sur le site du Jerusalem Post

Jerusalem Post, 2 décembre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


En préparant le retrait de Gaza, le département planification stratégique de Tsahal avait imaginé deux scénarios possibles pour la période post-désengagement. L’un considérait Gaza comme un test de la faculté des Palestiniens à gouverner. Les résultats obtenus à ce test, ainsi que le formulait la conception stratégique de Tsahal, détermineraient dans quelle mesure il serait possible d’entamer un processus de négociations avec les Palestiniens, ou d’avancer sur la Feuille de route.

L’autre conception stratégique considérait Gaza comme un « pilote » qui, comme dans le premier scénario, serait également un test. Mais au lieu de le voir comme quelque chose que les Palestiniens devaient réussir par eux-mêmes, dans ce modèle  » pilote « , Israël ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour assurer le succès de la prise de contrôle [de Gaza] par les Palestiniens. Les stratèges israéliens recommandèrent avec force au gouvernement d’adopter ce dernier modèle. Néanmoins, il est très clair, quatre mois plus tard, que c’est le modèle du « test » qui a été adopté et que, pour le moment, les Palestiniens y ont gravement échoué.

Il faut aussi mentionner le fait que pratiquement rien du modèle « pilote » (où Israël devait assister et assurer le succès de la prise de contrôle) n’a été adopté ni appliqué.

L’échec des Palestiniens à gouverner, à assurer l’état de droit, à maintenir l’ordre, à contrôler la sécurité, à empêcher les attaques aux roquettes Qassam contre Israël, à organiser des primaires libres et ouvertes, et davantage encore, est tout à fait patent. Comme si le scénario avait été écrit à l’avance, on peut entendre des voix de la droite israélienne annoncer haut et fort : « nous l’avions bien dit ».

Comme pour Oslo, le sort du processus a été presque entièrement prédéterminé par un manque total de bonne volonté (des deux côtés) et par le non-respect des accords et des arrangements. A l’exception de la réouverture du passage de Rafah (qui n’était que l’un des éléments d’un accord bien plus large), rien n’a été appliqué qui aurait pu aider à obtenir de meilleurs résultats au « test ».

A Gaza, les principaux échecs des deux côtés sont clairs. Les Palestiniens ont totalement échoué à maintenir l’ordre, à créer un sentiment de sécurité pour leur peuple, et à instaurer un sentiment de confiance en l’avenir. Le gouvernement israélien, de son côté, continue à appliquer sa politique, entamée depuis le début de l’Intifada, qui consiste à séparer totalement Gaza de la Cisjordanie.

A l’exception de la zone de transport de Karni, demeurée ouverte comme promis aux Américains, Israël continue à imposer et à renforcer des politiques épidermiques qui punissent le public palestinien sans pour cela combattre réellement le terrorisme.

Dès la fin du désengagement, Israël a lancé un programme qui consistait à accorder des permis de travail à des ouvriers palestiniens ainsi que des « cartes d’hommes d’affaire » permettant à leurs propriétaires de circuler librement en Israël et même d’utiliser l’aéroport Ben Gourion. Mais, après la campagne d’attaques à la roquette Qassam de la part du Djihad islamique, Israël imposa de nouveau un bouclage complet de Gaza et de la Cisjordanie.

Le plan qui prévoyait des convois de bus entre Gaza et la Cisjordanie fut annulé. Plus récemment, nous avons vu le lancement de l’opération « Ciel Bleu », où le nord de Gaza est bombardé toutes les nuits pour empêcher les tirs de Qassams.

Il fait peu de doute que la détérioration continue des conditions de vie à Gaza provoquera une victoire claire du Hamas aux prochaines élections palestiniennes (si elles ne sont pas annulées), et il se pourrait qu’il soit déjà trop tard pour faire quoi que ce soit qui empêcherait ce résultat. Une annulation ou un report des élections provoquerait presque à coup sûr un renouveau des violences du Hamas contre Israël.

