Haaretz, le 15 septembre 2004

[->http://www.haaretz.com/hasen/pages/ShArtVty.jhtml?sw=train&itemNo=478063]


Une épineuse question ennuie le Procureur General israelien Menachem Mazuz
depuis plusieurs semaines : est-il possible de poursuivre le projet de la
ligne ferroviaire rapide de Jerusalem, qui enjambe les territoires
palestiniens en deux endroits ? La question a été soulevée suite à la
décision de la Court Supreme israelienne relative au trace de la barriere
de separation dans la region de la Route No. 443 et pres de Mevasseret
Sion. Mazuz a donne l’ordre de suspendre le projet de voie ferree a sa
decision. D’apres son bureau, « Cette question est sous un examen
juridique, conduit en cooperation avec la direction des chemins de fer et
le bureau du Conseiller juridique general de Defense. »

La longueur de chacune des deux section projetees est de seulement 2,5
kilometres. L’une se trouve dans la region de Latrun et l’autre pres de
Mevasseret Sion. Pourtant, et malgre le fait qu’il est propose que ces
deux sections soient souterraines, le projet a ete interrompu. Non
seulement les aspects legaux sont examines, mais les fonctionnaires des
Autorites de plannification eux-memes se demandent s’il est intelligent, a
long terme, de faire franchir la Ligne Verte par cette voie ferree.

Une reflexion similaire a guide les planificateurs de l’Autoroute
Transisraelienne ; ils ont evite de retenir un trace enjambant la Ligne
Verte. Il y avait a vrai dire un groupe faisant pression dans l’autre
sens. Rafael Eitan, alors ministre du gouvernement, et l’organisation des
Professeurs pour un Israel fort ont exige de deplacer le trace de
l’autoroute vers l’Est, profondement en Cisjordanie. Mais l’Etat s’y est
oppose.

L’Etat agit de la meme maniere pour d’autres infrastructures. En depit du
probleme majeur de terrains a l’interieur d’Israel, l’Etat n’a pas alloue
de surface pour des cimetieres au-dela de la Ligne Verte. Les bases
permanentes de l’armee israelienne sont uniquement situees a l’interieur
des frontieres nationales de 1967 ; les installations militaires dans les
territoires sont destinees uniquement à fournir un soutien logistique pour
des besoins operationnels courants. Le schema directeur national
d’amenagement du territoire, qui cartographie le developpement futur des
infrastructures de l’Etat, s’arrete a la Ligne Verte.

Ainsi, quelqu’un desirant regarder une coupe a moitie pleine pour Rosh
Hashanah (Nouvel an juif) peut fonder un peu d’espoir sur les donnees
soulignees precedemment. Peut-etre ces faits indiquent-ils que dans son
inconscient collectif, la societe israelienne et ses dirigeants ont evite
pendant les 37 dernieres annees de prendre des decisions qui auraient cree
des liens irremediables avec les territoires. Peut-etre le fait qu’Israel
s’est retenu d’annexer officiellement la Cisjordanie via sa legislation
temoigne-t-il de cette politique officieuse evitant la creation d’attaches
irrevocables.

Il existent aussi des arguments convaicants qui peuvent etre presentes
pour refuter en apparence cet hypothèse. Par exemple, l’entreprise
d’implantation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a cree sur le
terrain des faits impressionnants : 150 implantations (dont trois grandes
villes), qui abritent pres de 245.000 habitants.

Plannification a long terme

Il est egalement possible d’arguer que la plannification a long terme
s’arrete a la Ligne Verte a cause de contraintes juridiques, etablissant
une distinction entre le terrain a l’interieur des frontieres souveraines
d’Israel et les territoires conquis lors de la guerre des Six-Jours. De
plus, cela n’empeche pas le developpement d’implantations juives en
Cisjordanie d’apres les lois jordaniennes de la construction et de
l’amenagement du territoire qui prevalaient en 1967. Cela ne fait pas
obstacle non plus aux activites de l’administration civile. Ainsi le
diagnostique celebre du chercheur Meron Benvenisti stipulant que la
situation dans les territoires a depasse le point de non retour semble
plus credible chaque jour.

