de Palestine de ses attributs de souveraineté). Tout en faisant preuve de compréhension à l’égard des souffrances des réfugiés palestiniens, Israël insisterait sur un programme international de réhabilitation et d’indemnisation où ces réfugiés, en pratique, seraient relogés en dehors d’Israël et tout particulièrement dans le nouvel Etat de Palestine.

Cette initiative ne serait pas envoyée à une seule adresse. Israël jetterait le gant aux Palestiniens, aux Etats-Unis, aux Etats arabes, au quartet du Moyen-Orient et à la communauté internationale dans son ensemble. Israël ne dicterait ni n’opposerait de veto sur l’identité du partenaire, mais stipulerait qu’une réponse acceptable devra être constituée de trois éléments : un partenaire fort et légitime avec qui définir et tracer la frontière exacte et les arrangements sur Jérusalem ; une mise en œuvre détaillée du plan pour répondre aux inquiétudes légitimes d’Israël pour sa sécurité et pour pouvoir prévoir ce à quoi ressembleront la sécurité et la gouvernance dans la zone dé-occupée ; une reconnaissance de la légitimité et de la finalité du résultat [fin des revendications, ndt].

Une réponse effective entraînerait probablement une recomposition des alliances chez divers acteurs. Une OLP reconstituée par un accord Fatah – Hamas pourrait être un acteur majeur, la Ligue arabe, comme les Nations unies et même l’Union européenne, pourraient en accepter des éléments-clés. Certaines composantes de l’initiative [en particulier financières, ndt] exigeraient un engagement fort de la part des Etats-Unis [[Cet article a été écrit avant le gros de la crise financière…]]. Pareille offre susciterait probablement un vrai débat chez les Palestiniens et leurs dirigeants politiques, à Gaza, en Cisjordanie et au-delà, mais même sans cela, les Etats arabes ou les Nations unies pourraient provisoirement remplir le vide et, avec d’autres, faire partie de la solution, en étant présents sur le terrain et en lui accordant une légitimité internationale.

Israël, bien entendu, devra alors considérer un oui raisonnable comme une réponse.

L’initiative Livni aurait également un autre avantage : elle prouverait qu’Israël peut encore faire preuve de courage et d’audace malgré un système politique dysfonctionnel et de plus en plus discrédité.

A toi de jouer, Tzipi !