Trad. : Tal Aronzon pour La Paix Maintenant


La semaine meme ou le chef d’etat-major Shaul Mofaz reconnaissait devant
les membres de la Commission des Affaires etrangeres et de la Defense
l’echec de l’operation Rempart, Tsahal entrait dans les villes de Cisjordanie, entreprenant l’operation Voie de la Fermete. Les circonstances et l’etat d’esprit etaient les memes : apres une vague de cruelles attaques terroristes palestiniennes, le consensus etait qu’Israel n’avait d’autre choix pour enrayer la terreur qu’un extraordinaire deploiement de force. L’armee presenta un plan
d’operations et les politiques l’enterinerent a la quasi unanimite. Les soldats, y compris les reservistes rappeles en urgence, s’identifiaient sans reticence a leur mission.

C’est ainsi que l’Etat d’Israel et son armee se retrouverent, pour la seconde fois en trois mois, aux commandes dans la Zone A (sous controle palestinien total selon les accords d’Oslo), engageant pour localiser et detruire les foyers de terreur palestiniens des efforts aussi perilleux que couteux. Mais, a la difference de l’operation Rempart, ce pas extreme est franchi en l’absence de tout debat public sur ses implications. Tsahal reoccupe la Cisjordanie dans l’intention apparente
d’y rester pour une longue periode indeterminee ˆ et le pays regarde faire sans broncher.

A en juger par le precedent de l’operation Rempart, les evenements suivants sont susceptibles de se produire dans les jours a venir : d’autres civils palestiniens seront tues par erreur ; les pressions internationales vont s’accelerer, reclamant la fin du siege des populations palestiniennes ; dans une certaine mesure, le gouvernement se laissera influencer par ces pressions, ensuite de quoi l’armee
clamera qu’on ne la laisse pas finir son boulot ; des evolutions au sein de l’Autorite palestinienne ou sur la scene internationale conduiront Israel a renoncer a certains des objectifs qu’il s’etait fixes au debut des operations ; les actions terroristes reprendront et quelque temps plus tard le chef d’etat-major Shaul Mofaz (ou son successeur) concedera que l’operation n’a pas repondu aux espoirs places en elle.

Reste une autre possibilite, bien sur. Israel ne sera pas soumis a de
reelles pressions le poussant a faire avorter l’entreprise ; les lecons
de l’operation Rempart ayant porte leurs fruits, l’armee ne commettra
aucune faute assez marquee pour saboter les plans et objectifs originels
de la Voix de la Fermete ; une nouveau contexte international (dont la
position americaine envers Arafat) permettra au gouvernement Sharon de
mener son plan pleinement a terme ; les attentats-suicide palestiniens
ne reprendront pas, grace a la presence militaire israelienne imposee
aux villes de Cisjordanie et aux camps de refugies qui les entourent.

Nous devrions soigneusement peser le sens et les implications de cette
version optimiste du scenario. L’une des possibilites serait que l’incapacite de Tsahal a eradiquer la menace d’attentats palestiniens meurtriers n’apparaisse au grand jour ; l’autre, qu’il ne devienne clair qu’une puissante demonstration de force militaire (l’armee reguliere et une mobilisation partielle de reservistes) peut ramener le calme en Israel – mais que le seul moyen de le preserver est un deploiement massif et a duree illimitee de troupes en Cisjordanie. En d’autres
termes, il se pourrait bien que seule la reoccupation des territoires sous autorite palestinienne et l’imposition de la loi militaire dans toute sa rigueur (couvre-feu et blocus, fouilles violentes et incessantes) puissent garantir le bien-etre des citoyens israeliens.

Au bout d’une semaine de cette nouvelle operation, les rapports font etat de plus de 2000 personnes arretees a fins d’interrogatoires, et d’un Shin Bet [acronyme
allant jusqu’aux limites de ses attributions en tentant d’obtenir de ces detenus des informations cruciales. Ce n’est que la face emergee de l’iceberg : le nombre de Palestiniens engages dans des actions violentes contre Israel, ou en possession d’informations utiles, est tres tres large. Les terroristes palestiniens ne pourraient frapper sans un vaste soutien populaire, qui leur donne asile et aide logistique.

Israel est pris au piege, et ce ne sont pas des actions militaires qui pourraient l’en liberer. Accepter l’idee d’un abominable terrorisme ou celle d’une conquete qui nous corrompt, telle est l’alternative offerte par le gouvernement actuel. Au sein de l’establishment politique, nul n’envisage une autre voie – nous separer de la Cisjordonie et de la bande de Gaza.

* Entre les multiples sens du mot, le nom adopte pour cette operation privilegie sans doute celui de « voie », opposant implicitement celle de la fermete ou de la determination a celle de la negociation Uzi Benziman retient lui dans son titre l’idee de deplacement (« en route vers », par exemple) pour mieux glisser de la resolution sans faille a la position defensive [NdT]