On se souvient des déclarations aussi incohérentes qu’affligeantes de Ma’hmoud Abbas, que nous ne rappellerons pas ici. Nous les avions condamnées, cela va sans dire, mais mieux encore en le disant, et avions fait remarquer que cette “petite musique” mâtinée d’antisémitisme n’était pas nouvelle chez lui. Nous avions aussi noté, par-delà l’abjection  évidente de certains passages, d’autres éléments qui méritaient de retenir l’attention — et que nombre de ceux qui s’étaient précipités pour utiliser ce discours afin de mieux enterrer toute possibilité de négociation avec l’AP, s’étaient bien gardés de mentionner : « Je ne dis pas qu’Israël doit être délogé, Israël existe et tout ce que je veux, c’est un État pour que nous puissions tous ensemble vivre en paix » avait-il déclaré.

Lettre d’information de La Paix Maintenant, le 8 mai 2018

Photo : Ma’hmoud Abbas à la tribune, lundi 30 avril 2018. [DR]

Il avait également réitéré son engagement envers une solution à deux États, ce que beaucoup de dirigeants israéliens ne font plus. Enfin, tout en soutenant le principe de la résistance populaire, symbolisée par la “marche du grand retour” le long de la bande de Gaza, il avait appelé à ne pas envoyer les enfants vers la clôture, pour ne pas créer une « génération de handicapés » ; ce qui équivalait — et était passé relativement inaperçu — à condamner l’instrumentalisation qu’en faisait le ‘Hamas. Il donnait ainsi partiellement raison à Israël.

Les condamnations ont été générales, depuis l’Onu jusqu’à l’UE en passant pas la France et même l’Allemagne, y compris par des pro-palestiniens convaincus. Ceux qui se plaignent que « le monde est contre nous », toujours et à propos de tout, en sont pour leurs frais. Et puis, point d’orgue à ce frisson médiatique, le revirement de Mahmoud Abbas, lequel a  personnellement offert ses excuses : « Si mes propos devant le Conseil national palestinien ont offensé des gens, en particulier des gens de confession juive, je leur présente mes excuses. » Dans son communiqué, il réaffirme sa condamnation de l’Holocauste et de « l’antisémitisme sous toutes ses formes ». Qu’un dirigeant politique s’excuse est assez rare pour ne pas s’en féliciter. On attend toujours que B. Nétanyahou fasse de même pour ses récentes accusations, infondées, à l’encontre des Arabes qui, lors d’un match de football à Sakhnin, n’auraient pas respecté la minute de silence en mémoire des jeunes Israéliens décédés lors d’une brusque inondation dans le Néguev. Son objectif, toujours le même, discréditer et délégitimer la population arabe israélienne.

Mais le rétro-pédalage de M. Abbas, pour positif qu’il soit, est insuffisant — notamment dans le contexte français actuel, marqué par la problématique de la résurgence de l’antisémitisme et par sa prégnance en milieu arabo-musulman. Compte tenu de l’impact du conflit israélo-palestinien dans “les quartiers”, comme on dit, il est essentiel, au-delà des excuses portant sur l’intentionnalité du locuteur, de dénoncer le contenu même des propos, leur fausseté autant que leur dangerosité. De cela, pas un mot dans la rétractation de M. Abbas. Rien sur « le comportement social des Juifs » etc. etc. (cf. les dérapages abondamment mentionnés ailleurs). Il peut donc et doit donc mieux faire. Le camp de la Paix israélien est suffisamment exigeant et critique à l’égard de ses propres dirigeants pour ne pas manifester la même disposition à l’égard des Palestiniens lorsque cela s’impose.

L’Auteur

Sociologue et membre-fondateur des Amis de Shalom Akhshav, devenus La Paix Maintenant, Ilan Rozenkier a été élu président de l’association en 2014.