Photo : Gal Keidan

 

On connaît Had Gadia, cette chanson traditionnelle que l’on chante le soir de Pessah. Nombreux également ceux qui connaissent la version de Hava Alberstein qui a repris cette comptine aux pires moments de la seconde Intifada en y ajoutant des couplets.

Jusqu’à quand ce cycle de terreur ?

Persécutés et persécuteurs 

Battus et battants

C’est moi qui ai changé.

Difficile en ce jour de ne pas penser à ces paroles alors qu’un jeune israélien de 19 ans, Gal Keidan a été tué et que deux autres sont sérieusement blessés. Il y a quelques jours les victimes étaient palestiniennes. Et demain, quelles seront-elles ?

Jeudi soir ce furent deux roquettes longue portée qui ont été tirées depuis Gaza en direction de Tel Aviv. L’ont-elles été volontairement ou par erreur ? Peu importe : le mal a été fait, réveillant pour autant s’il avait besoin de l’être, le sentiment d’insécurité et de fragilité existentielles de nombre d’Israéliens, terreau fertile d’un vote extrémiste. Ce regain de tension intervient alors que la campagne électorale, particulièrement agressive, bat son plein.

On ne s’étonnera donc pas que la droite – Miri Regev, la ministre de l’inculture – sans même attendre l’inhumation de Gal, ce qui ne s’était jamais produit, ait déjà tenté « d’embrigader » les victimes, déclarant dans une interview : « Gantz et Lapid nous conduiront vers d’autres attentats du même genre ».

Naftali Bennett, le chef d’une droite qui malgré son sigle de Nouvelle droite n’a rien de nouveau, n’a fait ni mieux ni dans la dentelle en déclarant : « Particulièrement des jours comme aujourd’hui où les choses sont plus difficiles à admettre que jamais, je vais pourtant le faire : lorsque les militaires voient un terroriste, ils y réfléchissent à cinq fois avant d’ouvrir le feu sur lui parce qu’ils craignent d’être poursuivis devant un tribunal ». Sans honte ni tremblement dans la voix, il a ainsi  explicité la mission qu’Ayelet Shaked  et lui-même s’assignent : pour remporter la victoire sur le Hamas, il faut vaincre la Cour suprême, ce qui délivrera l’armée de son emprise qui bride sa capacité de combat. Pas étonnant que la famille de la victime ait demandé à l’armée de ne pas permettre aux « politiques » d’assister aux obsèques.

Les événements de ces derniers jours pourraient s’avérer décisifs si venait à se confirmer que le Hamas comptait bien se présenter aux élections du 9 avril. En d’autres termes, si le Hamas provoquait la multiplication de tels faits ou s’il ne parvenait pas à instaurer un « profil bas », le risque serait grand de se retrouver dans une situation non pas identique mais comparable à celle qui a prévalu lors des élections de fin mai 1996. Netanyahu les remporta, devançant Shimon Pérès de moins de 30 000 voix. Certes, à l’époque, Bibi était outsider, ce qui n’est plus le cas présentement. Mais alors que Benny Gantz et lui-même sont au coude à coude, violences et victimes aux frontières et dans les territoires occupés pourraient lui permettre de distancer son concurrent dont le dynamisme semble déjà s’effriter quelque peu, selon un sondage révélé aujourd’hui même.

La société israélienne, en regard d’un Premier ministre qui affaiblit la confiance du public dans les institutions de la démocratie, sème la division en Israël et entre Israël et les populations juives de par le monde, sans pour autant parvenir à restaurer calme et sécurité, a plus que jamais besoin de ce changement pour un retour à ses valeurs et savoir à nouveau qui elle est.

Autrefois, j’étais un agneau, un chevreau tranquille.

Aujourd’hui, je suis un tigre, un loup.

J’étais une colombe, une biche.

Aujourd’hui, je ne sais plus qui je suis.

Ilan Rozenkier

17  mars 2019