Jacques BENDELAC : « Le bibisme a fragilisé la démocratie israélienne »

Dans le cadre de “Chroniques pour la Paix”, émission bimensuelle sur Radio Shalom parrainée par La Paix Maintenant et par JCall, Ouzi MEYERSON s’entretient avec Jacques BENDELAC qui, dans un récent ouvrage propose un bilan des « années Bibi ».

Jacques BENDELAC, docteur en économie, chercheur en sciences sociales à Jérusalem, a publié plusieurs ouvrages consacrés à la société israélienne et au conflit israélo-palestinien. Il est l’auteur de “Les années Netanyahou. Le grand virage d’Israël” (éditions l’Harmattan, 301p, mai 2022).


https://radioshalom.fr/podcasts/les-chroniques-pour-la-paix-175/la-fin-annoncee-du-bibisme-1206


ll y a moins de deux ans, Benyamin Netanyahou et son parti, le Likoud, perdaient les élections en Israël. Depuis un an, une coalition politique composite dirige le pays avec à sa tête Naftali Bennett, un nationaliste religieux, et Yaïr Lapid, un séculier centriste. Tournant historique, choc incroyable pour certains, divine surprise pour d’autres, après avoir dirigé pendant 15 ans l’exécutif, “Bibi” s’en est allé rejoindre l’opposition. Jacques Bendelac constate que Benyamin Netanyahou a construit un courant de pensée politique que les Israéliens nomment le “bibisme”. Il s’agit d’un conglomérat d’idées et de comportements qui mélange nationalisme, libéralisme et populisme : “…le bibisme ne correspond pas aux traditions conservatrices du Likoud traditionnel, il est fortement personnalisé, marqué par le culte du chef, et correspond à une vision idéologique nouvelle pour ce pays… ». Le bibisme” est à la fois illibéral politiquement et extrêmement libéral économiquement. “Cela peut sembler incompatible, remarque l’économiste, mais cela est rendu possible par un positionnement hyper-pragmatique jusqu’à l’opportunisme, l’essentiel étant de s’accrocher au pouvoir. C’est une illustration parfaite du populisme puisque grâce à un travail démagogique on en arrive à ce que les plus pauvres soient les plus sensibles au bibisme et que la bourgeoisie vote contre”.
Reprenant l’analyse figurant dans son dernier livre, Jacques Bendelac regrette que “les années Netanyahou  correspondent à un affaiblissement de la démocratie parce que le bibisme a tout fait pour saper les contre- pouvoirs, aussi bien ceux de la justice que de la Cour suprême, tant ceux des institutions législatives que sécuritaires, sans oublier les attaques contre les médias…”. Certes, ces vingt dernières années, Israël a connu un “développement économique exceptionnel” et les Israéliens sont “majoritairement heureux dans leur pays”, mais Jacques Bendelac regrette que ces progrès aient été détournés par Netanyahou pour soutenir sa gouvernance très particulière : ” le bibisme a élargi les inégalités sociales, accru les tensions communautaires, corrompu la classe dirigeante, développé les monopoles et la cherté de la vie, empêché  la résolution du conflit israélo-palestinien”.
L’échec du Likoud et de son leader aux dernières élections à la Knesset n’entraîne pas la disparition du “bibisme”. “Benyamin Netanyahou refuse de quitter la vie politique malgré les différents procès qui le menacent.  La coalition au pouvoir est fragile, des rebondissements sont possibles et l’ancien Premier ministre se voit toujours comme “LE” recours à la direction du pays”.