[->http://www.miftah.org], le 24 septembre 2004 – Traduction Kol Shalom


Ces quatre dernières années de la confrontation israélo-palestinienne, la
plus violente et la plus sanglante depuis qu’Israël occupe les territoires
palestiniens, prouvent que plus l’occupation continue, plus s’accroissent
les souffrances des deux peuples.

Ce n’est pas une coïncidence si les confrontations ont commencé après que
les négociations eurent échoué. En dépit de quatre ans de mort et de
souffrance, et en dépit des aspects compliqués historiques et religieux de
ce conflit et leur impact régional et international, une solution
politique est tout de même possible. Et cette solution demeure deux Etats
pour deux peuples. Cette solution est acceptée par la majorité des
Palestiniens et des Israéliens, et est soutenue par la communauté
internationale et compatible avec le droit international.

Si aucun accord de paix n’a été concrétisé lors de Camp David en 2000, les
Palestiniens et les Israéliens reprirent les négociations peu après Taba
et parvinrent à être très proches de la finalisation d’un accord. Mais des
facteurs de politique interne à Israël, en particulier la décision du
premier ministre de l’époque Ehud Barak d’organiser des élections
anticipées et le refus ultérieur du premier ministre Sharon de négocier,
ont empêché de conclure sur la base de ce qui avait été mis au point à
Taba.

La nécessité d’une solution de deux Etats comme base de n’importe quel
accord est clairement compris par une majorité de Palestiniens et
d’Israéliens. La question est de savoir si les dirigeants palestiniens et
israéliens peuvent franchir les écarts entre les deux parties sur les
aspects les plus délicats. Franchir les écarts nécessite d’abord une
volonté d’y parvenir, ce qui manque totalement au gouvernement actuel de
droite en Israël – dont les leaders se sont opposés au processus de paix
d’Oslo – manque totalement.

Le gouvernement israélien actuel refuse de négocier un accord final menant
à l’établissement d’une Palestine viable à côté d’Israël. La droite
israélienne ne négocie pas : elle impose sa volonté. La meilleure preuve
en est l’insistance de Sharon de se retirer unilatéralement de Gaza sans
la moindre coordination ou négociation avec les Palestiniens, tout en
continuant la construction du mur d’apartheid en Cisjordanie, en étendant
illégalement les colonies israéliennes au sein des territoires
palestiniens et achevant la clôture de Jérusalem Est sous le prétexte de
ne pas avoir de partenaire palestinien pour la paix.

Le refrain du « pas de partenaire palestinien » est utilisé pour justifier
des politiques qui prolongent le conflit, et ne le résolvent pas. La
logique veut que tout partenariat réussi demande une base solide et un
objectif commun. Un partenariat basé sur l’inégalité, dans lequel
l’objectif de l’une des parties est de continuer son occupation de la
terre de l’autre partie, est voué à l’échec.

Il n’y aura jamais de partenaire palestinien prêt à accepter un accord qui
propose moins que les droits nationaux complets au peuple palestinien.
Sharon n’a pas encore accepté ce fait, et cherche à la place, à travers
des pressions militaires, de changer les dirigeants palestiniens
démocratiquement élus, ou leurs positions politiques. Ceci, bien entendu,
a lieu avec l’assentiment de l’administration américaine.

Cette stratégie de coercition politique, diplomatique et même militaire,
qui vise à changer les dirigeants palestiniens ou à infliger tant de
souffrances au peuple palestinien que leur désespoir soit attribué à leurs
propres dirigeants, n’apportera pas de changement au sein de la direction.
Elle met plutôt en danger l’existence même de n’importe quelle autorité
palestinienne quelle qu’elle soit.

La stratégie d’Israël pourrait en réalité mener à la chute des structures
gouvernementales palestiniennes formées après l’accord d’Oslo. Cela
pourrait bien faire partie du plan de Sharon, mais certainement aucune
institution n’émergerait ensuite qui serait prête à accepter moins que ce
que l’autorité palestinienne actuelle a accepté comme pouvant faire partie
d’un accord mettant fin au conflit. La stratégie d’Israël est une recette
pour un conflit perpétuel.

Avant que l’une des parties conclue hâtivement qu’il n’y a pas de
partenaire pour la paix, les deux parties devraient comprendre la base et
le but du partenariat. Pour les Palestiniens, le but du partenariat est de
faire cesser l’occupation des territoires occupés depuis 1967 (y inclus
Jérusalem Est), d’établir un Etat palestinien souverain à côté d’Israël,
et d’atteindre une résolution juste et acceptée sur la situation des
réfugiés en accord avec le droit international, l’initiative de paix arabe
et les positions de l’Organisation de Libération de la Palestine.

