(ici l’article original en anglais sur le site dHa’aretz)


Alors que les Israeliens se preparent a commemorer le cas le plus extreme de
meurtre d’un Juif par un autre Juif, l’assassinat du Premier ministre Ytzhak
Rabin par un Israelien d’extreme-droite, le militantisme des colons et des
ultras occupe le devant de la scene. Les colons et l’extreme-droite
encouragent les soldats a refuser d’obeir aux ordres de demantelement de
colonies illegales, et declarent que les colonies de Cisjordanie et de Gaza
constituent un phenomene irreversible.

La rage des colons a explose en differents fronts ce mercredi, attisee par
la campagne tres mediatisee du ministre de la Defense, Benjamin Ben-Eliezer,
qui a decide de s’attaquer a l’un des terrains les plus glissants de la
politique israelienne : les colonies isolees edifiees sans autorisation du
gouvernement sur de lointaines collines et plaines de Cisjordanie.

Les colons militants, pour qui les pressions de la Maison Blanche sur Israel
constituent l’injure supreme, ont bien percu que le demantelement de ces
colonies coincidait avec la visite d’Ariel Sharon a Washington. Depuis
longtemps, Washington considere que le demantelement d’avant-postes illegaux
comme un geste susceptible de contribuer a calmer le conflit
israelo-palestinien.

Barrant la route vers un avantt-poste destine a etre evacue par l’armee, des
militants s’en sont pris a coups de pierres et de matraques a une equipe de
television de la premiere chaine israelienne. (…)

Ailleurs en Cisjordanie, un colon a tire en l’air lors d’une dispute avec
des Palestiniens locaux a propos d’une recolte d’olives.

Aucune blessure grave n’a ete rapportee au cours des incidents qui ont
emaille ce mercredi, mais ceux-ci indiquent une montee de la tension chez
les colons radicaux, une petite minorite qui, par le passe, s’est manifestee
et a produit des effets assez catastrophiques, par exemple dans le cas du Dr
Baruch Goldstein, qui a failli conduire a une guerre entre Palestiniens et
Israeliens, quand en 1994, il tua a la mitraillette 29 musulmans en train de
prier dans le caveau des Patriarches, a Hebron.

Bien que la plupart des colonies isolees ne comprennent pas grand-chose de
plus que quelques caravanes, un reservoir et des appentis, leur
signification va bien plus loin, a la fois en tant que barometre de la
politique du gouvernement en matiere de colonisation, et en tant que
« chiffon rouge » aux yeux du monde arabe et des critiques d’Israel a
l’etranger.

Washington surveille serieusement cette activite de colonisation,
considerant l’appropriation de terres par les colons comme le principal
obstacle a tout progres diplomatique entre les parties.

Alors que Ben-Eliezer declare vouloir « conduire le demantelement jusqu’au
bout » en evacuant jusqu’a 30 avant-postes, une coalition ad hoc constituee
de rabbins de Yesha (Cisjordanie et Gaza), a publie cette semaine un appel
formule avec une grande prudence, qui declare que « des freres ne doivent pas
evacuer des freres ».

Le message a ete largement interprete comme un appel aux soldats a refuser
d’obeir aux ordres de demantelement des avant-postes.

Les rabbins ont nie le fait qu’ils creaient, de fait, une nouvelle forme de
« refuzniks », en miroir de ceux qui refusent d’effectuer leur service dans
les territoires.

Mais les rabbins n’en ont pas moins ajoute qu’ils rejetaient totalement
« l’usage ouvertement et cyniquement politique de l’armee pour ses propres
objectifs » dans ce qu’ils voient comme une tentative de gagner des points au
sein du Parti travailliste de centre gauche dont il est le president.

Mercredi, l’air de la confrontation laissait sa place a un prudent sentiment
de victoire chez les leaders des colons, qui disaient avoir obtenu l’accord
de Ben-Eliezer pour un compromis sur l’evacuation de Havat Gilad, pres de
Naplouse.

Selon ce compromis, les colons quitteraient le site et cesseraient d’y
resider, mais seraient autorises a cultiver les terres agricoles et a
conserver intactes les installations de la ferme (Havat Gilad = ferme de
Gilad) sous la garde de l’armee.

« Nous avons un accord, et nous vous demandons de partir volontairement, au
nom de l’avenir et de nos realisations futures », a dit aux manifestants
Moshe Zar, dirigeant de Havat Gilad.

Des l’annonce par Zar des accords et de sa demande d’evacuer les lieux
volontairement, Danielle Weiss, une « dure » de la premiere heure des
batailles des colons, s’est mise a chanter « pas d’accord, pas d’accord », et
de jeunes manifestants se sont joints a l’appel et promettaient de rester
sur place.

Apres de longues discussions, au cours desquelles Noam Amon, un representant
des colons de Hebron, qualifia l’accord de « victoire » des manifestants,
ceux-ci commencerent a monter dans leurs bus blindes pour rentrer chez eux.

Meme si Ben-Eliezer declarait vouloir continuer sa politique de
demantelement, il y a chez les gens de droite le sentiment qu’Israel a
franchi un pas et que les colonies, quelles que soient leur forme, sont la
pour rester.

« Tout le monde sait que l’existence des colonies est irreversible », a dit le
ministre du Parti National Religieux Yitzhak Levy, en un echo ironique a la
formule, bien discreditee aujourd’hui des architectes d’Oslo, qui
qualifiaient souvent d’irreversible la serie de negociations cahotiques et
de mises en oeuvre deficientes qui ont caracterise les annees qui ont
precede le debut de l’intifada.

Des representants des colons plus moderes, pendant ce temps, travaillent a
empecher les extremistes de droite d’ebranler la legitimite que, d’une
maniere perverse mais profonde, les operations du Hamas et d’autres groupes
terroristes ont conferee au colons, qui sont maintenant percus comme
partageant avec les autres Israeliens, en egaux, un destin encore incertain.

Il est evident que, pour un Israel obsede par sa securite, rien ne peut etre
plus dommageable a laa legitimite nouvellement acquise des colons que la
perspective d’une confrontation avec l’armee, ou des manifestations de refus
de servir.

En consequence, les representants officiels des colons font tous les efforts
possibles pour dissuader les extremistes de mettre leurs menaces a execution
et d’occuper les avant-postes, envers et contre tout.

L’armee, de son cote, continue a s’opposer a toute forme de refus politique
de servir, mais a decide de jouer profil bas dans la perspective de
refuzniks de droite, comme elle le fait pour ceux de gauche, remarque Amos
Harel, correspondant militaire de Haaretz.

Selon des sources militaires, l’armee essaiera d’eviter un conflit direct et
bruyant avec les soldats qui demanderont a etre exemptes de la mission, avec
pour hypothese qu’il y aura tres peu de soldats de ce type, pour la plupart
des colons et des gens d’extreme-droite, et qu’ils prefereront trouver
d’autres solutions plutot que de finir en prison.

Pour les memes raisons, on ne confiera pas cette mission aux reservistes.
Selon Tsahal, les memes procedes ont ete utilises a l’egard des soldats qui
refusaient de servir dans les terriroires, et qui ont ete affectes a des
missions de garde dans leur base ou a d’autres missions non operationnelles.