« Lentement mais sûrement le sentiment grandit que le terrorisme reprend, et va de pair sur la scène mondiale avec l’allégation que nous n’avons pas su exploiter le temps dont nous disposions pour parvenir à un accord avec les Palestiniens », écrit Yoël Marcus, qui voit dans la reprise d’actes de terreur combinée à une offensive diplomatique au plan international un danger existentiel pour l’Etat d’Israël. Danger d’autant plus vif que l’instabilité inhérente au « printemps arabe » rend toute politique régionale incertaine.

Seul un réglement négocié du conflit israélo-palestinien sur le principe de « deux peuples deux Etats » refonderait la position d’Israël au Moyen-Orient sur des bases saines. Mais cela suppose, à quelques encablures du 20 septembre et de l’isolement accru du pays sur la scène internationale, une négociation de la dernière chance… dont on peut douter que le gouvernement Netanyahu soit à même de la mener, lui qui préfère l’immobilisme au jeu contre la montre.


Nous avons cinq sous-marins et quelques-uns des avions les plus sophistiqués du monde – sans compter le dernier mot en la matière, le F35, en bonne voie. De source étrangère, nous disposons également d’une force nucléaire. Mais un Arabe doté d’un couteau parvient pourtant à semer le chaos dans un quartier de boîtes de nuit au sud de Tel-Aviv [1]. Nul ne l’a dépêché, son cœur le lui a dicté. Notre armée et nos services de renseignements sont parmi les meilleurs au monde, mais des terroristes montent pourtant une embuscade sanglante sur la route d’Eilat et nous prennent au dépourvu.

Les nouveaux dirigeants de l’Egypte n’ont pas encore eu le temps de garantir le respect des accords de paix que des shebab emplis de haine manifestent devant l’ambassade d’Israël au Caire [2]. Il s’en est même trouvé un pour grimper et arracher le drapeau israélien du toit, et la foule enthousiaste l’a porté en héros.

Notre aviation sophistiquée est efficace face à des objectifs stratégiques éloignés, mais pas face à Ahmed, qui approche à dos d’âne, se cache derrière un arbre, tire une roquette et rentre à la maison. Peut-être a-t-il atteint sa cible, peut-être pas, mais il terrorise à coup sûr les habitants du sud d’Israël.

Une violence à petit feu impose son rythme à nos vies. Voyez comme une alerte du Renseignement avertissant que des terroristes étaient en chemin a chamboulé le quotidien de gens accoutumés à rouler sur l’autoroute Mitzpeh Ramon-Eilat, les bloquant sur les aires de repos. Ils nous épuisent à l’aide des armes les plus primitives. L’enjeu de leur guerre est la prise de conscience. Notre long coma est en train de prendre fin.

Nous entamons le mois de septembre dans la situation la moins confortable qui soit. Le monde est fatigué d’Israël, qu’un million de personnes manifestent ou non à Tel-Aviv pour des mesures de protection sociale ; et la nation est fatiguée de ses dirigeants et de la répartition injuste de la charge de l’économie et de la défense.

Lentement mais sûrement le sentiment grandit que le terrorisme reprend, et va de pair sur la scène mondiale avec l’allégation que nous n’avons pas su exploiter le temps dont nous disposions pour parvenir à un accord avec les Palestiniens. La combinaison d’actes de terreur et de pressions diplomatiques internationales compose le scénario d’épouvante dont nous avons moins que jamais besoin face à nos problèmes actuels.

L’armée et la police se préparent à toute éventualité, nous rassure-t-on. Elles se préparent, par exemple, à de possibles incursions violentes de manifestants palestiniens dans les implantations, en masse ou en petits groupes. Lorsqu’on parle de “préparatifs”, il faut comprendre qu’on apprend aux colons à se défendre en cas d’infiltration palestinienne. Une sorte de « H’oma ouMigdal – Le Rempart et la Tour » comme aux jours d’antan [3]. Mais, à bien repenser à cette brillante proposition, on se rend compte que les colons pourraient user des connaissances dispensées par l’armée contre l’armée elle-même quand il lui faudra évacuer des gens dans le cadre de quelque accord territorial que ce soit.

