Bitterlemons, 16 février 2009

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Jusqu’à ce qu’un gouvernement de coalition soit formé [en Israël], il est difficile de spéculer avec une quelconque précision sur la politique à venir. La seule question qui se pose est de savoir si Kadima fera ou non partie du gouvernement Netanyahou. Tous les autres partis susceptibles de le rejoindre sont, soit d’extrême droite, soit religieux, soit les deux à la fois. La droitisation générale de l’opinion israélienne, pour une grande part le résultat d’une frustration au regard du passé, des échecs des tentatives de paix et de la croyance toujours plus prégnante qu‘il n’y a « pas dei partenaire » ni de possibilité de paix, a rendu la gauche politique impuissante et désertée. Les résultats des élections donnent à penser que la majorité des Israéliens accepte l’idée que, lorsque l’usage de la force s’avère ineffectif, la solution est l’usage de davantage de force. Ce qui, bien entendu, ne présage rien de bon.

On peut s’attendre à deux choses de la part du nouveau gouvernement : l’expansion des colonies et des réactions violentes à la violence palestinienne. Mais il y a certaines restrictions. Le chef du Likoud Benjamin Netannyahou se présente au monde comme un leader courtois et rationnel. En particulier vis-à-vis de Barack Obama, il se peut que Netanyahou souhaite éviter de paraître dévier de la politique générale acceptée par un gouvernement américain précédent beaucoup moins intéressé [par le Proche-Orient], et donc de poursuivre sur la voie d’une sorte de « processus de paix ».

Compte tenu du risque qu’il courrait de s‘aliéner dès le début l’administration américaine, Netanyahou évitera probablement les actes précipités, comme le refus de poursuivre les négociations avec le président palestinien Mahmoud Abbas, ou celles, indirectes, avec les Syriens. Il a déjà déclaré qu’il n’était tenu par rien qui ait pu être discuté précédemment (et, de toute façon, aucun accord n’a été obtenu par le gouvernement Olmert). Il est donc libre de continuer à discuter indéfiniment. De même, il présentera sa propre solution concernant les territoires occupés, une « paix économique », bien qu’il soit difficile de concevoir comment celle-ci pourrait aboutir à quoi que ce soit sans lever des checkpoints, ce qui favoriserait la circulation des biens et des personnes en Cisjordanie.

Bien des choses dépendront de la réaction des Américains. De la part de Washington, si George Mitchell, représentant d’Obama, tapait gentiment du poing sur la table, cela deviendrait déjà une véritable pression. Washington a véritablement intérêt à modifier ses positions dans la région, à commencer peut-être avec la Syrie, mais en y mêlant des intérêts en Iran (deux pays liés à l’Irak) et, dans une certaine mesure, à amoindrir la puissance de la question palestinienne en tant qu’instrument de radicalisation dans la région. Ainsi, l’approche régionale de Washington pourrait amener à faire pression sur Israël pour avancer. Certains pensent que cela pourrait se concentrer sur la Syrie, mais pourrait conduire à un certain mouvement, partiel donc inconnu, en direction du problème palestinien.

Une pression de la part des Etats-Unis aurait bien plus d’impact si elle s’accompagnait d’une pression du même ordre venue de l’intérieur d’Israël. Compte tenu de l’écrasement de la gauche aux dernières élections, cela paraît improbable. Mais il se pourrait que, justement à cause de cette situation et de la couleur extrémiste alarmante de la probable coalition, la gauche ou le « camp de la paix » reprenne vie. Hors du pouvoir, et peut-être avec Kadima ensemble dans l’opposition (attaquant donc un gouvernement qui abandonnerait la voie de la paix poursuivie, en tout cas en apparence, par Tzipi Livni), la gauche pourrait retrouver sa voix.

Les colonies et la question démographique sont les deux sujets pour lesquels il y a un consensus au centre-gauche. Il ne faut pas oublier que c’était le souhait de vivre en paix – séparés des Palestiniens – qui a conduit la majorité des Israéliens à accepter le compromis de la solution à deux Etats. Cette attitude n’a pas changé. Et c’est sur cette question qu’il peut y avoir des positions contradictoires au sein de la coalition de Netanyahou.

Cela est peut-être difficile à croire par les temps qui courent, mais ni le conflit, ni la région, ni la politique internationale ne sont statiques. Une dynamique aussi bien régionale et mondiale que locale a conduit au processus d’Oslo au bout duquel un gouvernement dirigé par le Likoud s’est prononcé pour la création d’un Etat palestinien. Si le Hamas n’est pas l’alpha et l’oméga des Palestiniens, la coalition attendue Netanyahou-Lieberman ne l’est pas non plus pour les Israéliens. Bien plus de facteurs sont en jeu, qui peuvent transformer des développements qui ne laissent apparemment aucun espoir en quelque chose de radicalement différent.