Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Auteur : Shaul Arieli, Haaretz, 2 septembre 2021

https://www.haaretz.co.il/opinions/.premium-1.10176415

Mis en ligne le 7 octobre 2021


En réponse à une demande qu’il a reçue de 100 soldats en juillet concernant la violence des colons, le ministre de la Défense Beni Gantz a écrit : « La plupart des colons en Judée et Samarie sont des gens raisonnables et respectueux des lois » (Haaretz, 21.7). Un examen attentif de 423 différents actes de violence des colons documentés par B’Tselem entre le 1er janvier 2020 et le 31 juillet 2021, montre que Gantz avait effectivement raison.

Cependant, l’examen révèle que la directive donnée par le ministre de la Défense à l’armée, qui était présente lors de la plupart des incidents, « d’agir activement pour maintenir la sécurité et l’ordre en Judée et Samarie, tout en exerçant tous les pouvoirs traditionnels des soldats des forces de défense israéliennes en droit et en pleine coordination avec la police israélienne » n’est pas appliquée. Le gouvernement, la Knesset et l’opinion publique israélienne doivent agir contre les auteurs de violences et garantir le succès de leur action.

Tous les incidents documentés – fusillades, attaques contre des maisons, agressions physiques, dommages matériels ainsi que ceux infligés aux cultures agricoles – se sont produits à l’arrière de la montagne, le long de la route 60, à l’exception de quelques incidents (à Maskiyot, dans le nord de la vallée du Jourdain). La route 60 sert d’axe central en Cisjordanie et, le long de celle-ci, des colonies du courant religieux national « Gush Emunim » ont été établies en divers points, afin de démanteler la continuité territoriale palestinienne et d’empêcher la création d’un État palestinien viable.

Au cœur des zones où se sont déroulés les incidents violents se trouvent 19 colonies (soit 15 % de l’ensemble des colonies de Judée et Samarie). Ces colonies – dont certaines sont accompagnées de plusieurs avant-postes illégaux – sont dispersées de Shavei Shomron, au nord de la Cisjordanie, à Susya, au sud. Sur les 19 colonies, celles qui arrivent en tête pour le nombre d’incidents dans leur zone, principalement des fusillades et des agressions, sont Yitzhar et Bracha, Ali et Shiloh, la communauté juive d’Hébron, Maon et Susya. À la fin de 2020, 57 400 Israéliens vivaient dans ces 19 colonies, ce qui ne représente que 12,6 % de la population israélienne totale en Judée et Samarie.

Le chiffre le plus marquant et le plus révélateur concernant ces 19 colonies est le score, lors des dernières élections, en mars 2021, du parti « Sionisme religieux » dirigé par Bezalel Smutrich, Itamar Ben Gvir et Orit Struck, arrivé en tête dans 16 de ces communes (et dans la plupart d’entre elles, il a même reçu plus de 50 % des suffrages). « Yamina », dirigé par Naftali Bennett et Ayelet Shaked, est arrivé en deuxième position dans la plupart de ces localités, en plus d’être arrivé en tête dans l’une d’entre elles. Une autre caractéristique marquante de ces localités est leur faible classement socio-économique. En effet, 37 % d’entre elles sont classées dans le tiers inférieur de l’échelle (groupes 2-3) et toutes, à l’exception de Neve Tzof (groupe 6), sont classées dans la moitié inférieure de l’échelle (groupes 2-5).

Si le lieu des événements indique leurs auteurs, alors certains des électeurs du « sionisme religieux » dans ces colonies tentent de réaliser les principaux objectifs du parti – « le Grand Israël, l’annexion de la Judée et de la Samarie et la retenue judiciaire » – en violation de la loi. N’ayant pas réussi à obtenir une majorité juive et une domination spatiale en vertu de la loi israélienne, qui est très « souple » en leur faveur, ils tentent d’y parvenir par des moyens violents et illégaux, et feront tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher un accord avec les Palestiniens.

Lors des négociations avec les Palestiniens, Israël n’a jamais exigé l’annexion d’aucune de ces petites colonies isolées, qui ont été établies au cœur de la zone densément peuplée des Palestiniens. Ariel Sharon a cherché à évacuer certaines d’entre elles dans le cadre du plan de désengagement en 2005, afin de créer un continuum territorial palestinien qui permettrait à l’Autorité palestinienne de gouverner plus facilement la Cisjordanie, même sans accord de paix.

Les principaux points de la politique du « sionisme religieux » ont été décrits dans une interview accordée par Smutrich à Arutz 7 en septembre 2017, dans laquelle il soulignait notamment que son programme est « le seul programme qui n’est pas prêt à admettre un collectif arabe désireux de réaliser des aspirations nationales ici en Israël… Par conséquent, il ne doit pas y avoir de collectif arabe ici… Quiconque pense qu’il va rester ici et continuer à saper notre existence et notre identité juive rencontrera des forces israéliennes déterminées. Après la décision consciente viendra aussi la décision militaire… Je veux recréer ce qui s’est passé en 1947 des deux côtés de la Ligne verte… la seule façon de protéger le seul État juif au monde est de couper l’espoir de l’autre côté« .

Le Premier ministre Naftali Bennett doit faire une déclaration claire contre la minorité violente, donner des instructions aux forces de sécurité pour agir en conséquence et, surtout, veiller à ce que la directive soit appliquée. Et le ministre de la Défense, qui a écrit dans sa lettre que « nous ne devons pas, en tant que société, permettre à des individus cherchant à répandre le feu de la haine entre nous et nos voisins de donner le ton« , de s’assurer que les Forces de Défense Israéliennes ne permettent pas à une minorité violente de réussir dans ses activités. Il faut s’assurer que la présence des FDI lors d’événements se traduit par un engagement actif dans la prévention et l’arrestation des personnes impliquées, en coopération avec la police et le Shin Bet. La Knesset et le public israélien sont confrontés à un plus grand défi : ils doivent reconnaître les conséquences désastreuses du programme du « sionisme religieux » et des déclarations de ses dirigeants, qui créent une atmosphère encourageant les comportements violents, et les exclure du système politique israélien.