Le gouvernement israélien lui même a pris conscience qu’il convenait de s’attaquer au développement économique et à l’éducation dans le secteur arabe, seuls à même d’empêcher la population arabe de céder aux sirènes et aux subsides des intégristes et de se rapprocher de l’égalité avec la population juive. Dans cette perspective, un plan quinquennal (2016-2020) a été adopté fin 2015 pour combler le retard économique de la population arabe en Israël et promouvoir son développement.Un bilan a été réalisé il y a  peu,  deux ans après son lancement. Blandine Le Roy  nous en livre un résumé en français.

 


Par le Dr Meir Elran, le prof. Eran Yashiv, Muhammed Abu Narsa (Institute for National Securities Studies, Université de Tel-Aviv) ; Morsi Abu Moch, maire de Baqa al-Gharbiyye.
 
Extraits traduits et synthèse établie par Ilan Rozenkier pour LPM
Photo : La sortie des classes dans une ville arabe en Israël, publiée par le timesofisrael.com
 
INSS, insight n° 995, 23 novembre 2017
 
 
http://www.inss.org.il/publication/two-years-five-year-plan-economic-development-arabs-israel/?offset=4&posts=1903
 
 

La synthèse de Blandine Le Roy

 
Les auteurs font le point sur le plan quinquennal adopté par le gouvernement israélien en 2016 pour le développement économique de la population arabe en Israël.
« Sur le terrain, il y a des progrès notables dans les domaines essentiels bien qu’il soit encore trop tôt pour distinguer les tendances réelles de l’économie (…) L’objectif de ce plan est d’intégrer les Arabes dans le tissu social et économique israélien, ce qui ne peut être atteint si on ne cesse pas les actions visant à les en exclure. »
Le budget de ce plan quinquennal (2016-2020) est de 15 milliards de NIS et couvre une quinzaine de domaines de développement. Sa mise en œuvre se fait en coopération entre le gouvernement et les dirigeants arabes.
En 2016, première année de cette mise en œuvre, les auteurs font le point de l’avancement du programme après avoir  précisé les sommes allouées : plus de 3 milliards de NIS en 2016 et 2 milliards de NIS supplémentaires en 2017.
Ils relèvent six séries de points positifs :
1. L’autonomisation des autorités locales arabes et le renforcement de ces localités dans le but d’assumer la mise en œuvre du programme. 16 autorités arabes ont bénéficié  de 25 millions de NIS supplémentaires pour accélérer le développement des compétences en planification et en gestion. Après avoir soumis leur plan au ministère de l’Intérieur, les autorités locales attendent son approbation ; certaines d’entre elles se plaignent de la lenteur des autorisations budgétaires, de leur indépendance limitée et du manque de souplesse dont elles disposent pour réaliser leur plan.
2. Le logement : 700 millions de NIS, soit une grande partie du budget, sont destinés à la construction privée et publique et aux espaces verts. Selon les prévisions, 4 000 nouveaux logements pourraient être commercialisés en 2017 et des dizaines de nouvelles institutions devraient être construites d’ici mi-2018.
3. Les transports et l’accessibilité : en raison des déficiences des infrastructures dans ce domaine, 1 milliard de NIS a été investi dans ce projet afin d’encourager l’emploi éloigné des lieux de résidence et d’améliorer l’accès aux transports publics dans les villes arabes et le long des principales routes nationales.
4. L’emploi : 21 centres d’orientation professionnelle ont été créés et 10 000 personnes  y ont déjà été formées dont 60% de femmes. 114 millions de NIS ont été investis dans la construction de garderies d’enfants. Des aides supplémentaires ont été accordées pour développer les zones d’emploi locales, pour subventionner les employeurs qui embauchent des travailleurs arabes, pour développer les exportations.
5. L’éducation : l’investissement est dirigé vers la construction d’écoles et vers une amélioration de la qualité de l’enseignement ; vers la promotion de l’enseignement informel et de l’enseignement supérieur.
6. Le renforcement  de la sécurité personnelle : face aux graves problèmes de violences, 100 policiers musulmans ont été recrutés et 200 millions de NIS ont été alloués pour créer au cours des deux premières années dix postes de police dans les villes arabes.                 

