[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/789163.html]

Ha’aretz, 17 novembre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Combien de fois encore allons-nous entendre que les tueries et les espoirs évanouis continueront tant que Gilad Shalit ne sera pas libéré? C’est, en substance, ce que dit le premier ministre alors que les Qassam qui pleuvent sur les villes et les villages du Sud rejouent le scénario ressassé jusqu’à l’écoeurement des campagnes militaires et de l’impasse politique. Quelle curiosité Ehoud Olmert éveille-t-il quand il déclare qu’il va surprendre le monde par les concessions qu’il est prêt à faire, si seulement Mahmoud Abbas veut bien lui parler? Rien n’empêche Olmert de parler à Mahmoud Abbas, ni de lui révéler enfin ses intentions. Rien, sauf Olmert lui-même.

Et qu’ont fait les Israéliens pour mériter ce déblatérage incessant selon lequel il n’y a personne à qui parler? Il y a quelqu’un à qui parler et il y a quelque chose à faire, à condition qu’on le veuille. Yossi Beilin le prouve une fois encore : à sa manière, discrète et dans la coulisse, il prépare depuis des mois une plate-forme de négociations. Pour le moment, il ne l’a pas rendue publique. Beilin croit aux vertus du travail souterrain, du moins tant qu’il n’apporte pas quelque résultat. Mais, alors que ceux qui s’opposent infatigablement à tout accord continuent à mépriser Oslo sans offrir d’alternative, le nouveau document Beilin propose une voie articulée pour se diriger, rationnellement et progressivement, vers des négociations sur une solution définitive. Lui et ses conseillers ont choisi le bon moment. L’Amérique commence à prendre ses distances avec les caprices des néo-conservateurs et avec la croyance quasi religieuse en la force seule. Son président a déjà commis toutes les erreurs, et il est à présent à la recherche d’une alternative.

James Baker, ancien puissant secrétaire d’Etat de l’administration Bush père, et Lee Hamilton, ancien président de la commission des affaires étrangères des la Chambre des représentants, se préparent à finaliser un plan pour changer la politique américaine au Moyen-Orient, à la demande du président.

Si Bush se décide à adopter ce plan, le moment tant attendu arrivera où les Etats-Unis commenceront à agir dans la région à partir d’hypothèses différentes. Et il est bien sût impératif, compte tenu des positions de l’Iran, que la politique étrangère de Washington s’adapte à ses véritables intérêts. Beilin et ses collaborateurs ont déjà rencontré, au cours de la préparation de leur document, tous ceux qui comptent au sein de l’Autorité palestinienne : Abbas, des proches conseillers comme Yasser Abed Rabbo, Saeb Erekat et Salam Fayyad. Deux jours avant la visite d’Olmert à Washington, Beilin a remis le document à David Welch, vice-secrétaire d’Etat chargé des affaires du Moyen-Orient, à Koffi Annan à New York, et aux personnalités qui conduisent la diplomatie européenne, comme Javier Solana. Cette liste de personnalités n’a pas été choisie au hasard. Si Olmert n’avait agi ne serait-ce qu’un peu en ce sens, Shalit aurait été libéré depuis quelque temps déjà, et la ville de Sderot n’aurait peut-être pas eu à enterrer Faima (Fatima) Slutsker.

Beilin a choisi délibérément de ne pas parler avec les représentants du Hamas. Il a laissé cela au président de l’Autorité palestinienne, et ce n’est pas un hasard si ce dernier a choisi cette semaine pour prononcer un discours d’apaisement et une invitation à la négociation (« Ne ratez pas la paix »). Le document prévoit de sauter la première phase de la Feuille de route, dans le coma depuis plusieurs années, et de commencer à évoquer des retraits israéliens à grande échelle des territoires occupés. La décision quant à la création d’un Etat dans des frontières provisoires appartiendra à l’Autorité palestinienne. Au cours des pourparlers prévus, la première décision concernera évidemment l’institution d’un cessez-le-feu. L’Autorité palestinienne libérera Gilad Shalit, en même temps que la libération d’un nombre important de prisonniers palestiniens par Israël (après tout, Ehoud Olmert l’a promis), et qu’un allègement des conditions de vie honteuses imposées à la bande de Gaza.

Les questions de Jérusalem et des réfugiés seront discutées lors de l’étape suivante des négociations, sur un accord de règlement définitif, avec l’aide des Etats-Unis, de l’Union européenne et du « quartet arabe » (Egypte, Jordanie, Arabie saoudite et Emirats). L’accord aura pour base les lignes de 1967 et la proposition saoudienne, adoptée par deux fois depuis quatre ans par des sommets des Etats arabes, avec des « modifications qui reflèteront la réalité sécuritaire et démographique, agréées par les deux parties. »

Que ceux qui, à droite, détestent Beilin disent ce qu’ils veulent. Le nouveau plan Beilin, rendu public pour la première fois ici, propose ce qu’Olmert, avec ses artifices, avait le devoir de proposer il y a longtemps. Ce plan, dont les détails dépassent le cadre de cet article, n’est pas assuré de réussir. Mais il prouve une fois encore que le calme et la tranquillité ne seront notre lot que quand il sera mis fin à la politique irresponsable du premier ministre : un homme qui parle bien, mais dont les échecs sont dangereux.