Les récentes annonces de nouvelles constructions en Cisjordanie, et notamment à Jérusalem-Est, alors que regards et attention se portent sur Washington, sont une atteinte cruciale à une solution à deux États.

Alors que D. Trump semblerait commencer à faire preuve de pragmatisme et à envisager de reconnaître (enfin) sa défaite électorale (nous y reviendrons lors du zoom que nous organisons conjointement avec JCall le 23 novembre), B. Netanyahu, quant à lui, renonce au pragmatisme dont il avait fait preuve antérieurement en esquivant le piège que Trump lui avait tendu lors de l’annonce – le 23 octobre – de la normalisation des relations entre le Soudan et Israël. On se souvient qu’il lui avait enjoint de se distancier de « Joe l’endormi » (« Pensez-vous que Joe l’Endormi aurait pu conclure cet accord?« ) et que Netanyahu avait adroitement contourné l’obstacle en répliquant « Monsieur le président, je peux vous dire que nous apprécions l’aide de tous les Américains« .

Ce qui pouvait laisser augurer d’une volonté de préserver l’avenir et de ménager son « ami » Joe Biden s’est évanoui avec les récentes annonces de constructions dans les territoires occupés. Fort de son intime conviction idéologique, affaibli politiquement et donc confronté à la nécessité de mobiliser son électorat en cas de nouvelles élections auxquelles il n’a pas renoncé, Netanyahu accélère un processus déjà ancien d’annexion de facto rendant à terme inutile une annexion de jure.

Le gouvernement israélien semble avoir opté pour une course en avant plutôt que pour la retenue et, durant les deux mois à venir qui précèdent le changement de l’administration présidentielle américaine, il entend profiter de ce laps de temps pour faire avancer des projets dont il pense qu’ils se heurteront à l’opposition de la nouvelle administration. En raison de la nature sensible du site, l’ouverture ce matin-même de l’appel d’offres pour Givat Hamatos est l’un des premiers tests concernant les constructions qu’il entend promouvoir. Celle de 1257 unités d’habitation qui y sont prévues entravera sérieusement la perspective d’une solution à deux États car elle bloquera à terme la possibilité d’une contiguïté territoriale entre Jérusalem-Est et Bethléem – la principale zone métropolitaine palestinienne – et empêchera le quartier palestinien Beit Safafa de se connecter à un éventuel futur État palestinien.

Il y a quelques jours, la municipalité de Jérusalem a approuvé la construction de 108 unités de logement dans le quartier orthodoxe de Ramat Shlomo. Ces décisions sont d’autant plus arrogantes à l’égard de Joe Biden qu’en mars 2010, il avait été particulièrement irrité, à la veille de sa visite officielle en tant que vice-président, par l’annonce du ministère de l’Intérieur israélien de la construction de 1 600 logements. Il n’avait pas mâché ses mots : « Je condamne la décision du gouvernement israélien de faire avancer ses plans pour de nouveaux logements à Jérusalem-Est », avait-il affirmé dans une déclaration écrite publiée à Jérusalem. « Cette annonce, avec sa teneur et son calendrier, particulièrement avec le lancement des prochains pourparlers (avec les Palestiniens), est précisément le genre de mesure qui sape la confiance nécessaire à présent et va à l’encontre des discussions constructives que j’ai eues en Israël ». Pour la petite histoire, Joe Biden et son épouse étaient arrivés avec une heure et demie de retard au dîner offert en leur honneur par Netanyahu.

C’est sans doute dans ce même état d’esprit que se déroulera l’imminente visite de Mike Pompéo qui devrait être le premier secrétaire d’État américain à visiter une colonie en Cisjordanie. Il est prévu qu’il se rende à Psagot, au nord de Jérusalem. Au plan symbolique, cette visite ne passera pas inaperçue de la diplomatie française qui ne l’appréciera guère. En effet, en novembre 2016, une décision française enjoignait à ce vignoble de ne plus qualifier ses produits comme venant d’Israël mais bien des colonies. En novembre 2019, la Cour européenne a validé la décision française. Comble de l’ironie, l’un des vins de ce vignoble porte désormais le nom Mike Pompéo suite à la déclaration de ce dernier, il y a un an, que les colonies israéliennes n’étaient pas contraires au droit international, en rupture avec la position traditionnelle du département d’État datant de 1978 selon laquelle les implantations civiles dans les territoires étaient « incompatibles avec le droit international ».

Cette course en avant du gouvernement Netanyahu-Ganz répond également, comme nous l’avons déjà mentionné, à des considérations de basse politique politicienne afin de récupérer un électorat en partie déçu par Netanyahu et qui lorgnerait de plus en plus vers « Yamina » et son chef, N. Bennett. Des décisions qui mettent en jeu les relations internationales d’Israël, avec les États-Unis, ses relations avec les Palestiniens et la Jordanie, ses voisins immédiats, avec l’Europe, décisions qui ont donc des répercussions importantes en matière de sécurité nationale, sont prises à la va-vite, sans concertation avec l’establishment sécuritaire du pays, pour des raisons de survie politique et d’immunité juridique.

Dans ce contexte, la déclaration de Shalom Akhshav ne surprendra pas ceux qui, comme nous, restent attachés à Israël en tant qu’État juif et démocratique en paix avec ses voisins proches et lointains : « …Ce gouvernement Netanyahu-Gantz a été mis en place pour combattre le coronavirus, mais il profite des dernières semaines de l’administration Trump pour établir sur le terrain des faits qui seront extrêmement difficiles à défaire pour parvenir à la paix. Cet appel d’offres peut encore être arrêté. Nous espérons que les membres de ce gouvernement qui ont encore un certain sens des responsabilités pour notre avenir feront ce qu’ils peuvent pour annuler l’appel avant que les offres d’achat ne soient soumises... ».

 

Mis en ligne le 16 novembre 2020