[Programmée le 22 novembre, la réunion-adhérents avec Dominique Moisi, souffrant, a été reportée à une date ultérieure. De passage à Paris, le journaliste Akiva Eldar (Ha’aretz), dont nous avons traduit près d’une centaine d’articles (à lire sur notre site), a bien voulu le remplacer. Nous le remercions ici chaleureusement de cette conférence improvisée, nourrie de son expérience du terrain et de son habituelle finesse d’analyse.

Évoquant l’attentisme aujourd’hui revendiqué par Benyamin Nétanyahu en matière de négociations avec l’Autorité palestinienne, Akiva Eldar file la métaphore : « Aucun cycliste ne peut rester immobile, s’il ne pédale pas, il tombe ! »]


Au cours d’une intervention dense où il dressa une rétrospective des négociations et non-négociations depuis 1967, multi ou bilatérales, avec ou sans parrainages divers au plan international, Akiva Eldar analysa successivement :

• L’immobilité du processus de paix : attendre, comme le fait le gouvernement Nétanyahu en prétendant reprendre un jour les choses où on les avait laissées, n’a pas de sens. Et la métaphore, après celle du cycliste si compréhensible à Paris s’il en croit le nombre de vélos en circulation, de se faire insistante, évoquant le « neutral » absent des boîtes automatiques [un neutral qui s’appelle du reste en français le « point mort »].

• Les récentes démarches palestiniennes sur la scène internationale et les positions des diplomaties française, européenne et américaine, avec pour les deux premières une plus grande liberté de manœuvre, tout gouvernement américain étant en proie aux pressions des lobbies qui alimentent les campagnes électorales, et l’Aipac [1] n’est pas le moindre d’entre eux.

• En diaspora, le contrepoids à ce soutien inconditionnel au gouvernement israélien, voire à la colonisation des Territoires, par ceux qui veulent promouvoir une active politique de paix est indispensable et urgent. Et de citer JStreet aux Etats-Unis, mais aussi chez nous JCall ou LPM [dans des contextes et avec des modes d’action différents, rappelons-le].

• La dégradation des règles de fonctionnement de « la seule démocratie au Proche-Orient » (dans les limites, du moins, de la Ligne verte). Les pratiques de longue date en vigueur dans les Territoires tentent aujourd’hui de s’imposer en Israël, comme par un effet de contagion [2].

Et Akiva Eldar de citer en particulier le projet de loi sur les subventions de source étrangère aux associations (retiré depuis de peur qu’il ne porte aussi atteinte à celles qui soutiennent la droite ou les colonies) ; les tentatives de museler la presse (« les lecteurs de Ha’aretz étant accusés du pire, que dire alors de ses journalistes ! »), avec l’interdiction de diffusion faite à Kol haShalom [3]; le mépris des droits des minorités, dont témoigne la proposition (elle aussi retirée depuis) de supprimer à la langue arabe son statut de seconde langue officielle de l’État [4].

• Plus brièvement, et en réponse aux questions qui suivirent : les implications du « printemps arabe » pour Israël, certes plus à l’aise avec des gouvernements connus de longue date, y compris en Syrie ; et la crise iranienne, amenant la seule note optimiste de la soirée, la certitude que La Guerre de Téhéran n’aura pas lieu [5].


NOTES

[1] L’Aipac (The American Public Affairs Committee), qui se décrit lui-même comme le « lobby pro-israélien de l’Amérique », serait fort selon Le Figaro de quelque 100 000 membres, et exerce des pressions sur les représentants tant démocrates que républicains aux deux chambres. Rappelons qu’il n’est pas un président américain pour se dérober à un discours devant son assemblée générale, exercice auquel se plièrent aussi bien cette année Barack Obama pour les États-Unis que Benyamin Netanyahu pour Israël.

[2] Voir sur notre site la présentation du récent dossier que nous avons consacré à « L’engrenage anti-démocratique », ainsi que la traduction de l’article de Na’hum Barnéa à ce sujet :

[->http://www.lapaixmaintenant.org] ;

[->http://www.lapaixmaintenant.org/La-Sainte-Trinite-Nous-ne-voulons ]

On pourra également lire avec profit l’article de Marius Shattner, publié sur le site de Montréal-24h : [->http://www.lesnouvellesrss.com/2011…]

[3] Voir la traduction du communiqué posté en page d’accueil du site de All for Peace / Kol haShalom:
[->http://www.lapaixmaintenant.org/L-Etat-a-mis-fin-a-la-diffusion]

[4] Évolution des relations judéo-arabes au sein de l’État d’Israël sur laquelle nous publierons un dossier dans les jours qui viennent.

[5] Espérons, malgré cette allusion à la pièce quasi homonyme de Giraudoux à laquelle nous n’avons su résister, que la certitude d’Akiva Eldar sera mieux confortée par les événements que ce ne fut le cas à Troie ou à l’issue des années Trente.


* Chef de la rédaction politique et éditorialiste au quotidien Ha’aretz.

Ancien porte-parole du légendaire maire de Jérusalem, Teddy Kolleck, correspondant diplomatique de Ha’aretz à Washington de 1983 à 1996, Akiva Eldar contribue aux colonnes éditoriales du New York Times et du Los Angeles Times, du Philadelphia Enquirer, de l’International Herald Tribune et du New York Jewish Week, est publié au Japon et a été promu en 2006 par le Financial Times comme l’un des commentateurs les plus influents au monde.

Il est l’auteur, entre autres ouvrages sur Israël et le Moyen-Orient, de The Ambush on Jerusalem [« Le Piège de Jérusalem »], qui traite des relations trilatérales USA/ Israël/ communauté juive, et de Lords of the Land, [« Les Seigneurs de la Terre »], qui porte sur les colonies juive de Cisjordanie ; et le lauréat 2007 du prix de journalisme proche-oriental Search for Common Ground (« En quête d’un terrain d’entente »].