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Bitterlemons, 13 novembre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


J’étais sur le lit tranquille d’un hôpital de Tel-Aviv, où je me faisais traiter pour une problème sanguin, quand les nouvelles de Beit Hanoun ont percé le silence avec les images et les sons de cette horrible souffrance sur le visage des vivants comme des morts.

Mes soucis personnels sont devenus insignifiants. Pourquoi cette mère qui avait perdu son enfant criait-elle tant? Ce qui m’a frappé, c’est que cette mère n’était pas encore dans le deuil, mais sous l’emprise d’une peur qui submergeait tout. Elle savait trop bien combien ils étaient exposés et vulnérables, et qu’il n’y avait nulle part où s’enfuir. Elle savait que, quand « ils » le décident », ils tuent. Ce spectre effrayant de la mort et de la destruction planait et plane encore dans notre ciel, menaçant de prendre encore des vies, encore de l’espoir.

Le paysage politique en Palestine et en Israël n’est d’aucune consolation. En Palestine, la vieille rhétorique populiste s’est mise en route, avec des gens qui appellent à une vengeance de l’amplitude d’un tremblement de terre, alors que des politiciens médiocres sont occupés à marquer des points de popularité aux dépens d’autres médiocres. (…) Seule exception : le président Mahmoud Abbas, qui paraissait avoir sincèrement mal et être sincèrement en colère. Lui a toujours été engagé pour la paix.

Le paysage israélien est pire encore. Les signes sont lourds de menaces quand des gens comme Avigdor Lieberman sont accueillis au gouvernement, et qu’un Amir Peretz naguère prometteur semble avoir été mâché et digéré par l’establishment militaire.

Le temps n’est pas à la médiocrité, à la politicaillerie ni à la vengeance. Nous avons gâché trop de temps et trop de vies. Il est temps de ne penser qu’à la manière de faire la paix. La paix, c’est la liberté. La paix, c’est la dignité. La paix, c’est la vie.

Il est plus urgent que jamais que tous ceux qui croient encore réellement à la paix, Palestiniens, Israéliens, amis et alliés de partout dans le monde, unissent leurs efforts pour donner une chance à la paix et à la réconciliation.

Maintenant que des va-t’en-guerre comme Donald Rumsfeld sont partis, il faut aller chercher tous les autres, où qu’ils se trouvent, et plus particulièrement en Palestine et en Israël. Je n’ai pas besoin de prendre en compte leur question paranoïaque : veulent-ils faire la paix? La réponse, au nom de tous, est sans équivoque : « Oui ».

Mais il nous faut désigner les ennemis de la paix et de la liberté. Nous connaissons la force du Pentagone et de la machine de guerre israélienne. Cette machine de guerre, avec son hégémonie sur la politique israélienne, est plus grande qu’Israël lui-même et doit être stoppée. C’est un outil de mort et de destruction.

Les dirigeants politiques israéliens et les Israéliens en général doivent savoir qu’ils sont prisonniers de ce puissant establishment. Les Israéliens doivent savoir que leur sécurité ne sera assurée que par une paix stratégique avec les Palestiniens, et non par le pouvoir de tuer, la soumission à une machine de guerre ou la dépendance vis-à-vis de l’administration américaine.

De leur côté, les dirigeants palestiniens responsables doivent s’efforcer de reconquérir la confiance de l’opinion israélienne à l’égard des Palestiniens, après six années d’horreur et de mensonges. Ils doivent également convaincre leur propre opinion des mérites de la paix, et contribuer à modeler une culture nouvelle. Cela doit être fait systématiquement et sur tous les fronts. Et si le Hamas déclarait aujourd’hui, après toutes ces douleurs, une interdiction totale de toute forme de violence?

Il faut que le Hamas et d’autres disent à Israël qu’il est un pays du Moyen-Orient. Comme la Palestine. Et que ces deux pays vivront ensemble ou mourront ensemble. Entre eux, ils ont tous les ingrédients de la prospérité, et ensemble, ils peuvent aider la région et le monde.

Il faut offrir au monde l’occasion de voir le bon Palestinien, le bon Arabe, le bon musulman. Et à nous, il faut donner la chance de voir le bon Juif, et un Occident bien intentionné. Tout cela est à portée de la main, mais encore faut-il sauter le pas maintenant et agir avec courage et sagesse.

Du côté palestinien, une vision et une stratégie unifiées doivent nous conduire vers la paix. Le Hamas est une partie essentielle du paysage politique, et il doit déclarer qu’il est prêt à accéder aux responsabilités, non seulement pour accomplir des réformes internes, mais, plus important, pour faire la paix avec Israël.

L’accession du Hamas au pouvoir a été méritée et démocratique. Il est tragique que le Hamas n’ait pas été préparé à cette chance historique, comme il est tragique qu’il n’ait jamais eu l’occasion de gouverner. Après des mois de pressions et de conspirations, le Hamas cède aux appels de la communauté internationale. Mais il faut parler avec le Hamas, à tous les niveaux, et les conspirations doivent s’arrêter. Une culture véritablement démocratique, fondée sur l’Etat de droit, est l’une des clés de la paix.

Le Fatah et le Hamas doivent se positionner derrière le leadership de Mahmoud Abbas, qui peut aider la nation et la région compte tenu de sa stature et de sa position, ainsi que du respect dont il jouit à travers le monde, respect dû à sa vision stratégique en faveur de la paix.

Le temps est venu d’agir. J’en appelle donc à tous les militants pour la paix : qu’ils se saisissent de ce qu’il leur reste d’espoir. La vie humaine est précieuse, et il est de notre devoir de la protéger. En retournant à Gaza et à la « vie normale », je suis déterminé à consacrer le reste de ma vie à la cause de la paix. La paix, c’est la liberté. La paix, c’est la dignité. La paix, c’est la vie.