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Ha’aretz, 29 mai 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Au milieu de la confusion qui caractérise les préparatifs du désengagement, il y a au moins une bonne nouvelle : les colons en passe d’être évacués n’envisagent pas de déménager en Cisjordanie.

Le marchandage avec les représentants de l’Etat ne concerne que le montant des compensations que les colons toucheront en contrepartie de leur évacuation. Le thème idéologique n’est pas abordé. Cela indique que la leçon du retrait forcé de la bande de Gaza et du nord de la Cisjordanie est en train de passer : les colons se rendent compte que vivre au-delà de la ligne Verte est un concept dépassé. Ceux qui font personnellement l’expérience de la douleur liée au désengagement n’ont aucune envie de la revivre.

Ce sentiment est encore vague. L’air est rempli de l’écran de fumée que projettent les manipulations des médias. D’un côté, les colons s’attachent à créer un tumulte médiatique destiné à améliorer leurs positions dans cette négociation. Ils ne constituent pas un parti homogène : plusieurs groupes sont actifs, chacun agissant pour un objectif différent, et alimentant les journalistes en informations en fonction de cet objectif. De l’autre côté, il y a l’Etat, qui mène sa guerre psychologique contre les colons afin de réduire au maximum le coût de l’évacuation. L’Etat n’est pas non plus une entité homogène. Dans le style de gouvernance qui caractérise Israël, il s’adresse aux colons en plusieurs langues (officielles ou non), ce qui provoque des messages contradictoires. Néanmoins, le combat autour de la définition des frontières devient de plus en plus clair, et il tourne autour de l’argent.

Cela ne signifie qu’il n’y ait pas de groupes, au sein des colons, qui persistent à croire à la possibilité de faire échouer le désengagement. Ni que ceux qui s’y opposent aient renoncé à tout plan de sabotage. Il existe encore une forte possibilité qu’ils réussissent. La présence de centaines de jeunes gens enthousiastes, dont certains sont violents, dans les zones destinées à l’évacuation, pourrait consituer une épreuve pour l’Etat qui devra montrer sa capacité à maintenir l’ordre et à faire respecter la loi, épreuve dont il n’est pas certain qu’il la franchisse avec succès. Mais, au niveau conscient, la leçon que sont en train d’apprendre les futurs évacués est importante. Ils se disent que la société israélienne ne veut pas de leur oeuvre, qu’elle ne les soutient plus. Ce qui vaut pour Gaza et le Nord de la Cisjordanie vaut pour l’avenir des autres colonies de Cisjordanie. En conséquence, il vaut mieux pour eux s’établir à l’intérieur de la ligne Verte, plutôt que de risquer d’être une nouvelle fois déracinés.

Ainsi, les familles sur le point d’être évacuées rejoignent le sentiment sous-jacent qui a déterminé l’attitude d’Israël envers les Territoires depuis 1967. Car, après tout, aucun gouvernement israélien n’a jamais annexé la Cisjordanie ni la bande de Gaza, et les autorités en charge de la planification ont toujours fait la distinction entre l’Etat à l’intérieur de la ligne Verte et les Territoires. Elles ont même toujours envisagé qu’un jour, ces territoires seraient remis à une autre entité souveraine.

Les gros projets d’infrastructures comme l’autoroute Trans-Israël et le chemin de fer se sont arrêtés à la ligne Verte. Même les colons, dans certains cas, ont préféré enterrer leurs morts dans des cimetières situés à l’intérieur de la ligne Verte, et non dans les colonies des territoires.

Il est clair que cette description ne rend pas compte de la situation dans sa totalité. L’entreprise de colonisation, qui considérait les Territoires comme faisant partie d’un complexe économique israélien unique, reflète une intention de fusionner Israël et les terriroires occupés en une entité unique. Cependant, de manière sous-jacente ou inconsciente, le comportement des gouvernements d’Israël indique qu’ils ont pas utilisé pleinement cette option.

Bilan de l’entreprise de colonisation : seuls 7.000 Israéliens vivent dans la bande de Gaza, et environ 250.000 en Cisjordanie. Ces chiffres sont sans commune mesure avec les 3,5 millions de Palestiniens des territoires. Il semble que les évacués de Goush Katif et du Nord de la Cisjordanie le comprennent mieux que quiconque.