Depuis des années maintenant, même pendant la guerre du Liban, Tsahal s’en est tenu fermement à l’hypothèse selon laquelle la punition collective est efficace. L’idée de base est que si la population locale souffre, elle fera pression sur son gouvernement pour qu’il combatte le terrorisme. Or, cela ne s’est jamais produit. Au Sud Liban, en 1982, les chiites ont accueilli Israël avec des fleurs et des bonbons. Moins d’une année plus tard, la population chiite se joignait à la « résistance » qui, pendant 18 ans, a posé des bombes sur le bord des routes et tué des soldats israéliens. Il y a eu corrélation directe entre le niveau de souffrance vécu par l’opinion comme le résultat d’actions israéliennes et son soutien ou sa participation à la lutte armée contre Israël.

De même, en Palestine, le public palestinien a considérablement souffert ces cinq dernières années. Or, jamais, pendant cette période, il n’a fait sien la conception israélienne et fait pression sur ses dirigeants pour combattre et empêcher le terrorisme. Au lieu de cela, sa haine envers Israël a augmenté, et parallèlement, son désir de frapper Israël et les Israéliens. Il est ahurissant de constater qu’une politique qui, depuis tant d’années, a systématiquement échoué à obtenir le résultat stratégique escompté, soit appliquée de manière automatique, comme une réaction épidermique.

Au niveau le plus élevé de l’armée, il est clair que la plupart des officiers haut gradés reconnaissent que cette politique de punition collective contre les Palestiniens apportent davantage de réponses aux besoins et aux inquiétudes de l’opinion publique israélienne qu’elle n’aide à combattre et à empêcher le terrorisme.

A la lumière de plusieurs décennies d’échecs, il est temps d’évaluer les chances de succès d’une autre politique. La politique que je recommande ici concerne seulement la bande de Gaza et non la Cisjordanie. Elle se fonde sur une situation où l’occupation israélienne à Gaza a pris fin, ce qui n’est pas le cas de la Cisjordanie, où les Palestiniens continueront à la combattre.

Cette recommandation a pour principes la réciprocité et la récompense. L’idée de la punition collective consiste en ce que, lorsque la sécurité d’Israël est violée, le public palestinien en paie le prix. Ce que je suggère se fonde sur une logique inverse : il y a un prix qu’Israël paiera pour tout résultat obtenu en termes de sécurité.

Si, par exemple, les Palestiniens mettaient à jour et fermaient un tunnel utilisé pour faire passer des armes de contrebande, Israël émettrait 2.000 permis de travail non soumis aux bouclages éventuels. Si les Palestiniens mettaient à jour et fermaient un atelier fabriquant des Qassams, Israël accorderait 1.000 permis de travail de même nature. Si les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne commençaient à confisquer les armes illégales, chaque arme vérifiée et confisquée vaudrait X permis de travail, ou X places dans un bus Gaza-Cisjordanie, ou X cartes d’hommes d’affaires, etc.

Les résultats positifs qu’obtiendrait l’Autorité palestinienne auraient un prix qu’Israël paierait directement au bénéfice du public palestinien. Ces récompenses seraient connues et rendues publiques. Le paiement serait immédiat et visible. Israël devrait s’engager à appliquer cette politique de façon systématique et sur une longue période. Il serait utile de faire intervenir des parties tierces qui vérifieraient les actes des deux côtés : un tunnel devrait être identifié, fermé définitivement, tout cela sous le contrôle d’une partie tierce. Israël devrait effectuer ces paiements de manière vérifiable. Les informations fournies par la partie tierce seraient accessibles au public.

Il est temps d’essayer une autre politique qui, plutôt que de menacer et de punir, récompenserait les actes positifs et encouragerait l’opinion à soutenir une situation qui irait en s’améliorant.

L’alternative, c’est davantage d’impuissance et de désespoir.