Il va sans dire, mais encore mieux en le disant tant la propagande a pris dans certains milieux le pas sur le débat politique, que la rédaction du Ha’Aretz ne légitime ici en aucun cas le terrorisme comme moyen de lutte – quelle que soit la justesse de la cause défendue.

Elle pose simplement les termes de l’équation : poursuite, voire aggravation de l’occupation = réactions de désespoir, aujourd’hui comme demain.

L’article de la rédaction du Ha’Aretz

L’attentat meurtrier perpétré dans le quartier Sarona [1] de Tel-Aviv a ravi, avant-hier, la vie de quatre citoyens israéliens: Ido Ben Ari, Ilana Naba, Michaël Feige [2] et Mila Mishahev. Six autres personnes ont été blessées. Aucune alerte des services de renseignement ne l’a précédé, pour autant que l’on sache, mais nul ne peut prétendre avoir été surpris. L’actuelle vague de violence, que l’on a décrite comme la troisième intifada, ne s’est pas calmée. Et elle ne semble pas près de le faire.

Aussitôt après l’attentat, le Premier ministre et le ministre de la Défense se sont empressés de proclamer une série de mesures de châtiment collectif à l’encontre de la population palestinienne des Territoires. À l’orée du mois du Ramadan, Israël a gelé 83 000 permis d’entrée à des fins de visites familiales, ainsi que ceux accordés à une poignée de résidents de la bande de Gaza pour venir prier à la mosquée El-Aqsa. Un seul objectif à ces mesures: satisfaire une opinion israélienne en quête de revanche.

Des membres du gouvernement firent assaut d’extrémisme. Le [nouveau] ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, se hâta de prévenir qu’il «ne se contenterait pas de paroles [en l’air]», tandis que son vice-ministre, Élie Ben-Dahan, se montrait menaçant: «La vie à Yatta [3] ne va pas suivre son cours ordinaire»; Le ministre de l’Éducation, Naftali Benett, compara les meurtriers à «l’organisation terroriste au nord de nos frontières», et le ministre des Transports, Israël Katz, réclama des mesures préventives «qui resteraient dans l’histoire»; Le ministre des Sciences, Ofir Akouns, prôna l’expulsion des familles des terroristes et la démolition de leurs maisons, et la ministre de la Culture. Miri Reguev, appela à «brûler au fer rouge la conscience de l’ennemi».

Ces propos aussi creux que véhéments, de même que les châtiments collectifs, n’ont aucun intérêt réel. Ils ne sauveront pas la vie d’un seul citoyen d’Israël, ils ne feront qu’accroître la frustration et la haine de ceux qui sont contraints de vivre sous occupation israélienne et, au bout du compte, que pousser plus de jeunes au terrorisme.

Il est sidérant de voir à quel point le gouvernement israélien refuse de tirer des enseignements et d’admettre ce qui aurait dû être clair depuis longtemps: le terrorisme continuera tant qu’il n’y aura pas d’espoir à l’horizon pour le peuple palestinien. Nulle opération militaire ne l’éradiquera, nulle déclaration fracassante n’y mettra fin. La seule façon de s’y confronter est de libérer le peuple palestinien de l’occupation. Jusque-là, les Palestiniens continueront de s’opposer à celle-ci par la force, comme la plupart des peuples au cours de l’histoire.

Notes

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[1] Fondée par les Templiers allemands sur soixante hectares de terres non loin de Jaffa, et aux franges de la Tel-Aviv historique qui s’édifiera par la suite sous les auspices du Bauhaus, la colonie agricole et viticole de Sarona appartient aujourd’hui à la municipalité de Tel-Aviv. Celle-ci en restaure la soixantaine de maisons (anciennes fermes et leurs dépendances, auberge ou maison communautaire) et fait un parc des terrains qui les entouraient chacune. Ce vieux Sarona, autour duquel finissent de se construire des gratte-ciels, devient une zone commerciale à ciel ouvert, peuplée de bars et restaurants, de galeries ou de boutiques de mode… Bref le nouveau quartier branché de cette “ville qui ne dort jamais”…

2] Les hébreophones pourront prendre connaissance avec intérêt de cette conférence donnée par Michaël Feige, docteur en sociologie et anthropologie. Enseignant et chercheur, auteur d’une thèse portant sur les colons en Samarie, il était membre du Centre de recherches sur Israël et le sionisme de l’université Ben-Gourion du Néguev (Beer-Sheva). Comme on peut l’entendre dans cet enregistrement, ses positions étaient loin de celles de la droite israélienne: [

[3] Le bourg d’origine des deux coupables de l’attentat, situé à quelques kilomètres au sud de Hébron, et qui selon des sources palestiniennes avait fait l’objet le 28 août dernier d’une attaque menée par des colons.