Adopté hier dimanche 8 février par la Commission ministérielle des lois, un projet de décret enjoignant au système scolaire de “renforcer le concept d’Israël comme l’État-nation du peuple juif” va être proposé au vote de la Knesseth.


Il y a quelque vingt ans, la définition juridique d’Israël était celle d’un “État juif et démocratique”. Cette définition témoigne du succès du programme sioniste consistant à fonder un foyer politique pour les Juifs dans un cadre démocratique – un cadre qui confère l’égalité à tous ses citoyens, non-juifs compris.

Que cette formulation soit la bonne ne souffre pas contestation. Cela constitue une base solide pour le déploiement de l’État et l’intégration de ses citoyens non-juifs – objectif jugé essentiel par les gouvernements successifs du pays. Cette définition convient également aux amis d’Israël dans le monde, car elle reflète les valeurs fondamentales qui leur sont chères.

Mais, ces dernières années, une campagne agressive a été lancée, visant à modifier la définition d’Israël de façon à en renforcer la composante juive et lui subordonner la composante démocratique. C’est ainsi que divers décrets ont été adoptés, dont certains sont devenus des lois, telle celle qui permet à des commissions au sein de petites localités d’admettre ou rejeter des candidats-résidents [1]. Certaines de ces initiatives légales sont encore en discussion, dont la loi fondamentale [2] sur l’État-nation du peuple juif – pour laquelle la professeur Ruth Gavison, spécialiste en droits de l’être humain, établit une note de synthèse à l’intention de la ministre de la Justice, Tzipi Livni.

Malheureusement le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui n’est pas réputé défendre des positions anti-démocratiques, a suivi lui aussi le mouvement en demandant aux Palestiniens de reconnaître Israël comme “l’État-nation du peuple juif”.

Dans le cadre de cette campagne d’éradication de la définition “juif et démocratique”, la commission ministérielle des lois va débattre dimanche d’un décret enjoignant aux écoles de renforcer le concept qui pose Israël comme l’État-nation du peuple juif.

Mais de fait, le cas du professeur d’instruction civique Adam Verete, récemment convoqué au ministère de l’Éducation nationale pour avoir exprimé en classe des “points de vue de gauche” [3], montre qu’il est besoin d’une éducation qui renforce Israël en tant qu’État juif et démocratique ; et que ce décret ne devrait être perçu que comme un rejet de l’élément démocratique dans la définition d’Israël. Le décret explique qu’existe « une tentative d’attenter au lien particulier qui unit le peuple d’Israël à sa terre, à ce qu’il a d’unique, et à l’appartenance et l’attachement du peuple d’Israël à l’État d’Israël ».

Il est clair qu’aucune tentative de la sorte n’a eu lieu où que ce soit. Ce que nous avons ici est une tentative de la part de ceux qui proposent ce décret d’éroder la composante démocratique de la définition de l’État d’Israël. C’est une raison suffisante pour que la commission ministérielle rejette le décret, qu’on devrait voir dans une perspective plus large comme un élément de la campagne destinée à annexer les territoires occupés tout en empiétant sur les droits de leurs habitants palestiniens.


NOTES

[1] Suite à la polémique née de l’interdit rabbinique formulé à Safed de loger des étudiants arabes venus des villages environnants poursuivre leurs études dans la cité galiléenne, par ailleurs haut lieu de la tradition cabaliste, une loi fut adoptée permettant aux petites agglomérations d’agréer ou non sur leurs critères propres les candidats à résidence sous couleur de préserver leur cohésion idéologique.

[2] Les lois fondamentales sont venues pallier au fil du temps l’absence d’une constitution, dont la rédaction fut différée lors de la fondation de l’État par un David Ben-Gourion soucieux de préserver l’indispensable, quoique extrêmement faible, appoint des religieux à la coalition gouvernementale menée par les Travaillistes.

[3] L’affaire Adam Verete défraya il y a peu la chronique : après la publication sur Facebook par une de ses élèves (encouragée par un ex-député de droite, sinon d’extrême-droite), cet enseignant dans une école du réseau Ort, fut convoqué et sommé de s’expliquer. La direction prétendit alors qu’il avait reconnu avoir dit en classe, entre autres choses, que l’armée israélienne est immorale », et avait offert sa démission.

L’enregistrement de cette audition, dont Ha’Aretz a publié de larges extraits dans sa version hébraïque et les passages significatifs en traduction anglaise *, montrent qu’il n’en est rien. Verete refuse de fermement de démissionner malgré les pressions, et relate ainsi le débat sur Tsahal : “Les élèves ont émis l’assertion que Tsahal est l’armée le plus morale du monde [et en ont débattu.] À la fin, ils m’ont demandé quelle était ma position, et j’ai dit que je pensais que l’armée commet des actes immoraux, entre autres.”

* Or Kashti, “Tapes of teacher’s hearing contradict high school administration’s version of events”, Ha’Aretz du 24/01/2014 : [->http://www.haaretz.com/news/national/.premium-1.570328]