Ce programme rencontre des obstacles et des contraintes que pointent les auteurs :
– L’enchevêtrement de la bureaucratie gouvernementale retarde certains programmes, ce qui a un impact négatif sur la confiance des maires arabes. Un comité interministériel de pilotage a été nommé et s’est réuni quatre fois pour accélérer les processus.
La division en sous-secteurs : un certains nombre de programmes séparés et parallèles ont été élaborés (ex : Bédouins du sud, Bédouins du  nord, Druzes) et gérés par le ministère ou d’autres organisations, ce qui entraîne des complications bureaucratiques et des malentendus.
Des obstacles administratifs au sein des autorités locales arabes : la déficience organisationnelle, due à un manque de formation et parfois à la culture tribale, est l’obstacle le plus difficile. Des coordinateurs pour le développement économique seront nommés l’année prochaine.

Les auteur constatent que « la meilleure preuve de progrès dans la mise en œuvre du plan quinquennal est le silence retentissant sur ce sujet important de la part des dirigeants arabes d’Israël. […] Malgré les obstacles, le programme semble aller dans le bon sens, en partie grâce au soutien et à l’engagement des échelons gouvernementaux professionnels sous la direction énergique et ciblée du ministère des Finances et du ministère de l’Égalité sociale. Sur le terrain, il y a des progrès notables ».
Les auteurs n’hésitent pas à émettre plusieurs recommandations, notamment de ne pas tarder à planifier la deuxième phase du plan quinquennal en fonction des leçons déjà tirées de la mise en œuvre initiale.

Et les auteurs de conclure : « Enfin, la réalisation de l’objectif consistant à intégrer les Arabes dans le tissu social et économique d’Israël ne saurait 
aboutir sans en finir avec les actions visant à leur exclusion. L’allocation des budgets, si importante soit-elle, ne sera pas suffisante, à moins qu’elle ne s’accompagne d’une approche et d’une politique gouvernementale plus inclusives. »

Les Auteurs

. Co-directeur des recherches de l’Inss portant sur la société et l’armée, Meir Elran y est à la tête du programme sur la sécurité nationale. Général de brigade en retraite, après 24 ans de carrière à des échelons supérieurs (en particulier à l’état-major du renseignement militaire), il a joué à ce titre un rôle actif dans les négociations de paix avec l’Égypte et participé aux pourparlers avec la Jordanie. 
Lors de sa retraite, en 1989, il a été nommé directeur des ressources humaines à la mairie de Tel-Aviv ; puis consultant aux ministères de la Défense, de l’Éducation, de l’Intérieur et au Conseil de sécurité nationale — en matière de planification stratégique, de gestion des catastrophes et de résilience de la société face à une terreur continue.
 
Domaines de recherche : Les relations entre civils et militaires ; La lutte de la société civile ; Le renseignement ; L’opinion publique ; La résilience de la société.
 
. Chercheur attaché au Center for Economic Policy Research ces dix dernières des années, le professeur Eran Yashiv, macro-économiste éminent, est membre de la Eitan Berglas School of Economics de l’université de Tel-Aviv. Il s’est joint en 2014 à l’Inss, où il lancé un nouveau programme de recherches sur les interactions entre économie et sécurité nationale.
 
Domaines de recherche : Ses études couvrent un éventail de sujets, y compris l’investigation et l’adaptation au marché du travail ; les questions d’immigration ; les marchés financiers ; les taux de change monétaires. 
 
 
 
 
 
 
. Muhammed Abu Narsa, chercheur associé à l’Inss et diplômé de l’université Ben-Gourion en science du comportement et en organisation sociale, prépare un doctorat au département de sociologie et anthropologie de l’université hébraïque de Jérusalem. Ses recherches sont centrées sur l’entreprenariat technologique dans le secteur arabe en Israël, sujets sur lesquels il a publié plusieurs articles scientifiques.
 
 
. Maire de Baqa al-Gharbiyye, Morsi Abu Moch est avocat de profession. Soucieux de doter la société arabe israélienne de jeunes cadres performants, il a accueilli dans sa ville d’octobre 2014 à juin 2016 le programme Mandel de formation, soit 450 heures de cours réparties en sessions hebdomadaires d’une journée complète. Il s’agissait de créer un groupe de dirigeants locaux attachés aux valeurs universelles, auxquels leurs qualifications professionnelles et leur talent permettraient de faire progresser leur communauté dans les institutions locales ; le système éducatif ; la société civile.