Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


C’est vrai, il est difficile de prendre au sérieux un plan de paix proposé par un ministre de la défense d’un gouvernement dont le Premier ministre a déclaré que ce qui s’applique à Tel-Aviv s’applique aussi à Netzarim (colonie isolée de la bande de Gaza, ndt). Néanmoins, il est intéressant de noter que les foudres du ciel ne se sont pas abattues sur Benjamin Ben-Eliezer après qu’il eut repackagé la proposition de l’ex-Premier ministre Ehoud Barak d’associer les Etats musulmans et les Nations Unies au contrôle sur les lieux saints de Jerusalem.

Les réactions positives à l’initiative de paix saoudienne, et le soutien persistant à un Etat palestinien sur la plupart des territoires de la Cisjordanie (comme le montrent les résultats de differents sondages) indiquent une tendance bien enracinée dans la population. Une étude menée dans les territoires par le Dr Khalil Shikaki à la fin de l’opération Rempart indique que la haine et le désir de vengeance n’ont pas aveuglé les habitants : les deux tiers des Palestiniens soutiennent l’initiative saoudienne, et 70% sont en faveur d’une réconciliation avec Israël, apres avoir obtenu leur Etat.

Un fonctionnaire américain, impliqué depuis plusieurs années dans le processus de paix, a assez bien décrit cette étrange situation où la volonté de compromis côtoie la violence : « nous savons tous à quoi ressemble la lumière au bout du tunnel. Notre problème est de faire entrer Sharon et Arafat dans ce tunnel ».

Ceux qui connaissent la société palestinienne savent bien qu’elle ne dispose
pas de personnalité mieux susceptible qu’Arafat d’être acceptée par elle. Ils nous alertent sur l’anarchie qui règnerait quand il deviendra clair pour tout le monde que la « réforme » exigée par Sharon n’est rien d’autre qu’un plan pour se débarrasser d’Arafat. Cette anarchie, prédisent-ils, fera regretter Arafat.

Dans son livre « Oslo : Une Formule pour la Paix », le Dr Yair Hirshfeld, qui a mené les premiers contacts du processus d’Oslo, rejette l’hypothèse selon laquelle une direction palestinienne différente adopterait une tactique autre que celle choisie par Arafat. Il y a deux ans, Hirshfeld prévenait : « Des developpements tels que l’effondrement de l’Autorité palestinienne et une prise de pouvoir du Hamas peuvent changer les gens à la barre, mais pas le système ».

Et pourtant, à Washington comme au Caire et a Ryad, des fonctionnaires ont
conclu qu’il n’existait aucune force ni aucun argument capable de persuader
Sharon d’entrer avec Arafat dans le même tunnel. D’un autre côté, abandonner
la scène, et laisser libre cours au terrorisme et aux représailles pourrait éteindre la fameuse lumière au bout du tunnel.

Si on ajoute à l’equation la situation catastrophique du Parti travailliste, alternative à Sharon, il ne reste pas d’autre choix que de construire pour Sharon un tunnel qui contourne Arafat. En fait, c’est cette approche qui guide actuellement les travaux du Conseil National americain pour la Sécurité à Washington. Selon ce plan, Sharon n’aurait pas un mot à échanger avec Arafat à propos d’un accord sur un statut définitif.

Les grands principes de ce plan ont été transmis aux Palestiniens, à travers les remarques du President Bush sur un Etat palestinien, et les decisions prises par le Conseil National américain pour la Securité à partir du schéma de Bush. On ne demandera au gouvernement Sharon qu’à honorer les accords signés par Israël, à commencer par l’accord de Wye, qui stipulait un calendrier de retraits « par étapes », en passant par le rapport Mitchell, qui comprend le redéploiement de Tsahal sur les positions qu’il occupait avant le début de l’intifada.

Les Américains, les Egyptiens et les Saoudiens sont d’accord sur le fait que l’objectif d’un Etat palestinien et d’une normalisation entre Israël et ses voisins ne pourra se concrétiser que lorsque le gouvernement Sharon aura été remplace par une direction qui fait la différence entre Tel-Aviv et Netzarim, et agit en fonction de cette différence. Il est également clair pour eux que des changements doivent intervenir dans l’appareil de sécurité palestinien, si l’on veut que l’opinion publique israélienne croie qu’elle dispose d’un partenaire palestinien crédible.

Les Européens sont d’accord pour dire que les fonds investis par leurs pays dans les territoires, pour prouver que la paix « paye », doit toucher chaque foyer, et pas seulement les villas de Ramallah. Selon le plan de contournement Sharon-Arafat, le contrôle de la mise en oeuvre des réformes sera assuré par des intervenants extérieurs aux parties.

Pour l’instant, avant de progresser vers la lumière, il n’y a rien à faire d’autre qu’à attendre la décision de Bush, et de voir s’il est prêt à jeter un regard ou deux dans le tunnel.