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IPCRI, 12 février 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La victoire du Hamas aux élections palestiniennes, écrasante et dévastatrice, a frappé tous les observateurs politiques. Cette victoire a aussi beaucoup choqué en Israël et dans le monde. Même les électeurs palestiniens ont été choqués du résultat de ce processus démocratique. Cette victoire absolue est due à un certain nombre facteurs, intérieurs et extérieurs, qui y ont contribué :

 le Hamas est un mouvement très discipliné et organisé. Il a très bien planifié sa stratégie en commençant par s’emparer de la plupart des localités qui étaient en jeu à la fin de l’année dernière. « Le premier crédit est à porter au Hamas lui-même ».

 Les oppositions internes et les perturbations au sein du Fatah ont eu pour résultat une multiplication des candidatures Fatah, entraînant une dispersion totale des suffrages.

 Le retrait unilatéral d’Israël de Gaza a été considéré par l’opinion comme une victoire du Hamas qui par sa politique de résistance armée a forcé Israël à se retirer de Gaza.

 Les appels de la communauté internationale et d’Israël (avant les élections) à boycotter les Hamas ont renforcé celui-ci dans l’opinion publique palestinienne.

 Les gouvernements précédents et le parlement sortant n’ont apporté aucune amélioration notable à l’horrible situation économique et sociale, en particulier dans les domaines de la pauvreté et du chômage.

 Le chaos et l’anarchie régnaient dans les villes palestiniennes, et l’Autorité palestinienne a démontré sa faiblesse en ne prenant aucune mesure sérieuse contre les délinquants fugitifs, qui étaient pour la plupart des militants du Fatah.

 La corruption absolue et les abus de pouvoir de la part des hauts fonctionnaires de l’Autorité palestinienne.

 Les programmes sociaux menés avec succès par le Hamas au niveau local depuis vingt ans.

 L’impasse et l’absence de tout progrès dans le processus de paix.

 La politique israélienne des punitions collectives.

 La société palestinienne est plutôt conservatrice et sympathise avec les appels des islamistes.

La victoire du Hamas a semé une grande confusion dans la région. Il se peut que quelques-uns aient prédit cette victoire, mais très peu prévoyaient son ampleur. Beaucoup doutent de la capacité du Hamas à traiter les questions complexes, à l’intérieur comme à l’extérieur, qu’il aura à affronter. Il est évident que le Hamas lui-même n’était pas préparé à sa victoire. La question à laquelle nous sommes tous confrontés aujourd’hui est : comment allons-nous réagir face à cette situation nouvelle?

Il est un fait qu’à long terme, le Hamas avait prévu une victoire aux élections législatives palestinienne. Il espérait remplacer progressivement l’Autorité palestinienne et la domination du Fatah en présentant une alternative de tendance islamique. Le Hamas aurait préféré assumer un rôle d’influence au sein du nouveau Parlement. En réalité, le Hamas aurait préféré se retrouver à la tête d’une opposition forte et jouer le rôle de contrôleur efficace de l’Autorité palestinienne. Il espérait initier un processus de changement concernant la vie quotidienne des Palestiniens par de nouvelles lois qui auraient amélioré la situation économique et sociale en Palestine. Ils pensaient aussi que le fait de travailler au sein du Parlement constituerait un levier efficace pour ouvrir le dossier de la corruption et pour amener tous les accusés devant les tribunaux, et en même temps pour faire échouer tout accord politique futur avec Israël et toute concession.

De plus, le Hamas avait une stratégie à long terme qui consistait à ne pas entrer si tôt dans une confrontation avec toutes les parties : le Fatah, Israël et la communauté internationale. Il aurait préféré gagner progressivement un consensus auprès des Palestiniens à propos de leur théocratie politique islamique et de leur politique de non-négociation, de non-acceptation de l’Etat d’Israël et de continuation de la résistance armée. Aujourd’hui, par les élections, le Hamas a gagné sa reconnaissance et sa légitimité sans avoir abandonné la résistance armée, sans reconnaître Israël et sans accepter le processus de paix.

Les réactions de l’administration américaine et de la communauté internationale montrent leur peu de compréhension à l’égard de ce qui s’est passé. Il est plus que clair qu’elles ne se sont pas demandé comment elles avaient contribué à ce qui s’est produit. Maintenant, la communauté internationale doit agir avec prudence. Toute intention des acteurs internationaux de couper l’aide à l’Autorité palestinienne serait une réaction hâtive et imprudente qui ne ferait qu’augmenter le soutien et la sympathie dont le Hamas jouit à l’intérieur.

Certaines voix laissent entendre que le Hamas sera obligé de changer et de se modérer. Cela est irréaliste compte tenu de ce que nous savons déjà des mouvements islamistes et de leur idéologie dogmatique et théocratique. Alors que la direction du Hamas a répété à plusieurs reprises qu’ils manoeuvraient sur le plan tactique, ces déclarations ont été comprises à tort comme une prise de position pragmatique. Mais le Hamas ne pense pas qu’il doive changer ; il croit que les autres doivent s’adapter au Hamas. Les résultats des élections ont accéléré les plans et la stratégie du Hamas. Certains pensent qu’on peut voir le « nouveau pragmatisme » du Hamas dans son offre qui consiste à accepter une période de trêve sous conditions, mais cette offre n’est pas nouvelle. Sheikh Ahmed Yassine avait fait la même avant son assassinat.

Il est peu probable que le Hamas, quelles que soient les circonstances, renonce à sa charte ou même la modifie. Le Hamas pense à une Palestine sainte de la Méditerranée au Jourdain. Il n’acceptera probablement jamais de faire une quelconque concession sur une quelconque partie de la Palestine historique : cela fait partie de ses croyances de fond. De plus, une Palestine théocratique islamique fait partie de la stratégie du Hamas. Le Hamas se considère comme faisant partie de la « oumma » musulmane qu’il appelle de ses voeux. Le Hamas pense que la Palestine pourrait constituer la première étape qui inspirerait d’autres pays arabes et musulmans.

Le Hamas est un mouvement rigide, fondamentaliste, radical et théocratique. S’il existe une personne sur terre capable de convaincre les musulmans de changer un seul verset du saint Coran, alors peut-être pourrait-il y avoir une chance de faire changer le Hamas. Le Hamas fait partie d’un mouvement international des musulmans qui a fait la preuve de son endurance et de sa capacité à survivre.