Toute personne dotée de conscience devrait se figurer le dirigeant d’un pays ou d’un autre accusant un opposant politique de s’appuyer sur des votes juifs. Ce serait parfaitement symétrique des petites phrases ordurières de Bibi Nétayahou mettant en question la fidélité des citoyens arabes israéliens et justifiant mine de rien leur expulsion. Tout aussi inique est le lâche démenti de Yaïr Lapid bégayant que la formation qu’il dirige ne s’appuie pas sur les votes arabes… et faisant lui aussi le lit du kahanisme. Il est temps de se ressaisir !


Éditorial de la rédaction du Ha’Aretz, lundi 25 février 2019

Traduction Bernard Bohbot pour LPM

Révision, chapô et notes Tal Aronzon pour LPM

Photo Sebastian Scheiner « Le Premier ministre israélien accompagne du geste son allocution du 21 février à Ramat Gan » ©AP [DR]

 Éditorial/kahanism-last-refuge-of-a-scoundrel« 

https://www.haaretz.com/opinion/editorial/kahanism-last-refuge-of-a-scoundrel-1.6962975


L’Éditorial de la Rédaction du Ha’Aretz

Le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a déclaré à plusieurs reprises, en réaction aux sondages prédisant le succès du nouveau parti Ka’hol Lavan [1], que les dirigeants du parti « [Benny] Gantz et [Yaïr] Lapid comptent sur une majorité de blocage des partis arabes qui travaillent à détruire l’État d’Israël ». C’est l’essence même de l’argumentaire du parti au pouvoir, que  les représentants du Likoud reprennent dans les médias.

Il est incroyable que de telles incitations, aussi minables que racistes, soient courantes dans la rhétorique du Premier ministre israélien — dont la déclaration choquante et mensongère le jour des dernières élections à propos « des Arabes venus en masse aux urnes » résonne encore aux oreilles du public israélien et de par le monde entier.

Cette incitation raciste arrange celui qui, par un accord politique cynique, fait entrer Ôtzmah Yéhoudith [2], les héritiers et admirateurs de l’idéologie du rabbin Meïr Kahane, à la Knesseth. Il s’agit d’un mouvement xénophobe et violent qui prône l’expulsion des Arabes et suscite la réprobation tant en Israël qu’à l’étranger. Cette décision a été condamnée jusque par l’Aipac, le lobby américain le plus pro-israélien.

Mais même si ce comportement n’est pas surprenant, sa gravité ne doit pas être sous-estimée. Un État démocratique ne peut tolérer l’incitation organisée et flagrante du Premier ministre contre une minorité qui constitue 20 % de la population et contre ses dirigeants élus. Toute personne dotée de conscience se doit d’imaginer un dirigeant d’un pays accusant un opposant politique de s’appuyer sur des « votes juifs ». Il est regrettable que ceux qui se considèrent comme une alternative au régime raciste, xénophobe et antidémocratique de Nétanyahou s’éloignent des partis arabes dans [un mouvement de] panique. [Ainsi] Lapid a-t-il dit en réponse aux affirmations du Likoud : « Contrairement aux mensonges de Nétanyahou, aucune majorité de blocage n’a été formée avec les partis arabes. Point final ».

C’est un sophisme moral et raciste qui présume que tous les députés arabes sont suspects d’activités criminelles. M. Nétanyahou, qui n’essaie même pas de faire preuve d’un semblant de leadership ou de moralité, est passé maître dans l’art de la petite politique ordurière. Il s’est servi de sa campagne de délégitimation des citoyens arabes d’Israël et l’a étendue à l’ensemble des organisations de la société civile et aux partisans de la gauche. S’excuser ou bégayer en réponse à sa rhétorique raciste ne fait que la renforcer parce qu’elle appuie son message. Du déni paniqué de Lapid on pourrait conclure qu’il y a effectivement quelque chose d’inique à coopérer avec les députés arabes.

Si le parti Ka’hol Lavan cherche à mettre en place un nouveau ordre du jour il lui faut ériger une barrière solide contre le poing [du drapeau] kahaniste, qui a pris le contrôle du parti au pouvoir et de son chef. Les citoyens arabes israéliens et leurs représentants élus sont un élément légitime et important de la société israélienne. Coopérer avec eux n’est pas un acte indécent, mais une mesure bienvenue et souhaitable.

 

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NOTES

[1]     Ka’hol Lavan

[2]     Ôtzmah Yéhoudith :“Puissance juive“.

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L’article ci-dessus est l’éditorial du Ha’Aretz, tel que publié dans les éditions imprimées en hébreu et anglais en Israël, et reprises dans les éditions électroniques du quotidien.