Baltimore Sun, 2 juin 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le 13 mars dernier, le gouvernement israélien votait la constitution d’une commission qui devait faire des propositions, dans les 90 jours, pour évacuer les colonies illégales de Cisjordanie. Le 11 juin, les 90 jours se seront écoulés. Et devinez quoi? Il n’y a aucune proposition à l’horizon.

Cette commission ministérielle ad hoc, créée pour appliquer les conclusions du rapport Sasson [(2) Sur le rapport Sasson, voir l’article d’Akiva Eldar, « Le poisson pourrit d’abord par la tête » : [ et ceux de Dror Etkes : ->http://www.lapaixmaintenant.org/article1025], [, ainsi que l’éditorial d’Haaretz, « Fini de jouer » : [->http://www.lapaixmaintenant.org/article1009] ]], a répondu aux attentes des plus cyniques, et a servi à l’enterrer.

Malheureusement, le problème des avant-postes illégaux reste entier, comme la non-application de la loi et la complicité du gouvernement qui les a rendus possibles. Au nom de la démocratie israélienne et pour préserver les perspectives de paix, Ariel Sharon doit redonner vie au rapport Sasson et commencer immédiatement à appliquer ses recommandations.

Les avant-postes sont de nouvelles colonies juives construites en territoire occupé sans approbation préalable par le gouvernement israélien. Ils servent à créer une continuité entre des colonies plus anciennes, et à créer des faits accomplis sur le terrain qui rendront plus difficile encore un accord de paix entre Israël et les Palestiniens.

D’après l’Observatoire de la colonisation de Shalom Akhshav (La Paix Maintenant), environ 120 avant-postes ont été créés, dont une centaine abrite encore quelque 1500 personnes.

Dans le cadre de la Feuille de route, Israël s’est engagé à démanteler immédiatement les avant-postes créés depuis mars 2001. Mr Sharon a promis au président Bush qu’ils seraient évacués, et lui a dit lors du sommet à Crawford, Texas, le 11 avril : « je tiendrai mes engagements envers vous, monsieur le Président, et j’évacuerai les avant-postes illégaux ».

Un certain nombre d’avant-postes, inhabités, ont été démantelés, mais la plupart de ceux qui auraient dû être évacués sont restés intacts. Mme Sasson, dans son rapport, écrit ne pas croire que les différentes agences gouvernementales lui aient fourni une information pleine et entière sur le nombre d’avant-postes concernés et ne pas pouvoir, en conséquence, se prononcer avec certitude sur leur nombre.

Pour le gouvernement israélien, le chiffre officiel des avant-postes à évacuer est de 24. Pour le gouvernement américain, il tourne autour de 80.

Le refus d’Israël de traiter le problème des avant-postes constitue davantage qu’une menace contre le processus de paix et la crédibilité d’Israël aux yeux des Etats-Unis. Il s’agit d’une menace contre la démocratie israélienne et le règne de la loi.

Mme Sasson a révélé que de nombreux avant-postes illégaux (environ une moitié de ceux construits sur des terres n’appartenant pas à l’Etat) ont été érigés avec l’aide de plusieurs ministères et institutions officielles : l’Organisation sioniste mondiale, le ministère du logement et celui de la défense en particulier.

En résumé, dit Mme Sasson, « il semble que le non-respect de la loi soit devenu institutionnel et institutionnalisé ».

Pour remédier à cette situation, Mme Sasson a dit qu’il n’était nul besoin de nouvelles lois pour évacuer et démanteler ces avant-postes. Elle recommandait que ces 15 avant-postes, construits sur des terres appartenant à des Palestiniens, soient immédiatement démantelés et les terres restituées à leurs propriétaires.

De plus, elle demandait qu’il soit mis fin aux activités du département Implantations, qu’il soit interdit au ministère du logement de planifier la création d’une colonie ou d’un quartier dans une colonie existante sans accord politique préalable, et qu’il soit interdit au ministère de la défense de relier les avant-postes aux réseaux d’eau et d’électricité.

« Le gouvernement doit prendre à son compte la responsabilité de ce qui se passe dans les avant-postes et dans les territoires en général, et ne pas laisser les colons faire ce que bon leur semble, sans personne pour les arrêter », disait Mme Sasson. « Tout cela est illégal. Il faut insister sur le fait qu’il ne s’agit pas simplement d’évacuer les avant-postes, mais de faire cesser la totalité des budgets et des transferts de fonds vers les avant-postes. Au coeur de mon rapport, il y a le respect de la loi, ce qui n’est pas un sujet politique, mais juridique, d’une extrême importance pour un Etat démocratique ».

Devant cette foison de comportements criminels, de corruption et d’abus, Mr Sharon aurait dû sauter sur l’occasion et suivre les recommandations claires du rapport Sasson pour mettre fin à ces pratiques illégales. De son côté, Mr Bush aurait dû faire pression sur le premier ministre pour qu’il respecte ses engagements et se serve du rapport Sasson pour en finir avec les avant-postes. Rien de cela ne s’est produit.

Le fait que ni l’un ni l’autre n’ait traité le problème alourdit les contentieux territoriaux en Cisjordanie, et menace l’état de droit en Israël. Le gouvernement israélien ne doit plus perdre une minute, et encore moins 90 jours, avant de prendre des mesures contre les avant-postes de l’anti-démocratie.

(1) Mark Rosenblum est membre fondateur et responsable politique d’Americans for Peace Now