« Israël et la Palestine sont tous deux coupables de crime par omission. Nous n’enseignons presque rien sur l’autre peuple qui vit sur cette même terre. »


Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Photo : © Reuters

Auteur : Gershon BASKIN, Jerusalem Post, (Opinion), 22 août 2019

https://www.jpost.com/Opinion/Back-to-school-What-we-teach-our-children-599342


Ce texte s’adresse aux parents et aux éducateurs en Israël et en Palestine.

Les parents et les éducateurs devraient être conscients que l’éducation peut contribuer considérablement à faire progresser les notions de réconciliation, de tolérance et de paix, tout comme à promouvoir la haine, la violence et la peur. Ils devraient être conscients que l’éducation peut provoquer et encourager la violence et combien elle continuera à affecter l’avenir, dans lequel les deux peuples sont imbriqués.

L’un des meilleurs moyens d’évaluer les valeurs d’une société est d’examiner ses manuels scolaires. Les valeurs et les leçons que nous choisissons de transmettre à nos enfants sont un bon test décisif de ce qui est vraiment important pour nous. En ce qui concerne les relations entre Israël et la Palestine, nos histoires, nos récits et plus encore la façon dont nos systèmes éducatifs envisagent l’avenir s’avère des plus inquiétantes.

Israël et la Palestine sont tous deux coupables de crime par omission. Nous n’enseignons presque rien sur l’autre peuple qui vit sur cette même terre. Certains manuels scolaires israéliens, en particulier dans le système éducatif ultra-orthodoxe, sont coupables d’enseigner la xénophobie et la haine. Les manuels scolaires palestiniens sont allés de mal en pis, les dernières éditions publiées en 2018 contenant parmi les pires exemples d’incitation à la violence, de racisme envers les Juifs et de haine à l’égard de tout ce qui est israélien.

Ce sujet a fait couler beaucoup d’encre et je ne veux pas ajouter quoi que ce soit à la démagogie que certains cultivent contre l’Autorité palestinienne. Les conversations que j’ai eues avec de jeunes Israéliens et Palestiniens, au sujet de ce qu’ils apprennent à l’école, de ce qu’ils n’apprennent pas, et des énormes idées fausses qu’ils se font d’eux-mêmes et de cet autre peuple avec lequel ils partagent cette terre, m’ont vraiment inquiété.

Au fil des années, j’ai essayé d’encourager les deux Ministères de l’éducation – en Israël et en Palestine – à s’engager dans une auto-évaluation et une introspection objectives quant aux messages et valeurs que nous enseignons concernant « l’autre ». Il est clair que si chacune des parties procédait à une évaluation des programmes et manuels scolaires de l’autre, les résultats seraient automatiquement rejetés. J’ai mis au défi les deux parties d’utiliser des critères internationalement acceptés pour l’évaluation des manuels scolaires, mais elles se servent de leur propre évaluation interne. Ma conclusion est que les Ministères de l’éducation ne sont pas prêts à relever le défi.

Un responsable palestinien de l’éducation m’a dit un jour : « Ils [les Israéliens] ont pris nos terres, ils détruisent nos maisons, ils ont déterminé notre avenir, et la seule chose à laquelle nous pouvons nous accrocher est notre identité et notre passé. Maintenant, ils veulent nous prendre cela aussi. » La plupart des responsables de l’éducation israéliens pensent que les manuels scolaires d’Israël sont bien meilleurs que ceux des Palestiniens, de sorte que nous n’avons aucun problème.

J’ai recommandé dans le passé que le gouvernement israélien et l’AP nomment un comité consultatif national sur les manuels scolaires chargé d’examiner les manuels en tenant compte des critiques qui ont été formulées ces dernières années. Chacune des parties devrait progresser sur cette question sans tenir compte de ce que fait l’autre. Ce n’est pas une question de négociations, de mutualité ou de réciprocité. Chaque camp doit démontrer les valeurs qui lui sont chères, indépendamment de ce que fait l’autre. Le véritable test de la capacité des deux camps à faire la paix évaluera dans quelle mesure les deux camps prennent des directives propres à éduquer la prochaine génération dans un véritable esprit de recherche de la paix.

