Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Alors que les hostilités continuent, et que le compte des morts israéliens et palestiniens s’alourdit chaque jour, des hurlements de colère et de haine, naturellement, se font entendre des deux côtés. Mais d’autres voix commencent à émerger des deux côtés aussi.

En Israël, il s’agit d’un phénomène connu : la gauche se réveille, organise des manifestations, et appelle explicitement à un retrait de tous les territoires. Il y a aussi le débat public autour de ceux qui refusent de servir dans les territoires, le nombre des objecteurs étant en constante augmentation pour atteindre aujourd’hui le chiffre de 300.

Chez les Palestiniens, et dans le monde arabe en général, le phénomène est
encore plus frappant. Pour la première fois, par exemple, de hauts dirigeants de l’Autorité palestinienne parlent ouvertement de réévaluer le problème du droit au retour. Le Dr Sari Nusseibeh, dont les déclarations sur le sujet sont bien connues, aurait pu parler il y a deux ou trois ans. Il a choisi de le faire aujourd’hui, en raison de la détresse générale.

Ce n’est que lorsque le présent semble horrible, et le futur encore pire, que certains trouvent le courage de dire ce qu’ils n’auraient pas dit auparavant.

Nusseibeh, semble-t-il, n’est pas représentatif de la majorité des Palestiniens. Il est possible que la proportion de Palestiniens prêts à renoncer au droit au retour soit plus faible que celle des Israéliens prets à renoncer aux colonies et à Jerusalem Est. Mais l’appel de Nusseibeh n’a pas été un cri dans le désert. Même le « chef et symbole », le President Yasser Arafat, a dit récemment (ou, plus précisement, écrit dans le New York Times) pour la première fois, que quand il s’agira de discuter du problème du droit au retour des réfugiés palestiniens, il faudra prendre en compte les préoccupations démographiques d’Israël.

Lors d’une rencontre avec des journalistes israéliens, dans son bureau, le ministre de l’Autorité palestinienne Hassan Asfour a dit que cette déclaration était extrêmement importante, et qu’Arafat l’avait bien confirmée. L’un des porte-parole du Président a ajouté qu’à travers cette déclaration, Arafat cherchait surtout à faire du droit au retour quelque chose qu’Israël pourrait accepter, ou rejeter.

Le soutien très large dans le monde arabe, et plus particulièrement parmi les dirigeants palestiniens, à la proposition du prince héritier saoudien Abdallah, de normaliser les relations entre Israël et le monde arabe en échange d’un retrait total des territories, peut etre perçu dans la même perspective.

En dehors du Libyen Muammar Kadhafi, qui a exprimé samedi de façon véhémente son opposition à l’initiative saoudienne, la plupart des dirigeants arabes se sont prononcés en sa faveur. Et ils l’ont fait, très certainement, en
regard des événements sanglants dans les territoires et en Israël. Ce
week-end, à Jerusalem Est, un législateur palestinien a dit, hors micros, que si le prince Abdallah avait dit les mêmes choses il y a deux ou trois ans, nombreux dans le monde arabe auraient été ceux qui se seraient élevés contre lui. Aujourd’hui, la peur de la montée de la violence rend la plupart des régimes arabes plus souples et plus modérés.

Tandis que de nombreux dirigeants palestiniens chantaient les louanges du
plan Abdallah, les chefs du Hamas la condamnaient. Mais même à l’intérieur du Hamas, qui considère la totalité de la Palestine comme une terre sainte qu’aucun musulman n’a le droit de négocier, d’autres sentiments se font jour.

Récemment nommé à la tête de l’organisation en Cisjordanie, le sheikh Hassan
Youssouf, par exemple, a dit qu’il n’était pas nécessaire de soutenir ni de rejeter la proposition. Le sheikh Djamal Hamami de Jérusalem Est a déclaré être prêt à accepter Israël dans ses frontières du 4 juin 1967. Ces opinions font écho à une déclaration faite il y a quelques années par le fondateur du Hamas, le sheikh Ahmed Yassin, qui a parlé de la possibilité d’une « houdna » (trêve », ndt) dans la campagne contre Israël, si Israël évacuait les territoires occupés depuis 1967.

C’est vrai, de nombreux Palestiniens (et de nombreux Israéliens) considèrent
les concessions comme une preuve de défaitisme, et les appels à la vengeance et aux représailles sont bien plus audibles. Mais le phénomène inverse existe aussi. Au fur et à mesure que la souffrance augmentera et que le sang coulera, augmentera le nombre de ceux qui auront compris qu’il faut trouver une alternative.