Venant compléter l’article caustique de Yossi Sarid sur la visite de Hébron et de ses colonies imposée aux élèves du lycée de l’université hébraïque comme à l’ensemble du réseau scolaire israélien, ses conditions et sa signification [1], nous vous livrons ici traduite l’analyse de Frances Raday.

Cette experte chevronnée du droit international, des droits humains et de la législation israélienne notait le 5 mars dernier : « Le système éducatif israélien viole les obligations internationales du pays en matière de droits humains. »


Non seulement Israël dispense à ses enfants un enseignement défaillant, mais encore le pays viole-t-il ses obligations internationales en termes de droits humains.

Il a failli à son devoir d’éduquer les enfants de la mouvance ‘haredi [2] en autorisant les écoles de leur secteur à faire l’impasse sur le tronc commun d’enseignement ; et viole maintenant, en généralisant à l’ensemble des écoles les visites scolaires organisées à Hébron, le droit à la liberté de conscience des enfants dont les positions, ou celles de leurs parents, s’opposent à l’occupation de Hébron par les colons israéliens.

Quoique non obligatoires, ces visites ne sont pas vraiment facultatives dans la mesure où elles usent du temps et des budgets alloués aux activités extra-scolaires et font souvent peser les pressions de leurs pairs sur les parents et les enfants désireux de s’en affranchir.

Les obligations d’Israël en matière de droits humains, en particulier dans le cadre de la Convention des droits de l’enfant, le lient à deux principes fondamentaux. Ce sont ces mêmes principes qu’enfreignent la législation et les réglementations promulguées.

En termes de droits humains, la première des obligations de l’État est de dispenser une éducation qui permette à tous une participation effective à une société libre ; une société visant au respect des droits humains et des libertés fondamentales, et à celui des principes inscrits dans la Charte des Nations unies afin de faciliter l’accès au savoir scientifique et technique et aux méthodes pédagogiques modernes.

C’est là le principe que viole une législation exemptant certaines écoles de l’obligation de dispenser un programme commun d’enseignement. Ce tronc commun comprend les études de Bible et d’histoire juive, de langue et de littérature, de mathématiques et de sciences, ainsi que l’éducation physique. Sans cette base, les enfants sont mal équipés pour fonctionner en membres à part entière d’une société ou d’une économie modernes. Cette obligation s’applique aussi bien à l’enseignement privé qu’à l’enseignement public, dans la mesure où les devoirs de l’État s’exercent à l’égard des enfants et non des institutions.

Des visites organisées opposées aux convictions des parents

Le second principe régissant les devoirs de l’État en ce domaine réside dans la liberté des parents de dispenser à leurs enfants une éducation en accord avec leurs propres convictions. Cette liberté s’applique aux programmes en dehors du curriculum commun, dont les parents n’ont pas le droit de laisser priver leurs enfants.

C’est cette liberté qui est régulièrement violée par le ministre de l’Éducation. Les visites organisées à Hébron ne sauraient être vues comme relevant du curriculum commun et le ministre va, en fait, jusqu’à admettre qu’elles sont facultatives.

Ces visites contredisent clairement les convictions de nombreux parents au sein du système scolaire. Après tout, la question de la colonisation est, dans le cadre de la politique israélienne, l’une des plus profondément sujettes à controverse.

On peut en outre soutenir sans ambages qu’enseigner aux enfants l’acceptation de l’idée d’occupation par des colons – en dépit du fait que celle-ci contrevient aux lois internationales en matière de droits humains, lesquelles interdisent tout transfert de population civile d’État occupant à occupé – est en soi une violation de l’obligation de les éduquer aux droits humains.

Le point commun à ces deux violations est la victoire, face à l’impératif d’éducation aux droits humains, de l’idéologie politique ou religieuse. Le noyautage du système scolaire par cette vision du monde a pour but d’empreindre les générations futures d’un mépris à l’égard des valeurs des droits humains qui va croissant dans le discours politique israélien.

Aussi le rejet par le gouvernement de la législation internationale des droits humains ne saurait-il être plus longtemps vu comme le dommage collatéral d’exigences pratiques d’ordre politique ou de sécurité : il s’est fait l’oriflamme d’une idéologie.

Israël a failli à son devoir d’éduquer les enfants de la mouvance ‘haredi [2] en autorisant les écoles de leur secteur à faire l’impasse sur le tronc commun d’enseignement ; et viole maintenant, en généralisant à l’ensemble des écoles les visites scolaires organisées à Hébron, le droit à la liberté de conscience des enfants dont les positions, ou celles de leurs parents, s’opposent à l’occupation de Hébron par les colons.

Les obligations israéliennes en termes de droits humains, en particulier sous l’égide de la Convention des droits de l’enfant, l’engagent à l’égard de deux principes fondamentaux. Ce sont ces principes que violent la législation et la réglementation partisanes qui ont été promulguées.


NOTES

1] Voir [, traduction de l’article de Yossi Sarid, « Une odeur fétide monte de Hébron et cela va durer », février 2012.

[2] Litt. les “craignant-Dieu”, ainsi que se désignent eux-mêmes les ultra-orthodoxes.