Un projet de loi  autorisant le ministre de l’Éducation à interdire l’accès aux écoles aux organisations qui critiquent l’armée israélienne a été approuvé le 3 juillet par la commission de l’Éducation de la Knesseth  en prévision de son passage en deuxième et troisième lectures. Dès décembre 2015 Naftali Bennett avait pris une décision de cet ordre s’agissant de Breaking the Silence, quelques jours après que Moshé Yaalon, alors ministre de la Défense, lui ait interdit l’accès aux locaux militaires. Cette mesure participe d’un processus de délégitimation des organisations pour les droits de l’Homme et celles qui s’opposent à la perpétuation de l’occupation. Il s’agit de les présenter comme des traîtres, des infiltrés, des taupes… Les noms et photos de leurs dirigeants sont jetés en pâture dans la presse et les réseaux sociaux.
Et pourtant il s’agit de personnes qui ont accompli leur  service militaire (ce qui n’est pas le cas de tous ceux qui les salissent) et nombre de hauts gradés considèrent que ces ONG mènent une action juste et utile même si des divergences d’appréciation peuvent se manifester ici ou là au sujet du traitement de tel ou tel incident.
La droite extrême accomplit ce travail de sape avec une certaine intelligence il faut en convenir, en s’attaquant dans un premier temps aux associations les plus radicales. Mais il est clair que sont visées toutes les ONG qui dérangent et mettent le doigt là où ça fait mal. Il existe un arsenal juridique suffisant pour réprimer erreurs et diffamations et seule une volonté politique explique cet acharnement législatif.
Autre mesure de même nature, le feu vert donné mi-juin à un texte de loi prévoyant jusqu’à dix ans de prison pour toute personne filmant, photographiant ou enregistrant des soldats en vue de « porter atteinte à la sécurité de l’État ». On voit qui est visé… Il s’agit davantage de dissimuler les bavures que de les empêcher et les réprimer le cas échéant. Comparaison n’est pas raison… Interdirait-on le thermomètre à celui qui a de la température ?

Plus important mais allant dans le même sens, le projet loi sur l’État-nation actuellement à l’étude à la Knesseth, qui autoriserait les petits villages et villes à accepter de nouveaux résidents en fonction de critères ethniques et religieux et qui maintient bien entendu l’hébreu « langue de l’État » tandis que l’arabe perd son statut de langue officielle pour un « statut spécial » qui garantit à ses locuteurs le droit à des services publics accessibles dans cette langue.

Entre ces nuages perdurent des coins de ciel bleu.

Le texte contre Breaking the Silence, qui donnerait au ministre de l’Éducation la capacité d’interdire l’entrée dans les institutions d’éducation à tout groupe « œuvrant à nuire à l’armée », a été adopté en première lecture par 35 voix contre 23, et en commission de l’Éducation par 7 voix contre 5. On voit que c’est un texte qui divise et fracture plus qu’il n’unit.
S’agissant du projet de loi sur l’État-nation, le président même de l’État — Reuven Rivlin —, s’est énergiquement opposé aux mesures les plus controversées. Il est réconfortant de constater qu’il ne s’agit nullement d’un débat gauche/droite mais qu’il traverse les camps constitués. Même si Nétanyahou veut que la loi soit adoptée au cours de la semaine prochaine, il n’est pas improbable que ce texte ne puisse l’être avant les vacances parlementaires.

Il importe de soutenir ceux qui en Israël se mobilisent contre ces dérives de la démocratie qui ne sont pas propres à ce pays et qui n’épargnent nullement l’Europe, à l’Est certes, mais pas seulement. C’est ce à quoi nous nous attelons et c’est pourquoi nous nous opposons à la poursuite de l’occupation qui constitue un terreau fertile à cette dégradation démocratique.
Une solution politique au conflit israélo-palestinien est plus que jamais nécessaire à Israël.

Ilan Rozenkier

20 juillet 2018


Photo : Des soldats israéliens prennent position durant des affrontements avec des manifestants palestiniens, le 25 mai 2018 à Kfar Qaddoum près de Naplouse ©Jaafar Ashtiyeh/AFP. [DR]