Pourquoi changer le statu quo, précisément maintenant? En dépit du traditionnel interdit religieux pesant sur le fait d’y prier (voire d’en fouler le sol), la droite a subitement élevé au rang de miracle la prière sur le mont du Temple et vidé de sa substance, en accélérant la construction dans les Territoires, tout accord négocié avec les Palestiniens – nous précipitant ainsi à notre perte. Mais que fait la gauche en réaction?


Rejeter sur la gauche israélienne la responsabilité de l’intifada en cours à Jérusalem et dans le reste du pays revient à accuser un passager assoupi sur la banquette arrière de l’accident provoqué par la négligence du conducteur.

L’horrible attentat survenu hier matin à Jérusalem a suscité des réflexes pavloviens de la part de la droite, qui s’est empressée de rendre la gauche israélienne coupable de «continuer à comploter un accord diplomatique» et de persister à parler de partenaire, de pourparlers et de solution à deux peuples / deux États.

Il est étonnant de voir la droite persister à se comporter comme une minorité persécutée, alors qu’elle tient d’une main ferme les rênes du pouvoir depuis 2008. On peut simplement se demander quelle serait à ce sujet l’attitude du public de droite si la gauche était aujourd’hui aux affaires, et de quelles locutions seraient “gratifiés” les dirigeants du pays. Le paradoxe de cette mise en accusation de la gauche est que les méthodes de la droite sont celles qui priment dans la gestion du conflit – pourtant, notre situation en matière de sécurité s’est dégradée, notre statut international s’est effondré comme jamais auparavant, et nos relations avec nos alliés eux-mêmes traversent une crise profonde.

L’État d’Israël a conquis la partie orientale de Jérusalem durant la guerre des Six Jours, au lendemain de laquelle il a rendu l’administration du mont du Temple au Waqf musulman. Les Juifs pouvaient à cette époque accéder à l’esplanade, mais il leur était interdit de prier sur le site. Soulignons à ce stade que les règles traditionnelles, qui sont observées par le courant dominant des religieux-nationalistes et les ‘Haredim [les “craignants-Dieu”], interdisent de prier sur le mont du Temple. De sorte que ceux qui demandent à le faire ne sont qu’une faible minorité, mais causent un dommage considérable. D’une manière ou d’une autre, rien n’explique qu’après 47 ans la droite ait décidé d’élever au rang de miracle la question de la liberté de prière sur le mont du Temple, et déchaîne sa fureur contre qui n’est pas prêt à la soutenir.

Quand la droite demande à user de ce droit – tout en ayant, soit dit en passant, continué de construire à Jérusalem-Est et en Cisjordanie – elle vide de sa substance un accord négocié avec les Palestiniens, puisqu’elle adopte de facto et unilatéralement toutes les exigences posées par Israël dans le cadre des négociations sans rien donner en échange. Qui plus est, le thème du mont du Temple, sous couvert de respect des libertés de culte et de religion – de la part même de ceux qui accablent la gauche israélienne de mépris et de sarcasmes lorsqu’elle ranime le débat démocratique, et qui maintiennent l’occupation, l’annexion de territoires, les atteintes à la liberté de circulation et à la dignité humaine – est pure hypocrisie.

Les Palestiniens désespèrent de la voie politico-diplomatique qu’ils ont tenté d’emprunter. Ils voient le Hamas, dénué de statut de gouvernant, remporter des succès dans les consciences face à Israël au moyen de la terreur; tandis que l’Autorité palestinienne n’obtient rien lorsqu’elle aide le Shin-Beth et Tsahal à combattre le terrorisme dans la zone sous son contrôle. Dans le vacuum de la direction raisonnée d’Abu Mazen – “terroriste politique” selon les termes de la droite – pénètrent des éléments fondamentalistes qui allument le feu en usant de motifs religieux. Les propos hier du directeur du Shin-Beth, selon lesquels Abu Mazen n’est pas derrière l’islamisation non plus qu’il n’encourage la terreur, ne sont pas nouveaux; cela déjà été dit par son prédécesseur, mais les leaders de la droite ne laissent pas entamer par les opinions des professionnels, fussent-ils les plus galonnés du pays, leur travail d’éreintement.

Il va de soi que ces propos n’ont pas pour but d’édulcorer les responsabilités de l’Autorité palestinienne, qui doit cesser de glorifier d’effroyables terroristes, comme ceux qui ont perpétré hier l’attentat de Har-Nof, à Jérusalem, et d’inciter à la violence au sein du système local d’éducation et de communication. En conclusion, il serait bon de mettre à l’ordre du jour la question de savoir si l’obstination de la droite à conserver tout le territoire de la grande Jérusalem, incluant Jebel Mukhaber, Shouâfat, Issaouya, est un acte sioniste. Il est vrai que deux millénaires durant les Juifs ont prié dans la direction de Jérusalem, mais on ne saurait contester que cette Jérusalem là n’est pas celle de nos prières.