«Avant de nous plaindre des incitations à la violence et de la culture du mensonge du côté des Palestiniens, nous devrions jeter un coup d’œil sous notre paillasson», écrit ici Nah’um Barnea, qui démonte ici les rodomontades à visée électoraliste du Premier ministre: de l’inflation de déclarations aux surenchères les plus folles, jusqu’à l’annonce de législations suicidaires dont lui-même espère que d’autres les bloqueront. “Après moi le déluge», version Nétanyahou? [T.A.]


Dans la tente funéraire, à Jabel Mukaber, dans la cour de la maison du meurtrier, j’ai mené une interview collective.

La conversation s’est portée sur un certain Yusuf Hassan al-Ramouni, le conducteur de la compagnie Egged trouvé mort dans son bus. L’autopsie réalisée à l’Institut de médecine légale d’Abu Kabir a confirmé que l’homme s’était donné la mort.

«Non», me dirent en chœur les hommes qui m’entouraient. «C’est impossible. Ici, les gens ne se suicident pas.»

«Qu’est-ce que vous voulez dire par les gens ne se suicident pas? ai-je demandé.»

L’un d’entre eux se porta volontaire pour me l’expliquer: «Celui qui est pris de folie va à la mosquée, dit-il. Il met la tête au sol pour prier, et toute la folie en sort.»

«Comment est-ce possible?» ai-je demandé.

«La mise à la terre», a-t-il dit. Je croyais qu’il plaisantait, mais personne n’a ri. Au contraire, ils ont tous opiné. Les gens de Jabel Mukaber connaissent bien l’électricité. Ils sont en charge de la moitié du raccordement des maisons juives de Jérusalem. Si l’un d’eux dit «mise à la terre», les circuits qui connectent une part du réseau avec la terre, il sait de quoi il parle.

Celui qui parlait inclina la tête sous sa chaise, afin de montrer comment cela marche. «Oui, dit-il, la mise à la terre. La folie entre dans la mosquée, et voilà. Plus de folie.»

Je n’ai pas discuté. Le juste est animé par sa foi: l’injuste aussi, en ce qui me concerne.

Nous touchons maintenant là à la face émergée d’un phénomène inquiétant, quasi désespéré: personne ne croit plus ce qui est dit de source officielle. Si l’on découvre un Palestinien mort, cela signifie que les Juifs l’ont tué. Le légiste juif ment parce qu’il est juif; le légiste palestinien se tait parce que c’est un collaborateur. Nous ne croyons que ce que nous voulons croire.

Il ne s’agit pas seulement de scepticisme ou de suspicion. C’est un cas de méfiance profonde, fondamentale, impossible à réfuter; c’est un cas de paranoïa collective: il n’y a jamais eu de temple sur les hauteurs de la Vieille Ville de Jérusalem, uniquement un lieu sacré de l’islam, le plus saint des sites, Al-Aqsa, dont les escrocs juifs tentent de s’emparer; la police entre dans la mosquée avec ses chaussures, non pour arrêter les lanceurs de fusées pyrotechniques et de pierres, mais pour profaner la sainteté du lieu. Ils ont changé le statu quo avec leurs chaussures.

Cette rumeur malveillante, diffusée sur les ondes de l’une des stations en langue arabe, fut à ce qu’il semble la raison de la dernière attaque à la voiture-bélier à une station de tramway de Jérusalem.

Avant de nous plaindre des incitations dans la rue palestinienne, de la culture du mensonge, de la suspicion maladive et de la superstition, nous devrions jeter un coup d’œil sous notre paillasson.

Premier point: l’incitation. Un député ultra-orthodoxe, qui suit régulièrement les chaînes radio h’aredi et consulte leurs sites, m’a dit avoir été sidéré par ce qu’il a entendu et lu après le massacre perpétré à la synagogue de Har-Nof.

Il raconte que les animateurs de diverses émissions ont encouragé les appels à tuer tous les Arabes et l’usage d’animaux jugés comme vils, tels l’âne ou le chien, pour les décrire. Le secteur H’aredi n’est évidemment pas le seul: le discours raciste fleurit sur tous les sites internet dans toute sa laideur, toute sa force.

Second point: La culture du mensonge. Deux fois par jour au moins, à l’exclusion du shabbat, le bureau du Premier ministre publie une déclaration louant l’action du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Çertaines d’entre elles souffrent de glorification mensongère, d’autres prêtent à confusion, et d’autres sont fausses.

Le Premier ministre devrait relire ses propos de dimanche dernier au début du Conseil des ministres, propos que son bureau a fait connaître au public. Il a solennellement annoncé une série de lois dont il espère lui-même qu’elles ne seront jamais adoptées. Ces propositions comprennent les châtiments collectifs contre les suspects d’incitation à la violence et leurs familles. Il s’agit de la seconde version d’un précèdent groupe de propositions, qui furent annoncées et s’évanouirent dans la nature. Cet ensemble de propositions, si jamais il était approuvé, nous expédierait aussi sec devant le Tribunal pénal international de La Haye. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Gilad Erdan, a encore à réaliser ce qui vient de lui tomber sur la tête, mais cela va venir.

La seconde déclaration concerne la loi de l’État-nation du peuple juif. Là, Nétanyahou a confondu David Ben-Gourion avec Ze’ev Jabotinsky, ajouté Théodore Herzl et son propre père à la mixture – plus il vieillit moins il connaît l’histoire – et failli à expliquer une seule chose: Qu’est-ce que cette loi va apporter à la nationalité juive, au citoyens d’Israël et même au bloc de droite? Une fois de plus, le ministre de la Propagande a battu le Premier ministre.

Il ne lui reste qu’à espérer qu’un adulte responsable, sous la forme du procureur général ou de la Cour suprême, passera derrière lui et mettra élégamment cette législation présomptueuse à la poubelle.