Le monde nous presse de profiter du temps qui reste jusqu’au 20 septembre – date où les Nations unies pourraient reconnaître officiellement l’entité palestinienne en tant qu’Etat – pour démarrer des négociations de dernière minute avec les Palestiniens. Nous nous trouvons hélas face à un président américain affaibli qui se bat bec et ongles pour sa réélection. Barack Obama a atteint le point où les Américains le critiquent à tout bout de champ. Il a adopté, face à l’ouragan, des mesures d’urgence dignes d’une situation de guerre mondiale, et on l’accuse aujourd’hui d’être un fauteur de panique. S’il n’avait pas pris la tempête au sérieux et qu’une catastrophe s’en était suivie, on aurait crié à la négligence.

En pareille situation, avec un tel président et dans la mesure où notre sort est en jeu, il est de première importance qu’Israël fasse preuve d’initiative et de force afin que la décision de l’Assemblée générale des Nations unies ne tourne pas au manifeste sévère à son encontre ; et ne le rende pas coupable de tout ce qui se passe dans la région.

Les experts régionaux disent que l’Autorité palestinienne se gardera de toute violence à l’encontre d’Israël. Il est de son intérêt de prouver que la volonté d’accord est de son côté, et que c’est Israël qui regimbe. L’armée aujourd’hui au pouvoir en Egypte a également intérêt à respecter les accords de paix avec Israël, à condition bien entendu qu’Israël ne soit pas accusé de dénier aux Palestiniens leur droit à un Etat.

Le Hamas, les Frères musulmans, Al-Qaïda et les Iraniens sont à l’affût, n’attendant que d’exploiter l’entêtement d’Israël. Le principe de résistance passive adopté par l’ex-Premier ministre Yitzhak Shamir s’est révélé mortifère ; Or, il persiste sous le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu et du ministre de la Défense Ehud Barak. Et ce n’est pas le dispositif anti-roquettes dit du Dôme d’Acier [4] qui nous sauvera alors qu’Israël s’exprime par la voix du ministre des Affaires Etrangères, Avigdor Liebermann. La sortie de ce long coma s’annonce explosive.

Nous abordons septembre dans les pires conditions. Quand la guerre en appelle aux consciences, il est urgent de faire place à de nouveaux dirigeants sur le devant de la scène.

Le pays est en danger.


NOTES

[1] Allusion aux événements du 20 août dernier où un Palestinien venu de Naplouse s’est rendu maître du taxi qui l’avait chargé à Jaffa avant de s’encastrer dans un barrage de police et de poignarder plusieurs personnes, à proximité de son objectif, l’un des clubs les plus connus de Tel-Aviv.

[2] Ici repris par extension, « shebab » est le nom adopté par des milices de la mouvance islamiste radicale principalement actives en Afrique orientale. Dans cet article publié le 2 septembre, Yoël Marcus fait bien évidemment allusion à des faits antérieurs à l’assaut contre l’ambassade d’Israël vendredi dernier : des manifestations de moindre ampleur avaient en effet suivi la mort de soldats égyptiens confondus par Tsahal avec les responsables d’un attentat, le 18 août.

[3] « Le Rempart et la Tour » : Mise en place par les institutions du Yishouv (la population juive de la Palestine mandataire) dans le contexte de la “révolte arabe » et des Livres blancs britanniques sur l’immigration, l’opération H’oma ouMigdal permit entre 1936 et 1939 l’installation en Galilée et dans la vallée de Beit-Shean de 51 kibboutzim ou moshavim entourés de palissades, dont chacun était monté en une nuit autour d’une tour de guet – comme Arthur Kœstler l’évoque dans son roman La Tour d’Ezra.

[4] Le dispositif fait appel à un système de détection et d’interception des roquettes, qu’un missile détruit alors dans les airs. Opérationnel dans un rayon de 70 kilomètres, le « Dôme d’acier » est censé pouvoir protéger le territoire contre des tirs simultanés.