Cependant, en cette veille de Rosh Hashanah, on peut toujours puiser des
encouragements dans le fait que depuis le jour ou Israel s’est retire du
Sinai à la faveur de l’accord de paix avec l’Egypte, l’armee s’est abstenu
de developper des infrastructures a long terme au-dela de la Ligne Verte.
(L’exemple le plus recent en est la contruction d’une nouvelle base
d’entrainement pour la brigade et les parachutistes du Golan.) On peut
egalement fonder son espoir sur le fait que les autorites impliquees dans
l’amenagement du territoire national prennent en consideration
l’eventualite qu’Israel ait un jour a se separer des territoires.

C’est une hypothese qui demeure tacite dans le but d’eviter la
controverse. (Lorsque ce scenario fut rendu public pour la gestion de
l’eau a long terme, l’echelon politique vira l’auteur du rapport.) Mais ce
scenario est en fait present partout ou les avants-projets sont esquisses.
La plannification est par essence modulable, prete a s’adapter a deux
situations : Israel continue a etre connecte aux territoires ou Israel
s’en desengagent. L’explication habituelle pour ces deux approches
prospectives n’est pas necessairement relative aux doutes sur l’avenir des
territoires, mais constitue plutot une expression de la part elevee
d’incertitude quant a la planification a long-terme en Israel en raison de
pressions enormes dirigees sur les projets par des groupes detenant des
droits acquis.

Le plan directeur pour Israel pour les deux prochaines decennies, qui a
ete developpe sur six annees par une equipe multidisciplinaire conduite
par le professeur et specialiste en amenagement du territoire Adam Mazor,
prends en compte un scenario dans lequel Israel vit en paix avec ces
voisins. Sur cette hypothese (une des nombreuses parmis celles qui ont
oriente les plannificateurs), les frontieres du pays sont envisagees comme
des points de rencontre avec des voisins plus que comme des zones tampons
pour la securite. Le scenario ne demarque pas la frontiere entre Israel et
les Palestiniens, mais fait l’hypothese qu’une entite palestinienne
independante existe a l’Est d’Israel, et se trouve peut-etre liee au
royaume de Jordanie.

Et les voisins ?

Le plan comprends egalement un scenario d’hostilites renouvellees entre
Israel et les Palestiniens. (Ce plan pour 2020 a ete termine en 1997.)
Mais il ne conclue pas que ce conflit se poursuivra tout au long des 25
annees du plan. Ainsi, le plan pour 2020 indique des directions pour le
developpement de l’Etat comme partie integrante de son environnement,
organisant sont espace national en cooperation avec ses voisins.

Le Plan national israelien 35 se base sur le plan pour 2020. Il n’aborde
que les regions a l’interieur de la Ligne Verte et fonde le developpement
de l’Etat sur la creation de quatre metropoles : Jerusalem, Tel-Aviv,
Haifa et Beer-Sheva. Il existe bien un conseil de la plannification pour
les territoires (localisé dans l’implantation juive de Beit-El) qui
developpe des projets locaux et regionaux pour la Cisjordanie. De la meme
maniere, il existe un comite regional de la plannification dans la bande
de Gaza qui travaille sous le code egyptien de l’amenagement du
territoire.

Cependant, sans doute ce Plan national 35, qui trace le futur visage
d’Israel, est-il d’une importance significative, en cela qu’il ne fait pas
l’hypothese que les territoires seront une partie de l’Etat. Surtout, le
plan admet qu’il y aura des ajustements de frontieres, mutuellement
acceptes par Israel et l’Autorite palestinienne. Il presente des cartes
rendant possibles des liens entre Israel et ses voisins – l’Autorite
palestinienne, la Jordanie, la Syrie et le Liban – et les principes de la
plannification sont bases sur l’exploitation de la petitesse de l’Etat
(c’est-a-dire sans la plupart des territoires).

Il se peut que ceux qui ne sont toujours pas convaincus soient
impressionnes par le fait – confirme par les conseils religieux de
Cisjordanie et de la bande de Gaza – que de nombreuses familles juives (20
pour cent en certains endroits, et jusqu’à 50 pour cent en d’autres)
vivant dans les territoires choisissent d’enterrer leurs morts a
l’interieur de la Ligne Verte plutot que dans les implantations dans
lesquelles elles vivent.