Il semble que ce soit l’incertitude qui prédomine à l’approche des élections israéliennes du 17 septembre. Les analyses et prévisions ont été multiples et après nous être exprimés à plusieurs reprises sur des points fondamentaux, nous nous garderons bien de nous livrer à de nouvelles supputations à deux jours du scrutin en nous basant sur des sondages dont la fiabilité est plus que sujette à caution. Il apparaît cependant assuré que la proclamation des résultats, plus qu’un aboutissement, marquera le début de la phase cruciale qui débouchera sur la formation du gouvernement. 

En effet, c’est en termes de « bloc » qu’il conviendra d’analyser les résultats et le rapport de force entre les blocs en présence ne devrait guère évoluer suite à ces élections, de ce fait d’une utilité incertaine. Le bloc de droite sera plus important que celui du centre-gauche mais cette avance ne lui permettra pas de franchir la barre des 61 sièges. Dans ces conditions, Avigdor Lieberman, à l’origine de la chute du gouvernement précédent, se maintiendrait en position de « faiseur de roi ».

À partir de là, plusieurs scenarii sont possibles et, comme durant la campagne et plus encore, tous les coups seront permis. N’a-t-on pas vu Netanyahu, pour gagner quelques voix, ne pas hésiter à accuser, sans apporter la moindre preuve, les leaders de Bleu-Blanc/Kakhol Lavan, d’être à l’origine de la fuite révélée par le journal Politico, imputant à Israël une tentative d’espionnage de son allié américain ?

Sous le couvert de l’intérêt national, des menaces (bien réelles) aux frontières, du Sud ou du Nord, ou les deux à la fois, tous les retournements, trahisons et petits arrangements deviendraient possibles sinon probables.

On sait que le  niveau de la participation électorale sera déterminant mais son estimation reste un exercice improbable. Lassitude chez les uns, rejet des élections parmi une population arabe que la droite s’est efforcée avec constance de délégitimer, notamment avec l’affaire des caméras dans les bureaux de vote auxquelles toutes les instances juridiques étaient opposées : qu’à cela ne tienne, Netanyahu a voulu passer en force, heureusement sans succès, mais le venin a néanmoins été distillé. Quelle sera la mobilisation des orthodoxes (aux précédentes élections 63% de votants à Tel Aviv, 77% à Bnei Brak)? Quelle part de vérité dans l’assertion que 170 000 électeurs potentiels de Kakhol Lavan seraient à l’étranger le jour du scrutin?

Quoi qu’il en soit, ceux qui comme nous ne votent pas, mais pour autant sont plus que des observateurs, et soutiennent le camp de la paix, ne peuvent que constater que les questions se rapportant au conflit israélo-palestinien et à sa solution politique n’ont pas été, loin s’en faut, au cœur du débat. Pire, la démagogie électoraliste a poussé Netanyahu à multiplier déclarations irresponsables et promesses d’annexion. Or, comme le fait remarquer un observateur : « Avec l’annexion comme politique officielle, tout change. À partir du moment où l’État d’Israël considère les colonies comme faisant partie de celui-ci, « Israël proprement dit » cesse d’exister. L’ensemble d’Israël devient une colonie« . C’est alors sa légitimité internationale qui s’en trouve entachée.

Nous apprécions l’évolution positive qui s’exprime à travers la déclaration d’Ayman Odeh, le chef de la liste arabe unie, qui s’est dit prêt à entrer « à certaines conditions » dans un gouvernement de centre-gauche, alors que les partis arabes se sont toujours refusés à toute participation à un gouvernement en Israël. Les critiques parmi certains de ses alliés ont été certes aussi vives que la réticence – c’est un euphémisme – manifestée par Kakhol Lavan, et ne parlons pas de la droite. Nul doute cependant que cette approche fera son chemin.

 

L’ère Netanyahu touche à sa fin. Il est possible que ce soit maintenant, sinon ce le sera sous peu; changer un homme, cet homme, est certes important mais changer de politique l’est davantage encore. Beaucoup reste à faire en ce domaine même si les roquettes du Hamas et les rodomontades du Hezbollah ne facilitent pas une telle évolution, pourtant nécessaire, de l’opinion publique afin qu’Israël, celui de sa déclaration d’Indépendance et non celui de la loi « État-nation », parvienne à un accord avec les Palestiniens sur la base de deux États.

Contrairement à Sartre qui, dans Le Diable et le bon Dieu, disait « je préfère le désespoir à l’incertitude« ,  nous optons pour « l’espoir que l’incertain laisse possible« . 

Ilan Rozenkier

14 septembre 2019

Illustration : Amos Biderman, 13 sept. 2019