Outre sa charge principale qui consiste à fournir aux jeunes Palestiniens des normes internationales et un enseignement universitaire de haut niveau, le Ministère palestinien doit assumer l’importante tâche de donner aux enfants de Palestine une éducation solide fondée sur des valeurs visant à construire une société palestinienne saine et le futur État palestinien.

Un aspect ESSENTIEL de l’éducation fondée sur des valeurs est de transmettre et construire l’identité nationale palestinienne sous toutes ses nombreuses facettes. Ce genre de tâche est compliqué dans les meilleures circonstance et, confrontée depuis cent ans à un violent conflit avec ses voisins, cela devient extrêmement problématique et difficile.

Comme l’Autorité palestinienne en a été témoin ces dernières années, les manuels scolaires palestiniens font l’objet d’une grande attention internationale, et chaque mot ainsi que chaque image sont pesés et jugés par des examinateurs de tous les coins du monde. Les livres ne sont pas seulement évalués en fonction de leur contenu pédagogique et de leur contexte, mais aussi, et peut-être surtout, en fonction de l’interprétation des messages politiques qu’ils délivrent aux lecteurs. Il faut faire preuve d’une grande prudence dans la sélection de chaque texte et de chaque image, mais surtout, il faut que les messages transmis soient clairs et fondés sur un fondement moral solide.

La Palestine est engagée dans un combat pour son existence nationale. Le conflit et la lutte pour la liberté, la libération et la souveraineté ont été très sanglants et accompagnés de grandes souffrances. Chaque Palestinien est conscient du contexte de cette lutte et du prix que son peuple a dû payer dans cette lutte. Jusqu’à présent, les messages délivrés par les manuels scolaires palestiniens n’ont pas réussi à transmettre un message clair et décisif selon lequel le peuple palestinien souhaite vivre en paix avec son voisin, son ennemi et, espérons-le, son futur partenaire de paix. Il n’y a pas de contradiction à enseigner aux étudiants qu’ils doivent lutter pour leurs justes droits tout en affirmant sans équivoque souhaiter vivre en paix avec les gens contre lesquels ils luttent.

Les manuels scolaires palestiniens contiennent des messages confus, mais il n’est pas difficile de comprendre que le principal thème politique transmis aux étudiants est qu’Israël ne devrait pas exister et que c’est l’objectif primordial des Palestiniens. En partant du principe que ce n’est pas le message politique auquel adhère l’AP, il est nécessaire d’apporter de réviser et amender sérieusement les manuels scolaires palestiniens.

Les hauts responsables de l’Autorité palestinienne ont éludé une grande partie des critiques en insistant sur deux éléments capitaux :

1) Les manuels scolaires israéliens ne mentionnent pas la Palestine, l’Autorité palestinienne, les droits politiques palestiniens ou leur reconnaissance ; et

2) Les questions soulevées sont de nature politique et le ministère de l’Éducation de l’AP n’a pas mandat pour les traiter.

Ni l’une ni l’autre de ces raisons ne répond de manière appropriée au devoir de l’Autorité palestinienne et de son Ministère de l’éducation de mieux inculquer aux jeunes Palestiniens des valeurs de paix et de réconciliation plutôt que de promouvoir le conflit et la violence.

Du côté israélien, quasiment aucune des cartes des manuels scolaires israéliens ne désigne les zones sous contrôle de l’AP et encore moins la « ligne verte ». Les livres d’histoire en Israël ne mentionnent pas la décision des gouvernements israéliens précédents de reconnaître les droits politiques palestiniens. Les manuels scolaires israéliens enseignent trop peu de choses sur leurs voisins arabes et palestiniens. Si Israël demande aux Palestiniens de réviser et de réformer leurs manuels scolaires dans l’esprit de la paix, Israël doit aussi regarder dans ses propres salles de classe et se réformer de même. Ce serait également le signe qu’Israël a véritablement l’intention de faire la paix avec les Palestiniens.

La deuxième partie présentera des recommandations spécifiques pour amender des manuels scolaires en Israël et en Palestine.