Ces objectifs sont en accord avec les propositions de paix que nous avons,
moi et d’autres élus palestiniens, développé avec un groupe d’Israéliens
de premier plan lors de l’Initiative de Genève. Cette initiative
représente les possibilités d’un partenariat basé sur l’égalité et la
justice. La seule chose qui fait défaut est le manque de volonté politique
de le faire évoluer d’une initiative à un accord.

Une telle volonté politique, cependant, n’émergera pas spontanément. Cela
demande que les Etats-Unis changent fondamentalement leurs objectifs, de
la gestion du conflit à la résolution du conflit. Dans d’autres crises
internationales – l’occupation par l’Iraq du Koweït, l’épuration ethnique
en Bosnie et au Kosovo et l’apartheid en Afrique du Sud – la communauté
internationale a démontré une claire résolution et un engagement envers la
règle de la loi et de la justice. Amener la paix dans la région et mettre
fin à l’occupation israélienne demandera de la même manière un engagement
international. Sans lui, le conflit continuera à faire rage. Attendre des
évolutions dans les sociétés israéliennes et palestiniennes pour amener la
paix est une stratégie perdante.

Beaucoup ont mis leurs espoirs de paix dans une réforme en Palestine. La
manière correcte d’atteindre une réforme fondamentale est d’organiser des
élections législatives, présidentielle et municipales, ainsi que des
élections libres au sein de tous les partis politiques, en commençant par
le mien, le Fatah, le principal parti politique palestinien. Une vraie
réforme doit aller au-delà du gouvernement et s’étendre à la société
civile également. Les élections dans les syndicats, par exemple,
permettraient aux syndicats de jouer le rôle auquel ils ont droit dans la
construction de la démocratie. Mais il est impossible de mener des
élections libres tant que les barrages israéliens restreignent le
mouvement des électeurs et des candidats tant que l’armée refuse de se
retirer des villes palestiniennes.

Le 13 septembre, Israël a fermé les bureaux d’inscription aux élections
dans la Jérusalem Est occupée afin d’essayer de bloquer les élections.
Ceci prouve qu’Israël n’a pas envie de l’élection palestinienne ou du
genre de réforme qui pourrait en sortir. Dès lors, c’est à la communauté
internationale d’aider à créer les conditions permettant le déroulement
des élections.

L’organisation des élections palestiniennes dans une atmosphère paisible –
où il y aurait un partenariat actif afin d’arriver à un arrangement et
l’espoir au sein du peuple palestinien qu’ils pourront se débarrasser de
l’occupation – renforcerait ceux qui croient dans un accord politique
équilibré, la démocratie et la réforme. Mais si les élections ont lieu
alors que les soldats de l’occupation parcourent les rues, la plupart des
Palestiniens n’iront pas voter. Les groupes islamistes auraient une plus
grande chance de succès électoral dans ces conditions, puisqu’ils
s’appuient sur l’état de pauvreté, de désespoir et de frustration
résultant de la répression continuelle d’Israël. La plupart des
Palestiniens sont plus libéraux et soutiendrait un accord politique
équilibré et la création d’un système politique démocratique. Mais la
situation rend silencieuse cette majorité, la tenant éloignée des
politiques internes palestiniennes.

La nouvelle génération de Palestine – la génération qui a grandi en
connaissant uniquement l’occupation, qui a supporté les arrestations
israéliennes et la torture, et a vécu l’occupation sous ses formes les
plus brutales – cherche non seulement sa liberté, mais aussi un Etat
palestinien démocratique basé sur la séparation des pouvoirs, la règle de
la loi, le pluralisme, la protection des droits de la femme et le
développement d’une culture politique qui placerait la Palestine au sein
des démocraties du monde. Cette génération veut un Etat qui rejette la
violence, cherche la coexistence, qui ne soit membre d’aucune alliance
militaire et ne permette pas que son territoire soit utilisé pour mener
des attaques contre ses voisins. Cette génération demande un Etat qui vive
dans la paix et la sécurité avec l’Etat d’Israël et le peuple juif, dont
nous comprenons les souffrances historiques. Mais il est temps que ces
victimes sentent et acceptent la souffrance de leurs victimes
palestiniennes.

Les visions et croyances que j’ai mentionné ci-dessus représentent la
position et les idéaux de la nouvelle génération des Palestiniens – une
génération dont les valeurs sont le mieux reflétées par mon ami et
collègue, Marwan Barghouti, qui est pour l’instant détenu dans une prison
israélienne.