Ces derniers jours nous ont quittés, à quelques heures d’intervalle, trois h’averim, trois compagnons de route comme on disait dans un autre temps, trois personnalités incontournables de la vie juive contemporaine qui ont associé leur nom à la reconstruction des communautés juives en Europe après la Shoah, à la création et au soutien constant de l’État d’Israël, à l’affirmation d’un judaïsme humaniste et laïque et au combat inlassable pour la paix au Moyen-Orient, trois mensch.


Henry Bulawko, né en 1918 en Lituanie, est arrivé à Paris avec sa famille en 1925. Il adhéra au mouvement sioniste de gauche, l’Hashomer Hatzaïr. Dès le début de la guerre, il fit partie du comité Amelot qui venait en aide aux Juifs menacés. Arrêté par la police française en novembre 1942, il est interné à Drancy, puis sera déporté à Auschwitz dont il réussit à revenir. Henry consacra une grande partie de sa vie au souvenir de la Shoah. Fondateur de l’Amicale des Déportés juifs de France, il est à l’origine de la Mémoire juive de Paris et de nombreuses commémorations que très souvent il présida. Fondateur en 1954 du Cercle Bernard Lazare ([->http://www.bernardlazare.org/]) et en 1957 des Cahiers Bernard Lazare, Henry était un homme de plume. Toujours engagé aux côtés d’Israël, il milita pour la paix au Proche-Orient avec des personnalités comme Pierre Mendès France et Nahum Goldmann. Grand-croix de la Légion d’honneur, il accéda à la vice-présidence du CRIF, dont il fut par la suite nommé vice-président honoraire à vie.

David Susskind, né à Anvers en 1925, réussit à fuir vers la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, alors que de nombreux membres de sa famille furent assassinés par les nazis. Fondateur en 1959 du Centre communautaire laïc juif, le CCLJ, à Bruxelles ([->http://www.cclj.be]), un espace où les Juifs belges peuvent exprimer leur identité en dehors de la religion et de la synagogue, et dont il était le président d’honneur, Suss a toute sa vie milité pour un judaïsme humaniste et laïque ouvert sur le monde. Il a été de tous les combats de ce demi-siècle : le soutien sans faille à la création et à la sécurité d’Israël, le combat pour la liberté des Juifs d’URSS, la restitution des biens juifs spoliés… Mais, de tous ces combats, il en était un qui lui tenait particulièrement à cœur, c’était celui de la paix au Moyen-Orient. Souvent précurseur par les actions qu’il a engagées avec le CCLJ pour le rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, il disait qu’ « occuper un autre peuple ou vivre dans un pays sans octroyer les mêmes droits à tous les citoyens, ce n’était pas juif ». Il faisait sienne cette maxime des Pères qu’il aimait à citer : « Im eïn ani li, mi li ? Ou-késhé-ani lé-âtsmi, mah ani ? Vé-im lo akhshav, eïmataï ? / Si je ne suis pour moi, qui l’est ? Et lorsque je suis pour moi-même, que suis-je ? Et sinon maintenant, quand ? » (Hillel l’Ancien, Pirqei Avoth 1-14)

Roger Ascot (Askolovitch), né à Paris en 1928, était un fervent militant sioniste de gauche, engagé dans la section du parti travailliste Avodah en France. Romancier, il a beaucoup écrit sur le destin des Juifs de France, partagés entre l’amour de leur pays et le traumatisme de la trahison de Vichy joint à la nostalgie d’Israël. Journaliste, il était l’ancien rédacteur en chef de l’Arche. Il sut associer sa plume alerte aux causes qu’il défendait, dont celle de la paix au Moyen-Orient. Tous trois s’étaient reconnus dans le combat de Shalom Akhshav et n’ont jamais manqué une occasion de nous soutenir.