SIMON EPSTEIN répond aux questions de Paul Ouzi MEYERSON sur l’existence d’une violence juive, civile et politique, émanant d’une partie des habitants de la Cisjordanie. Quelle est la nature de cette violence qui s’exerce contre les Palestiniens mais aussi contre les forces de sécurité d’Israël ? Quels en sont les auteurs ? Quel danger pour la démocratie israélienne ? Que faire?
SIMON EPSTEIN est docteur en sciences politiques. Historien, il a enseigné à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le peuple juif ainsi que sur l’antisémitisme européen. Il a publié «Les chemises jaunes, l’extrême droite raciste en Israël». (Calmann-Levy, 1990). Son dernier ouvrage: « 1930, une année dans l’histoire du peuple juif “ (Stock, 2011).
La paix s’accommode mal de la violence. Nous avons parlé, lors de notre dernière émission, du développement de la criminalité dans la société arabe israélienne. Aujourd’hui, nous parlerons de la violence politique qu’entretient une partie de la population juive de Cisjordanie contre les Palestiniens et les forces de sécurité d’Israël. Rien que ces deux dernières semaines, des centaines d’oliviers ont été détruits, plusieurs villages arabes ont été attaqués et des soldats israéliens ont été blessés par des assaillants juifs alors qu’ils essayaient de les disperser. 

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Simon Epstein tient à souligner que la violence des “jeunes des collines”, est inhérente à leur manière de s’installer sur des terrains qui ne sont pas des “terres d’Etat”. Ce faisant, ils accaparent des terres privées qui appartiennent à des familles ou à des villages palestiniens.  L’historien rappelle que, de 1967 jusqu’aux années 1990, les implantations juives autorisées par le gouvernement israélien en Cisjordanie occupaient des “terres d’Etat”, c’est-à-dire des terres qui dépendaient des autorités gouvernantes : les Turcs puis les Anglais,  les Jordaniens puis les Israéliens.

Simon Epstein poursuit : “Depuis les années 2000, sous les gouvernements du Likoud, notamment ceux dirigés par B. Netanyahu, certaines implantations officielles se sont naturellement agrandies et ont cherché à acquérir de nouvelles surfaces. Simultanément des petits groupes d’activistes ont créé de nouvelles  implantations juives  sauvages, autour d’une trentaine à ce jour. Pour les unes comme pour les autres, il fallait s’étendre sur des terrains privés palestiniens, car il n’y avait plus de “terres d’Etat” disponibles. Ces extensions et ces nouvelles implantations se sont réalisées de manière anarchique en dehors du cadre légal israélien, notamment  lié aux accords d’Oslo”.

L’historien considère qu’à partir de cette époque et de cette nouvelle forme de développement des implantations, apparaissent des militants juifs radicaux qui se heurtent aux propriétaires et villageois palestiniens, ainsi qu’aux forces de sécurité d’Israël (l’armée et la police) qui essaient de faire respecter la loi et de séparer les protagonistes. Bien que la grande majorité d’entre eux soit issue des rangs du sionisme-religieux, ils n’obéissent plus, cependant, aux structures et aux dirigeants de cette mouvance et se heurtent, souvent, aux responsables de l’administration israélienne en Cisjordanie. Simon Epstein précise “ils ne sont que quelques milliers, aussi bien en Cisjordanie qu’en Israël même, et leurs implantations sont minuscules. Mais ils bénéficient de soutiens politiques, financiers et juridiques importants, surtout depuis que Netanyahu a fait entrer des députés proches des idées kahanistes (1)  au Parlement”.

(1)  Le rabbin Meïr Kahana prônait une ligne ultra-nationaliste messianique et raciste  favorable au “Grand Israël” et au transfert de tous les Palestiniens des territoires occupés ainsi que des Arabes israéliens hors du pays.