Auteur : Uri Misgav, Haaretz, 10 juillet 2025
Traduction : Dory, groupe WhatsApp « Je suis Israël »
Photo : Le Premier ministre israélien à la Maison Blanche, ce mardi 8 juillet. © : Maison Blanche
J’ai honte d’être Israélien. J’en ai toujours été fier. Pas tout le temps, pas à chaque incident ou opération, et certainement pas de l’occupation ou de la colonisation. Mais j’ai toujours cru à la justesse de l’existence d’Israël, aux miracles qu’il a accomplis au cours des trente premières années de sa création.
J’ai cru aux accords de paix avec l’Égypte et la Jordanie, aux démarches diplomatiques entreprises avec les Palestiniens, malgré leurs failles et leurs difficultés. J’ai cru à l’immense pouvoir des forces du bien du pays et à leur capacité à provoquer le changement et à œuvrer pour un avenir meilleur. Je regarde mon pays, 21 mois après la débâcle du 7 octobre, infligée par les intérêts convergents du Hamas, du Qatar et du Premier ministre Benjamin Netanyahou, et j’éprouve de la honte.
J’ai suivi la visite ridicule de Netanyahou à Washington et je perds la raison, de fureur et de honte. À Gaza, des soldats sont tués et blessés tandis que les otages pourrissent. Et alors que leurs familles sont accablées de peur et de chagrin, Netanyahou célèbre à Washington, Sara se fraie un chemin jusqu’au-devant de la scène dans son costume de grenouille étincelant, et leur fils vole avec eux à bord de l’avion officiel d’Israël – les « Ailes de Sion ». Cette fois, il a même participé à la réunion officielle à Blair House, comme s’ils étaient la famille royale ou les dirigeants d’une principauté pétrolière.
Le Premier ministre glorifie le président américain comme si nous étions devenus un État vassal des États-Unis, lui remettant cérémonieusement une lettre le recommandant pour le prix Nobel de la paix. Quelle paix a-t-il l’audace de proclamer en notre nom ? La paix à Gaza ? Les attaques en Iran et le flou total autour de la question de savoir si elles ont retardé le programme nucléaire iranien ou, au contraire, provoqué son accélération ? Lors du scandale du Watergate, nous avions la « Gorge profonde ». Nous avons apporté la « Langue profonde » à Washington.
Le lendemain, il a été photographié portant une casquette de baseball offerte par le président américain, sur laquelle était écrit : « Trump avait raison sur toute la ligne !» Le président l’a même signée. Le Premier ministre israélien se comportait comme une pom-pom girl de lycée. Il s’agissait d’un abandon flagrant de la doctrine israélienne traditionnelle qui prônait l’absence de soutien à un parti politique aux États-Unis et la collaboration avec les deux. Netanyahou a tenu des réunions ici et là, et répété sans cesse son engagement profond à rendre les otages tout en s’efforçant de conclure un accord prévoyant une sélection parmi les otages et un cessez-le-feu temporaire, le tout afin de préserver la coalition en poursuivant la guerre.
Mercredi soir, Netanyahou a officiellement invité, au nom de l’État, un dîner solennel, auquel participaient des responsables de l’administration, des lobbyistes, des dirigeants juifs et des évangélistes chrétiens. L’invitation précisait que les hôtes seraient le Premier ministre et la « Première dame » d’Israël, Sara Netanyahou. J’ai envie de vomir.
J’ai honte du massacre quotidien perpétré par l’armée de l’air et les batteries d’artillerie israéliennes dans la bande de Gaza. J’ai honte qu’en mon nom, ils bombardent des camps de tentes, des hôpitaux et des cafés. J’ai honte des nombreux bulldozers qui détruisent des maisons, manœuvrés par des civils qui travaillent pour le ministère de la Défense, rasent Gaza selon un tarif fixe par bâtiment démoli.
J’ai honte des discussions sur le transfert et du plan officiel présenté par le ministre de la Défense Israël Katz, qui appelle à l’incarcération de toute la population de Gaza dans une « ville humanitaire » (Orwell!) sur les ruines de Rafah. Je ne comprends pas vraiment la différence entre ce plan et le Gouvernement général – la zone polonaise que les Allemands ont attribuée aux Juifs en 1939. Ce n’est pas le pays que mes grands-parents ont fondé à leur arrivée d’Europe.
J’ai honte que la famille Netanyahou soit toujours au pouvoir, détruisant tout ce qui était bon ici au lieu de s’envoler après le 7 octobre. J’ai honte de voir leurs complices, leurs collaborateurs et la population éviter de regarder la réalité en face, en politique, dans la fonction publique et dans les médias. J’ai honte de voir le chef du Mossad, David Barnea, aider Netanyahou à éviter de témoigner à son procès, alors qu’ils se font mutuellement des courbettes sur l’Iran. J’ai honte (et j’ai peur) qu’ils soient sur le point de nommer David Zini à la tête du service de sécurité du Shin Bet, et j’ai honte que la police israélienne au service de Netanyahou ait convoqué mon ami, le courageux journaliste Aviad Glickman, pour un interrogatoire infondé.
Mais je n’ai pas l’intention de mourir de honte, seulement de me battre. Jusqu’à ce que la fierté soit restaurée. Et notre pays aussi.