Cet homme, c’est Benjamin Netanyahu ! Cela a été dit à plusieurs reprises concernant diverses dimensions, que ce soit celle d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique, que ce soit en matière de relations Israël/diaspora. Ce qui s’est passé ces derniers jours en matière de relations Israël/Jordanie vient conforter cette assertion et ajoute une dimension supplémentaire, relevant cette fois de la sécurité nationale.

On peut comprendre que B. Netanyahu ait souhaité donner une impulsion à sa campagne alors que le Likud reste certes le premier parti mais ne parvient cependant pas à décoller : il demeure confronté à une difficulté majeure s’agissant de la formation du gouvernement. Une visite dans les EAU, plusieurs fois annoncée et chaque fois reportée, peu avant les élections, pouvait sembler être un « joli coup » susceptible d’atténuer un mécontentement certain quant à la gestion de la crise (confinement, situation économique, fréquentation des écoles, tolérance à l’égard des infractions des ultra-orthodoxes…) S’estompait en effet la satisfaction quant au succès incontestable de la campagne de vaccination, qui fait dire à certains pourtant habituellement critiques de la politique israélienne « mieux vaut aujourd’hui, en matière de vaccination, être israélien que français. »

On aurait pu être en droit de « faire la grimace » s’agissant de l’instrumentalisation de la diplomatie au profit d’un avantage électoral et de l’engagement partisan d’un haut fonctionnaire, chef du Mossad qui plus est, utilisant ses liens pour faire recevoir Netanyahu durant quelques heures dans un aéroport sans nécessité autre que celle de permettre à ce dernier de glaner des voix supplémentaires. On se souvient, qu’en France, il est d’usage que les membres du gouvernement s’abstiennent de se déplacer dans l’exercice de leurs fonctions à l’approche d’échéances électorales. En outre, les propos de Netanyahu selon lesquels il envisage de confier un poste ministériel à Yossi Cohen confirme la dilution de la démarcation entre service de l’intérêt national/service d’un homme ou d’un parti. À cet égard on prendra acte avec satisfaction de la mise au point de Y. Cohen dimanche dernier : « il n’y a pas et il n’y a jamais eu de relation politique entre le chef du Mossad et le Premier ministre ou le parti Likud« .

Si au moins cette opération de communication s’était déroulée avec la compétence et la prudence que les Israéliens sont en droit d’attendre de leurs dirigeants… Il n’en a rien été.
Pour une histoire de nombre d’agents de sécurité et de quelques armes en plus de celles qui auraient été négociées, le Prince héritier du royaume hachémite, qui souhaitait se rendre à la mosquée Al-Aqsa et y prier durant la nuit de l’Israa’ et du Mi’araj, ce qui est important pour tous les musulmans, a été contraint d’annuler sa visite. On sait que la Jordanie demeure la gardienne du lieu et que le Waqf continue à exercer son autorité religieuse sur le mont du Temple. Ne convenait-il pas de faire preuve de souplesse au vu de l’importance de l’accord de paix entre la Jordanie et Israël qui, de ce fait, bénéficie d’une profondeur stratégique essentielle et de frontières globalement sures et calmes?

Cette rebuffade n’est pas un cas isolé (souvenons-nous de l’accueil en fanfare d’un officier de sécurité israélien qui avait tué deux citoyens jordaniens dans des circonstances peu claires dans un appartement appartenant à l’ambassade d’Israël à Amman. Un dédommagement très élevé avait été accordé aux victimes mais l’officier n’avait pas été jugé par un tribunal israélien, comme Amman l’avait exigé). Elle traduit une sous-estimation de la relation avec la Jordanie, exacerbée depuis les accords d’Abraham qui auraient dû s’accompagner d’actions concertées pour remédier « au manque de confiance entre les parties et au manque de dialogue au plus haut niveau« , comme l’a déploré un ancien ambassadeur d’Israël en Jordanie.

La réaction jordanienne, inévitable, suite à cet incident évitable, a surpris dans son calendrier et par sa forme les autorités israéliennes. Le royaume hachémite a contraint Netanyahu à repousser une fois de plus son voyage aux Émirats arabes unis. La réaction de Netanyahu, inattendue dans ses modalités, a été autant abracadabrantesque qu’irresponsable : il a ordonné, en guise de représailles, sans concertation, avec un délai de prévenance particulièrement court, la fermeture de l’espace aérien israélien aux vols à destination et en provenance de la Jordanie. « Interdire aux avions à destination de la Jordanie de traverser l’espace aérien israélien aurait constitué une violation de l’accord de paix conclu par Israël avec la Jordanie en 1994. La directive aurait également violé les accords aériens conclus par Israël avec d’innombrables autres pays, dont les États-Unis qui utilisent l’espace aérien israélien pour les vols atterrissant en Jordanie ou pour ceux qui utilisent l’espace aérien israélien et jordanien pour atteindre d’autres destinations dans la région« . Heureusement, des fonctionnaires ont été « à la hauteur » à laquelle le Premier ministre » n’a pas su se hisser : en faisant traîner les choses, ils ont permis à Netanyu de se ressaisir et d’ annuler une décision irréfléchie et dangereuse.

Benny Gantz n’a pas toujours tort : « Cela montre simplement qu’il a entièrement perdu sa capacité à exercer un bon jugement et qu’il fait tout pour s’occuper de lui-même plutôt que du pays ». D’aucuns persifleront qu’en matière de « perte de capacité à exercer un bon jugement », Gantz sait de quoi il parle… mais ce n’est pas là le sujet.

 

Mis en ligne le 19 mars 2021