Simon EPSTEIN: “On ne peut pas être antiraciste en diaspora et raciste en Israël
Dans le cadre de Chroniques pour la paix, émission bimensuelle sur Radio Shalom parrainée par La Paix Maintenant et JCall, Paul Ouzi MEYERSON revient avec Simon EPSTEIN sur le différend entre Israël et la Pologne concernant les visites mémorielles sur les lieux de l’assassinat du peuple juif. En effet, juste avant les grandes commémorations nationales de Yom haShoah Yom haZikaron et Yom ha Atsmaout, un accord a été signé qui relance ces voyages du souvenir, accord immédiatement critiqué notamment par les responsables de Yad Vashem. Que révèle le traitement de ce dossier sur le fonctionnement du gouvernement et, par extension, sur sa nature?
Simon EPSTEIN, historien, docteur en sciences politiques. a enseigné à l’Université Hébraïque de Jérusalem, ville dans laquelle il vit depuis 1974. Auteur de plusieurs livres sur le peuple juif ainsi que sur l’antisémitisme, notamment en France durant les périodes de l’affaire Dreyfus et de l’occupation allemande, il a publié « Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance « (Albin Michel, 2008), « 1930, une année dans l’histoire du peuple juif » (Stock 2011). Il avait publié en 1990 « Les chemises jaunes, l’extrême droite raciste en Israël », une thématique de pleine actualité.

Simon EPSTEIN explique comment, sur la base d’une vérité : « ce ne sont pas les Polonais qui ont crée les camps de concentration et d’extermination en Pologne », le régime autoritaire et nationaliste en Pologne aujourd’hui… « a développé une idéologie fantasmagorique selon laquelle non seulement les Polonais n’ont pas participé à ce qui a été commis à l’encontre des Juifs mais ils les ont aidés et leur ont porté assistance… » . Selon lui, le gouvernement israélien a coopéré à cette approche car « … sur une base morale, il ne voit aucun mal à coopérer avec un gouvernement autoritaire car lui-même aimerait devenir autoritaire... » En outre, « c’est un gouvernement incompétent… Ceux qui ont négocié ce second accord n’ont fait aucun travail de recherche… ils ont accepté la liste des lieux que l’on cherche à forcer les Juifs à visiter au cours des voyages mémoriels, alors qu’ils comprennent des musées et des lieux inacceptables, célébrant des héros de l’armée secrète antisémite et qui a contribué à massacrer des Juifs. »
Paul Ouzi MEYERSON se demande si ce n’est pas la nécessité de trouver un soutien diplomatique qui serait à l’origine de cet accord. Simon EPSTEIN met en cause « ce gouvernement scélérat dans ses visées anti-démocratiques qui a aussi des aspects burlesques dans son incompétence généralisée dans sa façon de fonctionner. » Ils n’ont pas consulté Yad Vashem (ce qui a été confirmé ultérieurement, ndlr).
Paul Ouzi MEYERSON interroge alors Simon EPSTEIN sur la politisation de la Shoah. Que se passe-t-il? « Cette coalition a perdu le sens du vrai et du faux. Elle n’écoute pas les spécialistes… pratique le mensonge de manière systématique… » Le mensonge décent, selon l’expression de Paul Ouzi MEYERSON, « pratiqué par tous les gouvernements de droite comme de gauche », précise Simon EPSTEIN, n’a plus cours.
Interpellé, « Qu’est-ce qui vous met en colère? », Simon EPSTEIN martèle : « le peuple juif ne peut pas jouer sur deux tableaux… Minoritaire en diaspora, il est pour la démocratie, contre le racisme, pour l’universalisme; majoritaire dans son pays, il développerait alors une idéologie raciste, contre les non Juifs, totalitaire… une espèce de théocratie primitive… C’est inacceptable! »
Mis en ligne le 21 mai 2023