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Ha’aretz, 29 mars 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, était de retour cette semaine du sommet de la Ligue arabe à Alger. Devant les informations sur ce qui se passe dans les colonies de Cisjordanie et sur l’intention d’Israël de construire des milliers de logements à Maale Adoumim, il s’est dépêché de déclarer : « les colonies juives sont illégales, et nous continuerons à nous battre contre elles par des moyens pacifiques, jusqu’à ce qu’elles disparaissent ».

En apparence, il s’agit d’une déclaration de routine, et loin d’être incendiaire. Cependant, si l’on examine de près ce que Mahmoud Abbas, Mohammed Dahlan, Saeb Erakat et d’autres disent et font, on peut discerner clairement un niveau certain de frustration et d’amertume, susceptible de mener dans le futur proche à la reprise des violences.
Les Palestiniens attendaient beaucoup du gouvernement israélien après l’élection de Mahmoud Abbas et les accords de Sharm el-Sheikh. Ils attendaient la libération d’un grand nombre de prisonniers de longue date, la remise rapide sous leur contrôle des villes de Cisjordanie, le gel de la colonisation juive en Cisjordanie et l’évacuation des avant-postes.
Il est vrai qu’il y a eu un attentat grave le mois dernier à Tel-Aviv, mais les groupes palestiniens respectent les accords de trêve, et il n’y a eu aucun tir de roquette ou de mortier depuis la bande de Gaza. Et qu’obtiennent-ils en retour ? De leur point de vue : absolument rien.

L’état d’esprit israélien (continuer l’occupation, étendre les colonies) ne change pas. Les représentants de l’armée et du Shin Bet pinaillent sans fin sur le sort d’un barrage routier à Jéricho et sur le contrôle d’un village et demi dans le district de Tulkarem. La plupart des checkpoints sont toujours en place. Dans les villages de Samarie, il y a de plus en plus d’affrontements violents à propos de la barrière de sécurité, qui leur prend leurs terres et leur gagne-pain, et à Jérusalem, les autorités sont en train de terminer le Mur et préparent de nouvelles restrictions de mouvement.

Le Dr Menahem Klein, de l’Université de Bar-Ilan, qui pense que nous nous dirigeons de nouveau vers une confrontation violente, a comparé les déclarations de Mahmoud Abbas qui ont suivi son élection avec celles de ces jours-ci, et a trouvé entre elles des différences claires. Sur la question des réfugiés, par exemple : dans son discours d’investiture devant le Parlement palestinien, il y a plus de deux mois, il a dit : « nous nous efforcerons d’arriver à une solution qui aura fait l’objet d’un accord (agreed-upon) sur la question des réfugiés, sur la base de la légitimité des résolutions internationales ». Dans le lexique diplomatique du conflit, on peut accorder une grande importance au fait qu’un orateur arabe, ou palestinien, parle d’une solution « agreed-upon », et ne mentionne pas le « droit au retour » quand il aborde le problème des réfugiés.

Cependant, en toile de fond, des informations ont circulé en Israël selon lesquelles, à l’occasion de la rencontre inter palestinienne au Caire, il y a plus de 15 jours, Mahmoud Abbas allait convaincre les autres factions de faire quelques concessions [à Israël] au sujet des réfugiés et du droit au retour. Or, c’est le contraire qui s’est produit. Mahmoud Abbas s’est rapproché de la position du Hamas, et voilà ce qu’a dit la déclaration finale du sommet sur les réfugiés : « les participants s’en tiennent à la promesse du droit au retour, à ce que leur reviennent leurs maisons et leurs biens ». Toujours d’après le même lexique diplomatique, il s’agit peut-être de la formulation la plus radicale possible, car elle mentionne explicitement le « retour des maisons et des biens ».

La déclaration finale du sommet palestinien du Caire parle aussi du fait que l' »accalmie » (section 3) est clairement soumise à condition : « les participants soulignent que la continuation des colonies, la construction de la clôture et la judaïsation de Jérusalem Est sont des bombes à retardement ». En d’autres termes, si ces actions continuent, il y aura une explosion. Et, si l’on en croit les informations du côté israélien comme du côté palestinien, elles continuent bien, et très énergiquement.

Au projet de milliers de logements à Maale Adoumim et aux incidents autour du Mur, en Samarie et à Jérusalem, s’est récemment ajoutée la tempête autour de l’affaire de l’Eglise grecque orthodoxe, qui a vendu « des hôtels et des magasins, qui sont des biens arabes, à des colons juifs extrémistes » (formulation palestinienne).

Pour les Palestiniens, il s’agit, bien entendu, d’un pas supplémentaire dans la politique israélienne qui consiste à écraser la présence arabe à Jérusalem et à judaïser la ville, ce à quoi s’ajoutent certaines informations sur des menaces juives envers la mosquée d’Al-Aqsa. Toute cela rappelle à l’opinion palestinienne et à sa direction le bon vieux sentiment de désespoir et d’amertume qui présage d’une nouvelle vague d’affrontements sanglants.